Il se prend pour sa photo

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La lumière filtrait au travers de ses paupières closes. Elle prit une grande inspiration et se détourna de la fenêtre dont le volet de bois vert était entrouvert.

Sa nourrice ouvrit la fenêtre en grand, faisant apparaître l'odeur âcre des automobiles et les cris des jeunes allemandes vendant tout et n'importe quoi. La jeune blonde cacha sa tête sous l'oreiller en marmonnant des mots incompréhensibles. La nourrice eu un sourire bienveillant et amusé.

«- Adaline, réveillez-vous.
- Non. Encore cinq minutes. S'il te plaît, supplia-t-elle.
- Votre père vous attend en bas, dans la salle à manger. Faites vite. »

Lorsque la porte claqua, elle sortit à toute vitesse de son lit. Le seul mot «père» la faisait réagir au quart de tour. Ayant perdue sa mère, Adaline affectionnait beaucoup son père, voire beaucoup trop pour le peu qu'il lui rendait. Malheureusement pour elle, il était très souvent absent, trop occupé à préparer son discours pour les élections ou à fréquenter la bourgeoisie pour obtenir de l'argent et récolter des promesses de voix. Lors des absences de son père la petite fille était seule à la maison, alors elle s'inventait des histoires.

Certaines parlaient de son futur d'actrice, d'autre d'amourettes futiles de jeunes filles. Mais une grande majorité de ses contes parlaient du passé quand les rois et les tsars régnaient encore. Elle s'imaginait être une princesse, devoir épouser un jeune homme qu'elle ne connaissait pas pour au final, en tomber amoureuse. C'était le problème chez Adaline, elle vivait dans un rêve.

L'enfant se rendit dans la salle de bain, nettoya son visage et laça un cordon de velours autour de son cou. Elle attacha ses cheveux blonds en un chignon bas complexe, rehaussé de fines tresses. Elle aimait être jolie naturellement. Sortant de la salle de bain elle se rendit à son armoire et choisit, au hasard, une de ces robes à la mode et l'enfila. Elle fit son lit, plia sa chemise de nuit et la coinça sous son oreiller. Adaline aimait que tout soit en ordre et propre.

Une fois ceci fait, elle sorti de sa chambre et s'engouffra dans les escaliers qu'elle descendit à une allure impressionnante, si impressionnante qu'il fut prodigieux qu'elle ne tombe pas. Quand Adaline arriva en bas des escaliers elle sauta les quatre dernières marches et manqua de renverser le vase posé sur une petite table munie d'un tiroir, en bas des escaliers. La nourrice, l'ayant vu trébucher lui asséna un regard colérique. Au quel Adaline répondit par une petite grimace d'excuse mêlé à un sourire innocent. L'employée lui indiqua la porte de la salle à manger, puis s'engouffra dans le couloir menant à la cuisine.

La petite fille coinça une mèche folle derrière son oreille et épousseta sa robe pourpre. Elle voulait être parfaite. Adaline frappa la porte de manière à s'annoncer et poussa cette dernière. Elle passa la tête dans l'entrebâillement.

Son père était assis, au bout de la table en chêne, sur une chaise de velours rouge, occupé à lire la presse locale. Elle entra dans la pièce, ferma la porte derrière elle et fondit sur son père pour l'embrasser.

L'homme rit un instant, caressa affectueusement les cheveux de sa fille, qu'il trouvait d'ailleurs magnifique, et, trouvant l'étreinte trop longue la repoussa. La petite blonde était déçue, mais elle ne le montra pas, trop habituée à cacher ses émotions. Elle se contenta de sourire et de partir s'asseoir à l'opposé de son père.

« -Comment va ma fille en ce merveilleux jour? Demanda t-il.
   -Bien, merci. Et vous?
   -Parfaitement bien. Une journée magnifique se profile à l'horizon, tout autant que ma victoire, dois-je ajouter. »

Son père parlait fort, trop fort. Et il n'avait aucun talent. Hormis celui de lui casser les oreilles. Il finit rapidement de manger son petit pain. Quelques miettes étaient restées coincées dans sa courte moustache, il se leva et se présenta devant sa fille.

« -Comment me trouves-tu? Demanda t-il.
A vrai dire elle le trouvait ridicule dans son costume brun et sa moustache accompagnée de ses cheveux laqués n'arrangeait rien. Malgré tout elle menti.
   -Victorieux et très à la mode. »

Son père afficha une moue oscillant entre le satisfait et le condescendant et lui tendit une photo de lui.

« -J'y ressemble?
   -À quoi?
   -Que les femmes sont stupides. A la photo. Est-ce que je ressemble à la photo?
Adaline encaissa l'insulte sans broncher puis regarda attentivement la photo.
   -Oui, vous y ressemblez.
   -Parfait. »

Il se détourna et s'en alla. Adaline entendit le cliquetis des boutons du manteau sur le porte manteau, elle entendit le froissement de la chemise sous la pression des manche, et pour finir, la porte claquer.
Elle posa un coude sur la table et soupira en posant sa tête sur sa main, laissant sa mèche folle revenir à l'assaut. Elle allait encore passer une journée seule, comme chaque jour.

Adaline Où les histoires vivent. Découvrez maintenant