Chapitre 11 Partie 2

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Moins de cinq minutes plus tard, je passe la porte.

"Anna enfin ! Je commençais à croire que vous étiez fâchée contre moi ?" Il plaisante et bêtement ça me fait rire.

"Bonjour Monsieur Ford.

- Chris. Juste avant c'était votre copain non ?

- Quoi ?" Je demande en m'asseyant face à lui.

J'étais certaine qu'il allait demander. Pas de costume ou dossiers pour me cacher aujourd'hui. Ce sont probablement les dernières phrases que nous échangeons.
Demain Chris disparaîtra à tout jamais.
Si dans cette salle je vois des ombres qui me font peur, je ne crains rien. Il ne s'agit que du karma de Chris Ford qui est assis face à moi.

"Juste avant, le grand brun qui voulait m'interroger.

- Et alors ?

- Je trouve qu'il me ressemble un peu."

J'éclate alors d'un rire sincère.

"Vous vivez en pleine féérie vous !" Je me moque.

Je profite de ces dernières heures avec l'Etrangleur. Je n'ai plus envie de jouer.

"Alors vous couchez avec cet homme ?

- Vous trouvez ça malsain ?, je lui demande."

Sa question n'est pas une simple curiosité. Je crois que je commence à comprendre comment il fonctionne. Un point me reste à définir : comment ces femmes ont-elles été choisies ?

Je suis partagée entre deux théories : soit elles ont osé accepter les avances de Chris qui les a immédiatement considérées comme des femmes faciles, soit elles ont essayé de le séduire, ce qui a déclenché en lui une colère destructrice.

Je sais qu'il ne me le dira pas et que je vais devoir jouer finement si je veux obtenir mes réponses.

"Je ne suis pas vraiment du genre à m'engager. Vous voyez ? On s'amuse bien mais je ne sais si j'ai vraiment envie de construire avec lui." Je vois alors son sourire se décomposer au fil des mots. Il cherche dans mon regard ce qui pourrait trahir un mensonge. Mais au fond, je pense vraiment ce que je suis entrain de dire. Et ce discours le dégoûte déjà. "Vous n'aimez pas que les femmes soient libres et ... légères, n'est-ce pas ? Votre maman a du vous répéter depuis l'enfance comme vous êtes beau et qu'il ne faut surtout pas vous laisser séduire." Les jointures de ses doigts blanchissent tant il serre les mains. "Elle vous a répété qu'elles sont mauvaises, qu'elles vont toutes chercher à vous piéger."

Je me couvre alors la bouche d'une main et secoue la tête.

"Toutes ces femmes qui viennent à vous, comment ont-elles pu oser ?" Je tente en espérant avoir bien analysé mon adversaire. "C'est parce qu'elles venaient à vous qu'elles sont mortes. Vous ne les avez pas choisies. Au fond, vous ne vouliez blesser personne."

Un clin d'œil provoquant que j'essaie d'ignorer. Il veut reprendre le dessus et ce jeu lui plait beaucoup. J'ai passé du temps à l'étudier, assez pour en venir à ces déductions.

"Je sais que je plais aux femmes." Il me dit, fier de lui. Il s'assoit droit sur sa chaise pour s'imposer par la hauteur de son corps.

Je siffle entre mes dents comme pour laisser échapper un soupir de fausse exaspération.

"Et c'est là votre plus lourd fardeau."

Un combat s'installe désormais entre nous. Me reste à définir s'il a séduit ces femmes pour qu'elles viennent à lui. Je sais comme il est narcissique et il pourrait très bien avoir provoqué sa propre chute.

"Votre beauté, votre charme..." Il me sourit comme si je le complimentais. "... c'est le plus gros des handicaps finalement."

C'est parce que Chris est beau qu'il est dangereux. Pire : c'est parce qu'il a toujours été beau garçon qu'il est devenu dangereux. Son obsession pour la pureté l'a obligé à repousser les femmes qui venaient à lui dans un premier temps, puis à punir celles qui avaient l'audace d'oser le draguer.

La victimologie habituelle est celle de femmes qui ont eu le malheur de refuser les avances d'un homme se révélant être un tueur en série. Dans le cas actuel, tout est inversé.

Chris me rappelle le Lady Killer : Ted Bundy. Il apparaissait comme un homme de belle apparence et charismatique, traits utilisés pour gagner la confiance de ses victimes. Quand la plupart des serial killers sont laids, difformes, repoussants et impuissants, Ted Bundy et Chris Ford sont l'exact opposé. Ils sont l'époux dont rêvent toutes les femmes.

Ann Rule, dont je me suis inspirée pour mon nouveau pseudo disait de Bundy que c'était un sociopathe sadique qui prenait plaisir dans la douleur d'autres êtres humains et le contrôle qu'il avait sur ses victimes, jusqu'à leur mort.

Chris étranglait des femmes puis attendait qu'elles se réveillent pour recommencer encore et encore. Je crois même qu'il a pu jouer les innocents et s'amuser de la désorientation de ses victimes. Je l'imagine aux côtés de ces femmes, reprenant doucement conscience et leurs disant que "tout va bien" ou qu'elles sont "en sécurité désormais".

Un monstre au cœur dur comme de la pierre.

Déjà en étudiant la victimologie de l'Etrangleur, j'avais fais un parallèle avec celle de Bundy. Les corps que l'on retrouvait à un stade avancé de décomposition, toutes les victimes étaient des femmes, plutôt jeunes et très belles. Au détail près que Bundy violait ces femmes, ainsi que leur cadavre tandis que Chris a une véritable aversion pour celles qui osent s'offrir à lui. Comme le tueur français : Michel Fourniret il est obsédé par la pureté. Michel Founiret choisissait des victimes dont il savait par avance qu'elles ne seraient pas vierges. l'Etrangleur lui, se rendait dans des lieux de rencontre, charmant toutes les femmes qu'il croisait pour ensuite enlever celle qui oserait venir lui faire des avances.

Il y a un degré de perversion sadique chez ces hommes et je ne crois pas qu'ils soient réellement conscients des non sens de leur psyché.

Le mal est banal, à la portée de tous. Nous avons tous un côté sombre mais chez ces hommes et femmes, le mal relève d'une exceptionnelle monstruosité, qui va très au delà de l'humanité commune. Ainsi nous ne sommes pas en mesure de juger leurs actes. Car personne ne peut vraiment comprendre les serial killers.

Qui sont-ils vraiment ? Qu'est-ce qui les pousse à commettre de telles horreurs ? Plus j'en interroge, et moins je trouve de réponses. Une vérité valable pour les uns, ne le sera pas pour les autres.

"Je suis sur que nous allons nous revoir.

- Et pourquoi ça ?

- J'ai beaucoup de choses à vous apprendre."

Nombres de tueurs en série m'ont fait la même réponse pour que je leurs évite la prison. Mais :

"Je sais déjà tout."

Nos corps se sont rapprochés. Je pose mes mains sur la table et me penche vers lui. Je sens toujours ce même parfum. Nous nous défions comme des guerriers sur le terrain de la psychanalyse.

"Cla..Anna." Se reprend Matt en ouvrant la porte, déclenchant un regard intéressé et un sourire moqueur de la part de Chris. "L'entretien est terminé. Une équipe va bientôt passer chercher Monsieur Ford pour le transférer."

J'acquiesce, un peu frustrée d'être coupée en plein duel. Je baisse la voix pour que nous soyons les seuls à entendre :

"Vous vous couchez contre leur aisselle car vous voulez sentir la panique qui monte en elles lorsqu'elles reprennent conscience. En se réveillant, leur cœur battait plus vite et cela vous excitait."

Il relève la tête dans l'espoir de placer son visage en face du mien mais je fais un pas en arrière, lui refusant ce rapprochement qui s'apparente à une provocation. Je rejoins Matt qui me tient la porte ouverte. J'étais presque sortie lorsque Chris reprend :

"Je ne parlais de moi. Je voulais dire... sur vous. Vous ignorez tout de vous."

Death Battle (sous contrat d'édition HQN)Where stories live. Discover now