Chapitre 2.

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« Bonne journée... et sois sage. »

La femme regarda le garçon claquer lourdement la portière derrière lui. Il lui ne lui répondit qu'à peine, trop occupé à remettre ses écouteurs dans les oreilles.

Accrochée à son volant, elle avait troqué son pyjama pour des vêtements de ville plus présentables et portait à présent un tailleur bleu marine qui allait peu à ses fortes rondeurs ainsi qu'une paire de talons inconfortables. Sa tignasse brune avait été coiffée et arrangée dans un chignon qui se voulait élégant mais dont s'échappaient plusieurs cheveux indisciplinés. Malgré son maquillage exagéré, les gros cernes presque violets, et plus creusés que la veille, restaient coincés sous ses yeux marrons, couvrant encore son regard d'une lourde fatigue.

Un discret soupir s'échappa de ses lèvres teintées de rouge, elle se décida à démarrer sa voiture électrique puis remonta la vitre dans un frottement de verre. La boîte de conserve sortit de sa place de parking avant de disparaitre entre les routes, laissant le garçon seul devant un grand établissement.

Plusieurs autres adolescents habillés d'uniformes noirs descendaient également de divers véhicules, venant se rassembler par petits groupes sur la place avant de disparaître rapidement entre les portes du bâtiment, tout en discutant gaiement. Certains restaient tout de même dehors, s'adonnant à plusieurs activités joviales. Il y en avait qui lisaient tranquillement sur les bancs, d'autres riaient entre amis, le tout dans un faible fond sonore chargé de légèreté et d'innocence. Concentrés sur leur joie et se précipitant d'un pas insouciant dans l'enceinte de l'établissement, ils ignoraient presque les militaires qui circulaient parmi eux, le regard aux aguets et arme à la main. 

Au nombre exagéré de cinq, ils arpentaient la place à la manière de robot préprogrammés tout en balayant l'endroit de leurs yeux dans tous les sens possibles. Ils passaient entre les adolescents, qui semblaient de pas les voir, scrutant leurs comportements, leurs gestes et leurs paroles dans un silence glaçant.

L'un d'eux s'approcha du garçon de son pas alourdi par ses larges bottes de cuir renforcé, le jaugea du regard avant d'articuler quelques mots.

La voix du soldat ne parvint aux oreilles de l'adolescent que dans un son embrumé, même s'il devinait sa demande, il retira tout de même les écouteurs de ses oreilles, brisant le solo de vieux saxophone qui était en train de se jouer.

« Carte et sac, s'il-vous-plait, redemanda l'homme armé d'un ton froid et direct. »

Obéissant, le jeune garçon enleva le cartable de son dos et l'ouvrit au regard de l'inconnu. D'une pochette, il sortit également un large bout de papier en plastique où était affichée sa photo.

Le militaire scanna le code barre imprimé sur la carte. Il soupesa le sac, inspecta son intérieur, fit passer un capteur devant chaque poche. L'engin émettait un bip constant, ainsi qu'une lumière verte clignotante, signe qu'il n'y avait rien de suspect.

L'adolescent le laissa faire sans sourciller, gardant sa même expression neutre sur le visage.

« Bonne journée, ne restez pas dehors, lâcha automatiquement le militaire après avoir fini son indiscrète inspection. »

Sans un mot de plus, il tourna les talons pour se diriger vers une nouvelle victime. Le regardant partir de sa marche soldatesque, le garçon referma son sac avant de le réajuster sur ses épaules et de remettre le solo de jazz là où il était.

Soudain, une sonnerie stridente réussit à parvenir à ses oreilles.

Les rares troupeaux encore présents sur la place se dirigèrent vers la grande porte de l'établissement, s'entassant devant elle comme des abeilles autour de leur ruche. Une ruche bien laide, en effet, puisque l'immeuble qui leur servait de collège avait été peint d'une couleur grise des plus ternes. Et l'architecte ne s'était pas donné trop de peine puisque seules plusieurs fenêtres identiques décoraient la simple façade plane du bâtiment. Autrement dit, l'endroit était sombre et uniforme, tout comme les vêtements portés par les collégiens en pleine puberté.

D'un pas las, le garçon n'eut le choix que de se mêler à la maigre foule, la suivant dans son avancée solennelle et organisée.

Lorsqu'il passa enfin la lourde porte battante, l'adolescent se retrouva projeté dans un endroit noir de monde, contrastant fortement avec la grande place quasi-déserte. Des personnes de toutes sortes et de tous physiques se bousculaient entre les murs, sans faire attention les uns aux autres.

« Pas d'écouteurs dans l'établissement, s'il-vous-plait. »

Contraint de laisser tomber définitivement la musique qui l'accompagnait depuis le début de sa matinée, le garçon daigna enrouler les fils de son appareil avant de le ranger à contre-cœur dans son sac. Le doux son du jazz laissa place à l'incessant brouhaha qui résonnaient dans les couloirs étroits, faisant grésiller ses tympans de pseudo-mélomane.

Poussé par quelques nouveaux arrivants qui s'entassaient derrière lui, rajoutant des décibels à l'ensemble, il fut obligé de se laisser guider dans la vague et de traverser cet océan de corps transpirants de sébum, au détriment de son impétueuse envie de fuir cet endroit maudit.

Alpha [My Hero Academia] (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant