La Cérémonie

114 11 1
                                    

Sael n'avait aucune idée de l'endroit où iel se trouvait. Iel n'avait pas mangé depuis la veille et tremblait un peu sur ses jambes mais avait refusé de demander pourquoi les Dimaer ne lui avaient rien apporté. Iel se montrait borné, mais c'était également son seul moyen de résistance actuel. D'autre part, depuis que Meredidth avait fait venir un médecin il avait repris des repas plus ou moins normaux et se sentait plus en forme.

En arrivant dans l'immense appartement décoré de moulages, les Dimaer l'avaient présenté à un groupe de voloviennes, dont certaines de celles qu'iel avait déjà rencontrées durant le conseil des Sœurs du Saint Supplice, en tenue complète de cérémonie. Donc, un rituel.

Fantastique.

Iel se composa le visage le plus hostile possible et jeta des regards noirs à toutes les personnes ayant la mauvaise idée de l'approcher. Les Dimaer finirent par l'amener en cuisine, où la propriétaire du logis lui servit un repas —et plus rien n'eut d'importance à partir de cet instant.

Les Dimaer l'observaient engouffrer son omelette de blancs d'œufs à l'ail, oignon et riz avec fatigue. Après tout, Sael avait pris l'habitude de démolir un de leur précieux bibelot par jour, de déchirer de longs rubans de tapisserie sans les arracher complètement pour qu'ils pendent lamentablement dans la pièce et de confondre régulièrement la salle de bain et les murs de leur chambre. C'était devenu plus difficile depuis qu'iels l'accompagnaient partout, mais Sael parvenait de temps en temps à y trouver son compte.

Alors qu'iel engloutissait son verre de lait, iel regarda l'armée de petits-fours soigneusement alignée sur des plateaux d'argent qui attendaient leur tour sur le buffet. Iel hésitait entre se jeter dessus pour ruiner les semaines de soi-disant purification que lui avaient infligées ces fanatiques et se contenter d'y reverser la carafe d'eau proche.

Iel était un peu fatigué et se borna à balayer le contenant de cristal d'un revers de main, peu troublé par son explosion au sol en une centaine de fragments translucides, et trop épuisé émotionnellement pour savourer pleinement l'expression de surprise outrée de la volovienne qui lui avait apporté son repas.

D'ailleurs, une fois son verre et son assiette terminés, iel les fracassa à terre avant que les Dimaer n'aient, malgré leur habitude, eu le temps de l'en empêcher.

Évidemment, les voloviennes qui ne lui servaient pas de geôlières se rassurèrent en mentionnant sa ressemblance avec Volovelle, et en entamant une énième dissertation sur l'étymologie du nom original de la déesse qui se traduisait par « Caprice ». Les Dimaer se contentèrent d'aller chercher un balai.

Sael ignora le défilé de voloviennes qui arrivait au compte-goutte pour lui être présentées, un sourire immense sur leurs lèvres et de l'espoir plein la tête. Au début, iel leur demanda si elles étaient les voloviennes qui avaient assassiné la famille Koppel environ sept ans auparavant. Pour la seconde fournée, iel les regarda d'un air mort en les insultant dans la langue de sa mère (plus ou moins correctement, et généralement en les traitant de toilettes vu l'étroitesse de son vocabulaire). Puis, et puisqu'on avait éloigné tout objet susceptible d'être jeté ou proposé comme potentiel outil de suicide, iel se contenta de grommeler chaque fois qu'on annonçait un grand ponte.

Cela ne dura pas très longtemps, car les organisatrices finirent par écouter les suggestions des Dimaer. Iel fut donc isolé dans la cuisine alors qu'on expliquait à chaque nouvelle arrivée que lae Protégée avait besoin de se préparer pour la cérémonie. Ce que Sael faisait effectivement en tâchant de déterminer une manière de fuir par la porte d'entrée, ou par la fenêtre, en espérant que le toit d'une voiture pourrait amortir le choc. Ces solutions manquaient de finesse, mais iel était trop fatigué pour en trouver de plus évoluées. Il faut savoir accepter ses limites.

L'Eau viveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant