Chapitre 14 : Gentil garçon ?

372 20 5
                                    

- "Andreaaaas ! Mon chéri !

La porte d'entrée claque et j'entends ma mère déposer ses clés sur le petit secrétaire du hall. Ses talons aiguilles rythment ses pas sur le parquet du salon où je l'imagine poser son sac blanc nacré ainsi que sa veste rose pâle sur le bord du sofa. Un bruit sourd puis de petits froissements réguliers me parvient jusqu'à ma chambre. Probablement une vingtaine de magazines de mode provenant des quatre coins du monde, et un peu de courrier que ma mère vient de déposer sur la grande table basse en face du canapé en commençant à les feuilleter. 

Un peu plus tard, c'est mon père qui passe la porte d'entrée et nous voilà réunis tous les trois. J'étais descendu et m'étais assis aux côtés de ma mère. Elle avait l'air légèrement tendu et ses sourcils froncés montraient à quel point son travail lui demandait de l'investissement et du temps. Du temps que je ne passe plus avec elle. Mais je n'y prêtais pas plus attention trop absorbé par le livre à la couverture de cuir marron posé sur mes genoux. 

Sous mes yeux se défilaient de nombreuses histoires. Des histoires dont on ne connaît qu'un moment, un instant, une bribe de leur existence. Un cliché et les voilà imprimées et sauvegardées à jamais. Ensuite, libre cours à votre inventivité pour découvrir quels secrets elles scellent et lesquels ont été mis au grand jour par le maître de ces photos. Ces bouts de papiers rectangulaires étaient pour la plupart en noir et blanc et avaient capturé toute l'essence qui constituait ces personnes qui apparaissaient sur ces pages vieillies par le temps. En une image, je pouvais deviner et imaginer la vie que menait ces inconnus aux airs si familiers et accueillants. Pourtant le cadre qui les entourait n'était pas le plus luxueux qui puisse exister. Une rue de petits commerçants, un champs, un pré, la lisière d'un bois, une ferme, l'entrée d'une épicerie... 

Sur une photo, vêtu d'une simple chemise en toile et d'un pantalon usé par des journées passées sous un soleil brûlant, un homme se baladait près d'un champs le sourire aux lèvres malgré la terre qui recouvraient ses mains et ses pieds moitiés nus. Il avait l'air bien, heureux et paisible dans cet environnement naturel. Je l'imagine bien vivre dans la simplicité avec sa femme et ses enfants dans une maison en bois entourée d'un joli parterre de quelques rares fleurs poussant par-ci par-là et d'une cour dans laquelle se disputeraient deux poules pour une graine qui traînait là par hasard. 

Je tourne quelques pages encore et découvre une multitude de visages, de femmes, d'hommes et d'enfants. Ils expriment tous une expression différente. Certains semblent porter un masque pour se cacher de leur misère, d'autres vantent leurs quelques bouts de terres en un regard fier avec la tête haute. 

" Si moi aussi je pouvais réussir à montrer la vraie nature d'une personne en une photo... Ce serait génial. "

Impressionné par le travail du photographe, je continue de faire glisser quelques pages entre mes doigts quand soudain un papier plié en quatre tomba de ce précieux ouvrage. 

Je me penche pour le ramasser sous le regard curieux de ma mère. 

- Qu'est-ce que c'est ? 

J'hausse les épaules et m'applique à le déplier. 

- Donne-moi ça !

D'un geste impatient ma mère m'arrache le papier des mains. 

- Alors ? Marmonnai-je

Le visage de ma mère se détendit et un sourire d'une douceur dont je ne la soupçonnais plus capable d'avoir éclaira son visage porcelaine. 

- Matthew ? Viens voir ce que je tiens là. 

Ses yeux brillaient d'émotions. 

Mon père s'approcha de nous et se passa une main au visage en laissant échapper un léger rire en voyant ce que lui montrait ma mère. C'était un très beau cadre mais ce manège commençait à m'agacer.

Lonely is so lonely aloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant