Filia fit frire les oignons et profita du fait que sa bouche était enfin libre pour poser des questions à son frère :

- Alors ? Comment le roi a-t-il réagi quand il a vu un jeune forgeron s'aventurer dans son palais immaculé ? Dis-moi au moins que tu as laissé des traces de boue sur le sol.

- Je n'ai rien laissé du tout, ricana Soane. Et à part m'ignorer complètement, le roi n'a rien fait de spécial.

- Et la princesse ? Elle était là ? Tu l'as vue ?

La voix de sa sœur s'était faite pressante. Soane savait pourquoi. Elle vouait un culte à la princesse Mikaïla, la considérant comme celle qui lui avait sauvé la vie. Et elle n'était pas loin du compte.

Soane dressa la table.

- Oui, elle était là. C'est même à elle que je devais remettre le sabre.

Filia arrêta de touiller sa mixture et écarquilla les yeux.

- Et alors ? Tu lui as dit quoi ?

- Rien, avoua-t-il, gêné. Je ne pouvais rien dire devant le roi.

- QUOI ?! Attends, cette femme nous a sauvé la vie à tous les deux ! Tu aurais au moins pu lui exprimer ta reconnaissance ! Ou lui faire parvenir la mienne, à la rigueur ! Je pense que le roi n'aurait pas fait un esclandre pour ça.

- On voit bien que tu le connais mal, ironisa son frère. Je pense que tout ce qu'on dit sur son compte ne sont pas des affabulations. Même la princesse semblait terrorisée par lui.

Filia, que cette déclaration avait interpellée, oublia ses remontrances et se figea, soucieuse :

- Comment ça ?

- Je ne peux pas vraiment en être sûr, musa Soane en s'immobilisant pour réfléchir, mais quand je lui ai tendu le sabre, j'ai vu ses mains trembler violemment. Et quand elle a parlé devant toute la cour pour remettre le présent à Miralor, sa voix chevrotait.

Le visage de Filia se décomposa.

- La pauvre. Je n'ose pas imaginer ce qu'elle doit subir en vivant avec ces deux fous.

Soane lui sourit pour la rassurer, même si lui-même ne l'était pas.

Je suis sûr qu'elle ne risque rien.

***

- Ma chère Princesse Mikaïla. Vous voici enfin, j'ai failli attendre.

Mika s'inclina devant le roi, avachit sur un canapé en velours. Son fidèle chien de garde était adossé à la bibliothèque et faisait tournoyer adroitement son tout nouveau sabre. Il souriait avec anticipation.

Mika regretta que Tiana n'ait pas eu le droit d'entrer. Elle se sentait particulièrement en sous-nombre, une brebis parmi les loups.

- Que Sa Majesté veuille bien pardonner mon impolitesse. J'étais déjà en tenue de nuit et il a fallu que je me rhabille.

Il chassa ses excuses d'un geste de la main.

- Oublions cela. Je vous ai fait venir pour une raison particulière. Vous n'êtes pas sans savoir que je suis depuis toujours fasciné par votre piètre personne. Surtout par ce qui se cache derrière ce voile auquel vous tenez tant. J'avoue que je pensais au début que vous étiez tellement laide que vous n'osiez pas vous montrer, mais à présent, je commence à me demander sérieusement s'il n'y a pas quelque chose d'autre derrière...

Le cœur de Mika s'emballa mais elle ne répondit rien. Elle ne savait pas quoi dire, de toute façon. Ses doigts, qu'elle avait entrecroisé, se mirent à la picoter.

Le secret de Mika {en pause}Donde viven las historias. Descúbrelo ahora