Chapitre 3

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Trois ans plus tard

La sueur coulait le long du dos de Soane. Cela faisait des semaines qu'il travaillait dans la forge sur ce sabre, et il n'était jamais satisfait du résultat. Il savait que Roldin, son maître d'apprentissage, serait fier de lui et le féliciterait même, mais le jeune homme n'était pas aussi indulgent envers lui-même.

Deux ans et demi qu'il travaillait chez Roldin. Le maître d'arme et forgeron avait toujours été bon et il les traitait comme ses enfants, Filia et lui. Sa jeune sœur, qui venait d'avoir dix-sept ans, avait eu besoin d'énormément de temps et d'amour pour retrouver une certaine confiance en elle. La femme de Roldin, Keya, s'était fait un plaisir de lui prodiguer les deux en abondance.

Et aujourd'hui, Filia allait mieux. Elle n'était pas remise des sévices qu'elle avait subi et ne le serait certainement jamais. Mais c'était mieux que rien.

Son patron les avait hébergés et nourri tout le long de l'apprentissage de Soane et ce dernier avait travaillé d'arrache-pied pour mériter sa pitance et celle de sa sœur. Il avait progressé à une vitesse phénoménale, si on en croyait les dire de son maître. Il avait à présent autant d'expérience que s'il en était à cinq ans d'apprentissage et non pas trois. Et en plus de lui apprendre à fabriquer des armes, Roldin lui avait enseigné l'art de s'en servir.

Peut-être était-ce parce qu'il avait dû se battre toute sa vie pour assurer sa survie et celle de sa sœur, mais il était également doué au combat. Il avait ça dans le sang. Apprendre à manier une lame n'avait pas été un problème. Se retenir de s'en servir pour se venger s'était avéré plus compliqué.

Soane frappa encore plusieurs minutes sur la lame en acier, jusqu'à ce que son bras lui fasse mal. Mais cette fois-ci, il observa son œuvre avec contentement. Il laissa le sabre refroidir à température ambiante et en profita pour aller boire.

Il était épuisé, mais il se sentait enfin en paix. La satisfaction du travail accompli. Il ne lui manquerait plus qu'à affiler la lame et à faire le manche serti de pierres précieuses. Il allait également devoir graver la devise de l'empire avec de l'acide. Il savait bien qu'il ne pourrait pas terminer cette arme avant au moins cinq jours. Et il lui restait tout juste une semaine avant la date de livraison prévue.

Il n'avait pas intérêt à prendre du retard. Roldin n'avait pas voulu lui dire qui serait le futur propriétaire. Soi-disant parce que c'était une surprise. Mais Soane avait un doute. Il avait plus l'impression que le forgeron lui cachait l'identité du client parce que ce dernier était une personne importante et qu'il ne voulait pas mettre la pression à son apprenti.

— Soane !

La voix puissante de Roldin retentit et le jeune homme se redressa en s'étirant. Il était fourbu.

— Je suis au fond de la forge, près des enclumes, répondit-il en buvant une autre gorgée d'eau tiède.

Le forgeron apparut soudain. C'était un homme de taille moyenne, mais possédant une musculature de taureau. Il avait des cheveux roux coiffés en tresses et une barbe soigneusement taillée qui lui arrivait à la poitrine. Ses yeux bleus pétillaient de joie. Il avait toujours ce regard-là quand il voyait son élève, et Soane n'avait jamais compris pourquoi. Il ne s'en plaignait pas, loin de là. Il considérait le forgeron comme un père, un modèle de vie vers lequel il essayait de tendre, à tout prix. L'approbation de son maître était ce qui comptait le plus au monde pour lui, avec le bonheur de sa sœur.

Roldin, qui arrivait à peine au niveau des clavicules de Soane, posa une main sur son épaule en souriant.

— Alors, mon garçon, comment avance le sabre ?

Le secret de Mika {en pause}Where stories live. Discover now