Chapitre 8 : Moquerie

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Erza Knightwalker était faite pour la politique. C'était du moins la conclusion qu'en avait tiré Jellal à force de constater l'aisance avec laquelle son commandant en second arrivait à faire basculer une situation désavantageuse en une situation avantageuse. Le tout d'une façon tellement bien orchestrée que tous tombaient dans ses filets. Le Roi en était admiratif. Si lui-même n'était pas novice en politique, Erza agissait en politique comme à la guerre. Fin stratège, elle manipulait l'adversaire pour l'amener là où elle le voulait et le mettre en échec.

Jellal aurait presque eu pitié du conseiller Orzo qui ne savait pas encore à quel point sa condition était précaire. Il ne pouvait pas voir les ficelles que tirait la jeune femme derrière lui. Il ne savait pas que ce serait lui qui amènerait au démantèlement de son groupe de conspirateurs.

La méthode était pourtant simple. Puisque le premier conseiller était prompt à transmettre à l'ennemi toutes les informations secrètes dont il avait connaissance, il suffisait de manipuler celles-ci pour manipuler l'ennemi. Ainsi, au lieu d'arrêter seulement Orzo, Jellal pourrait faire arrêter tout le groupe en les amenant à agir quand il le voudrait, où il le voudrait.

C'était Erza, évidement, qui était à l'origine de ce plan. Après s'être assurée que le Roi s'était calmé, elle avait calmé son envie d'aller sur le champ tuer le traitre, et lui avait expliqué les avantages qu'ils pouvaient en tirer. Le tout d'un ton calme et froid.

Pour autant, la jeune femme avait clairement refusé de le laisser seul aux réunions du conseil, certaine que ces dernières étaient un moment idéal pour une tentative d'assassinat. Il s'était plié à cette exigence, plutôt content à l'idée d'avoir autre chose à faire que d'écouter les remarques des conseillers.

Le problème était qu'il accordait décidément trop d'attentions à son commandant pendant la réunion et trop peu à ce qui était dit. Adossée contre un mur, les bras croisés et l'air ennuyé, elle n'accordait que peu d'intérêt à la discussion actuelle : la possible suppression de l'impôt sur les portes et les fenêtres. Et le Roi ne pouvait que la comprendre. Lui aussi préférait détailler ses actions plutôt que le long et affreusement monotone de son conseiller.

« ...comment savoir si les habitants de la demeure ont des revenus importants ? Cet impôt est l'un des plus juste que nous ayons. Ou alors il faudrait recenser les revenus de chacun. Mais c'est techniquement impossible ! Ou alors il faudrait...

Erza bailla discrètement et Jellal lui sourit pour lui montrer qu'il avait remarqué. La belle se contenta d'hausser les épaules et de s'adosser encore plus sur le mur.

-Qu'en pensez-vous, mon seigneur ?

Jellal tourna rapidement la tête vers son interlocuteur. Il n'avait pas écouté un traitre mot de ce qu'avait demandé ce dernier. Il en aurait presque rougi, s'il n'était pas Roi.

-Pourriez-vous répéter, s'il vous plait ?

-Pensez-vous que l'on puisse supprimer cet impôt ?

La question des impôts avait toujours été une question difficile. Trop d'impôts rendraient la population en colère, et trop peu entrainerait la faillite de l'Etat. Il fallait faire un choix de justesse, qui ne satisfaisait jamais tout le monde.

-La question est délicate. Peut-être serait-il plus judicieux de demander conseil à quelques économistes ?

C'était une réponse sans en être une. Elle avait cependant le mérite de mettre d'accord chaque conseiller. Satisfait, Jellal allait retourner à la contemplation de son second quand Orzo se racla la gorge. Retenant difficilement une grimace, il demanda :

-Y aurait-il un sujet que vous voudriez aborder, conseiller Orzo ?

Il avait du mal à cacher son antipathie. Heureusement, il réussit à garder un visage vierge de tout ressentiment. Du coin de l'œil, il put voir qu'Erza se redressait, instantanément plus attentive.

-Et bien, mon seigneur, j'ai eu écho de quelques... préoccupations de certains nobles. Ils m'ont demandé de vous faire part de leurs inquiétudes mais je ne sais si j'ai le droit de vous les faire connaitre. Elles sont, après tout, d'ordre privé.

Jellal fonça les sourcils.

-Et bien, qu'est-ce donc que tant de mystères ? Parlez et dîtes moi de quoi il en retourne.

Le conseiller sembla mal à l'aise mais répondit tout de même.

-Les nobles s'inquiètent du peu d'intérêt que vous portez au choix de votre future épouse, mon seigneur.

Qu'il fût Roi ou non, Jellal ne réussit pas cette fois-ci à ne pas rougir. Se sentant soudain mal à l'aise, il jeta un rapide coup d'œil à Erza qui semblait-elle soudain amusée.

-Je ne vois pas en quoi cela concerne la noblesse.

Il n'avait aucune envie de parler de cela maintenant. Pas devant son second. Ni maintenant, ni jamais d'ailleurs.

-Votre mariage pourrait être l'occasion d'une alliance intéressante entre le royaume et une province rebelle. Sans compter qu'il est nécessaire que vous épousiez une femme pour qu'elle porte le prince héritier. Il en va de la stabilité politique d'Edolas.

Outré, Jellal répliqua :

-Je ne compte pas me marier par convenance si c'est ce que vous voulez dire, conseiller Orzo. Et si vous n'avez rien d'autre à ajouter, alors j'estime que le conseil est terminé.

Se rendant compte qu'ils étaient congédiés, les membres du conseil se levèrent et partirent tout en s'inclinant devant le Roi. Une fois le dernier sorti, un éclat de rire se fit entendre. Surpris, Jellal tourna son regard vers Erza qui riait à gorge déployée.

-Alors... C'est ainsi... Que compte vous tuer... Orzo ! En vous mariant ! C'est... trop drôle ! » bégaya-t-elle entre deux fou-rires.

Jellal la détailla et fut étonné de la trouver encore plus belle que d'habitude. Il prit aussitôt la décision de la faire rire plus souvent, même à ses dépends.

Et, il devait bien se l'avouer, il était tombé amoureux d'elle.

L'aube d'une nouvelle èreWhere stories live. Discover now