— Je pense que, cette fois-ci, c'est la bonne.

— Montre-le moi !

— Non, riposta Soane. Je ne l'ai pas encore affilé ni gravé. Je préfère te le montrer une fois qu'il sera complètement achevé.

— Ce n'est pas ton genre de jouer les cachottiers. Mais soit. Rappelle-toi néanmoins que le client attend son épée avant la prochaine lune...

— ...qui est dans une semaine, je sais. Ne t'inquiète pas, il sera prêt bien avant. Mais en parlant du client, je ne me souviens plus de son nom. Comment tu as dit qu'il s'appelait, déjà ?

Roldin avait les yeux brillants de malice.

— Tu crois que tu vas m'avoir aussi facilement, espèce de morveux ? Tu le sauras bien assez tôt. Allez ! Assez travaillé. La nuit est tombée depuis au moins deux heures. Tu mérites un bon bain et je paris que tu meures de faim. Keya nous a préparés un ragout, mon vieux, quand je suis parti j'en avais les moustaches qui frisaient.

Soane grimaça.

— Elle a encore brûlé le repas ?

— Pas brûlé non, carbonisé serait le mot juste. Et comme je ne compte pas faire semblant de trouver ça délicieux tout seul, je compte bien te ramener à la maison pour l'heure du repas.

— Si elle savait que tu critiques sa cuisine, s'esclaffa Soane, c'est toi qu'elle carboniserait.

— C'est pour cette raison que je compte sur ta discrétion.

Les deux hommes sortirent de la forge en bavardant et Soane ne put qu'apprécier la paix qui émanait de sa vie, désormais. Il avait longtemps essayé de retrouver Stark et de lui faire payer les viols à répétition qu'il avait fait subir à Filia. Il n'avait jamais retrouvé le marchand d'esclaves. Et c'était sûrement pour le mieux. Se venger n'aurait servi à rien. Il aurait fini pendu au bout d'une corde et sa sœur aurait été reléguée au rang d'esclave, à nouveau. Il était hors de question qu'elle subisse encore cette horrible épreuve.

Ils s'éloignèrent de quelques pas dans la rue et pénétrèrent dans une maison en pierre, attenante à la forge. Soane aurait trouvé l'endroit réconfortant si une odeur âcre de brulé ne saturait pas l'atmosphère.

— Par les dieux, cette fois-ci elle s'est surpassée.

Roldin lui donna un coup de coude tout en se déchaussant.

— Tais-toi, jeune inconscient, elle a des oreilles partout.

— Qui a des oreilles partout ?

Roldin se redressa si vite que ses vertèbres craquèrent. Soane avait un mal fou à masquer son hilarité. Une femme d'une cinquantaine d'années, tout en rondeur et les poings sur les hanches, les regardait se dévêtir avec un air sévère.

Le forgeron, qui n'aurait normalement pas eu lieu d'avoir peur de qui que ce soit, avec sa carrure de gladiateur, prit une voix conciliante.

— Personne, ma colombe. Tu as fait quelque chose à tes cheveux ? Ils sont encore plus beaux que lorsque je t'ai quittée.

Un sourire amusé naquit sur les lèvres de la cuisinière revêche.

— Tu as de la chance, Roldin Fanür, d'être un aussi beau parleur. Je ne sais pas comment tu fais pour avoir autant de créativité, mais je ne vais pas m'en plaindre. Allez, dépêchez-vous d'aller vous débarbouiller, tous les deux, vous êtes en retard.

Soane regarda autour de lui.

— Où est Filia ?

Les yeux de la matrone s'adoucirent.

Le secret de Mika {en pause}Where stories live. Discover now