Chapitre 2 : Changement. 2/2

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Je m'observe dans le miroir avec un air absent, comme si mon cerveau s'était mis en pause pour prendre le temps de comprendre ce qu'il se passait. Blancs. Ils sont entièrement blancs. Je passe une main dans mes cheveux par réflexe comme si ça allait m'aider à comprendre quelque chose. Comment j'ai pu passer de quelques cheveux blancs par-ci par-là à une tignasse entièrement blanche ? Il paraît que c'est déjà arrivé.. causé par un désespoir et un stress intense.. mais pas comme ça.. là, ça s'est produit juste devant mes yeux ! Je n'ai rien qui peut justifier ça ! Ma vie est normale, banale, chiante même - je ne vais pas mentir en disant le contraire -.. rien qui ne puisse justifier ça. Je repasse une main dans mes cheveux avec nervosité, fixant mon reflet comme si ce dernier peut faire quelque chose. Peut-être que c'est simplement une mauvaise plaisanterie de ma petite sœur..
Je divague. Il lui serait impossible de faire ça.

J'entends soudain du bruit derrière moi et mon père débarque dans la salle de bain avec un air endormi, bâillant longuement avant de prendre la peine de parler.

- Mais qu'est-ce que tu fais, réveillée à cette heure-ci ?

Son regard dévie alors petit à petit vers mes cheveux et il paraît ne pas assimiler tout de suite. Quand il comprend, je peux lire de la surprise sur ses traits, vite remplacée par de l'agacement, se transformant en colère. Il me regarde comme si je viens de commettre une faute, alors que je n'ai strictement rien fait ! Evidemment il ne s'en doute pas mais.. mais si je lui explique..

- Ecoute papa.. je.. att-

- Mais qu'est-ce que c'est que ça ! Bon sang, Aiden ! Où as-tu trouvé les produits pour faire ça ?

Il me regarde, fortement agacé. Je peux même voir dans son regard une once de déception. En même temps.. mes parents sont divorcés. Disons que je supporte moyennement ma mère et que tout ce que je tiens d'elle, ce sont mes cheveux bruns, longs et bouclés. Alors pour lui me 'teindre les cheveux' c'est couper complètement les ponts avec elle, renoncer à tout ce qu'elle m'a apporté. Oui, il va loin. Et puis il y a aussi le fait que je lui ai demandé tellement de fois de me laisser me teindre les cheveux et qu'il a toujours refusé.. il doit sûrement penser que c'est ma façon de.. je sais pas moi.. "piquer ma crise d'ado". Sauf que ça n'a absolument rien à voir avec ça..

Je vois bien qu'il est fatigué et qu'il n'a pas envie de débattre maintenant. Il passe lentement une main dans ses cheveux blonds en soupirant. Sa voix est dure et cassante et le ton qu'il emploi quand il prend la parole est sans appel.

- Va te recoucher, dépêche-toi, on en reparlera demain..

Sans plus un regard dans ma direction, il tourne les talons et retourne dans sa chambre. Je fais de même, les jambes un peu tremblantes. Une fois à l'intérieur, je me laisse tomber contre la porte fermée. Je passe une main dans mes cheveux avec nervosité et observe sous toutes les coutures une mèche blanche entre mes doigts. Comment c'est possible ? Comment ?
Je m'aperçois que je suis en train de pleurer. Je sanglote comme une enfant, recroquevillée sur moi-même. Tout ceci est beaucoup trop confus pour moi. Honnêtement.. on dirait juste l'histoire d'un roman pour ados. Un très mauvais roman. Comment ça peut arriver, comme ça, sans aucune raison ? C'est impossible. Inimaginable. Peut-être.. que demain, tout sera revenu à la normale. Peut-être que ce n'est qu'un mauvais rêve. Oui.. c'est sûrement ça. Je repose alors ma tête contre le bois dur de la porte avec lenteur. Je ferme les yeux et tente de trouver le sommeil, épuisée, sur cette douce pensée que le lendemain matin, tout serait revenu à la normale.

-

J'ai l'impression qu'il ne s'est passé que quelques secondes entre le moment où je ferme les yeux et où mon réveil sonne. Je me réveille et me sens plus fatiguée que je ne l'ai jamais été. La bouche plus pâteuse qu'elle ne l'a jamais été, aussi. Je me relève avec lenteur et descends, encore habillée de la même façon qu'hier. Je croise le regard de mon père quand j'arrive dans la cuisine. Son air est sévère et rempli d'incompréhension. Je me rappelle alors de ce qu'il s'est passé. Ce n'était pas un rêve. Par réflexe, je passe une main dans mes cheveux et il suit ce geste du regard avec une certaine amertume. J'abaisse alors rapidement ma main et il soupire, l'air défait, déposant une assiette remplie de crêpes à ma place.

RuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant