3 : Zoé

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Je n'aurais jamais dû accepter de venir, pensa Zoé pour la énième fois. Assise sur le lit une place au couvre-lit fleuri et infantile, elle avait le moral au plus bas. À presque trente ans, elle se sentait nulle, une moins que rien. Elle aurait mieux fait de rester dans son minuscule deux pièces à se morfondre durant la semaine de Noël, plutôt que de suivre Emma et David. Elle était la seule qui n'appartenait à aucune des deux familles. Ce qui la renvoyait d'autant plus à sa solitude et au sentiment de gâchis qui l'étreignait dès qu'elle pensait à ses propres parents. Aurait-elle dû agir différemment ? Aurait-elle dû accepter la demande en mariage de Richard ?

Non, définitivement, non. C'étaient toutes ces années passées auprès de son ex-fiancé qui avaient été un vrai gâchis. Son possessif, tyrannique et rigide ex-fiancé, qui avait toujours eu un perpétuel besoin de tout contrôler, elle y compris. Définitivement, elle avait eu raison de refuser sa demande.

Zoé avait longtemps vécu sous la coupe de sa mère ; une femme aimante mais également envahissante et autoritaire. Elle avait appris dès le plus jeune âge à faire le dos rond pour éviter ses colères quand celle-ci était contrariée. Son propre père était éteint et passait le plus clair de son temps en dehors du foyer pour fuir le despotisme de son épouse. Malgré cela, elle avait eu une enfance plutôt heureuse et choyée. En grandissant, la petite fille maigrichonne et docile qu'elle était alors s'était transformée en adolescente sérieuse, réservée, timide... au physique ravageur qui faisait tourner la tête des garçons. Sa chevelure naturellement flamboyante était remarquable, ce qui avait poussé sa mère à les lui faire porter courts ou attachés de très nombreuses années. Sa silhouette de fillette s'était développée pour laisser place à un corps aux proportions parfaites. Plus son physique avait attiré les regards, plus sa mère l'avait bridée et plus elle s'était renfermée. Durant l'adolescence, les garçons l'avaient draguée, souvent de façon maladroite, parfois carrément grossière, ce qui l'avait mise mal à l'aise au point de tous les fuir.

Jusqu'au jour où l'un d'entre eux lui avait fait une réelle cour. Patient et respectueux, Richard avait pris le temps de devenir d'abord son ami. Au fil des mois, il était devenu son confident et son protecteur. Il avait éloigné tous ceux qui tentaient de l'importuner. Quand il fut invité chez ses parents, sa mère tomba immédiatement sous le charme de ce jeune homme bien sous tous rapports. Un sentiment de sécurité et l'aval de sa mère avaient été assez d'arguments pour la pousser dans les bras de Richard. Ils n'étaient alors qu'adolescents. Et contre toute attente, leur couple dura.

Les années défilant, ils étaient passés du statut d'étudiants à celui de jeunes actifs. Elle avait quitté ses parents pour emménager avec Richard. On ne les voyait jamais l'un sans l'autre. De l'extérieur, ils avaient tout du couple parfait. Seulement, au fil du temps, elle avait commencé à vouloir s'émanciper. Plus elle avait montré une volonté de s'affranchir, plus il était devenu possessif. Le chemin vers la liberté pouvait parfois être long et semé d'embuches. Sa rencontre avec Emma avait été un déclencheur. Pour la première fois, elle avait une amie qui n'était pas issue de leur cercle habituel, qu'ils fréquentaient depuis le lycée. D'un côté, Emma avait essayé subtilement de lui faire comprendre qu'il existait un réel déséquilibre dans son couple. De l'autre, sa mère la poussait à fixer une date, trop impatiente d'organiser le mariage de sa fille unique. Plus l'étau s'était resserré, plus l'idée de partager toute sa vie avec Richard la laissait sceptique. Jusqu'à ce fameux jour qui bouleversa sa vie, l'été dernier. Quand elle avait rompu avec Richard et s'était fâchée avec sa mère.

Cela datait de six mois. Zoé communiquait secrètement avec son père, mais sa mère ne fléchissait toujours pas. La douleur d'avoir été rejetée était toujours aussi vive. Heureusement, Emma était une amie fiable, qui l'avait soutenue et aidée à remonter la pente. Depuis, elle se reconstruisait petit à petit, apprenait l'autonomie, à faire ses choix seule, sans rendre de compte à quiconque. Tout cela était encore fragile, mais elle prenait goût un peu plus chaque jour à ce sentiment de liberté et se sentait un peu plus forte à chaque nouvelle victoire.

Noël, quand la famille s'en mêle ... Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant