Valise

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La lune était pleine quand il me vint une grande soif d'aventure. Seulement, il me manquait une chose pour pouvoir accomplir cette quête : une valise. Je partis donc pour la ville, qui se situe à deux pas de chez moi, et après un court chemin, je me retrouvai devant un cordonnier. Un vendeur fort aimable me proposa des dizaines de modèles, du coloré au noir sobre, du fantastique au classique, du premier prix au modèle les plus luxueux, mais rien qui ne me satisfasse... Je partis donc, certes un peu déçu, mais pas moins décidé à trouver la valise qui m'accompagnera et qui atténuera ma soif d'aventure. J'alla alors vers la ville voisine, mais la boutique de la commune ne fut pas plus intéressante que la précédente. Je me dirigea alors dans la contrée voisine, où je visita plusieurs boutiques, mais, bien qu'elles soient chacune unique, je n'y trouvai pas mon bonheur. Puis le pays voisin, où je trouvais un endroits où l'on vendait de très beaux tissus, mais pas de valises. Puis le continent voisin, mais ils ont la culture du sac. Enfin la planète voisine, mais rien ne me correspondait, c'était bien trop différent de l'idée que je me faisais de ma valise... Je retournai chez moi, dépité, et me morfondis dans un silence assourdissant. Je restait six mois, six jours et six heures à me morfondre ainsi, quand une idée me vint enfin : pourquoi, si je ne trouve pas de valise qui me correspond, je ne fabriquerais pas la mienne ?

Je me mis donc au travail, déchirai quelques manteaux et t-shirts, les recollai grossièrement, et obtenus ainsi quelques prototypes. Une fois la forme trouvée, je partis chercher de tissus céruléens, un necessaire à couture et quelques bobines de fils, et commença a coudre. Certaines de mes valises ne ressemblaient à rien, d'autres me rappelaient certaines que j'avais vu dans des boutiques, mais je n'arrivais pas à sortir un modèle qui me serait propre. Je me mis alors à dessiner la valise à laquelle je pensais, sous tous les angles et de toutes les manière possible, jusqu'à ce que je n'eu plus de papier, et cousis, pour la dernière fois, une valise, mais cette fois, avec application, en suivant mes croquis, presque religieusement.

Cette valise céruléenne, d'un bleu ciel pur tel que l'on pouvait le voir en mi-août, ce genre de bleu que même l'eau la plus pure ne saurait restituer, un tel bleu que même les dieux en jalousaient son éclat. Un bleu plus bleu que bleu.

j'admirai le résultat, et fus très satisfait de mon travail, fruit de voyages, persévérance et imagination. elle m'accompagna pendant des années, toujours fidèle au poste, transportant mes affaires qu'il pleuvent, qu'il vente ou qu'il neige. De l'Amérique au Japon, de l'Argentine jusqu'en Islande. Toujours avec moi, jamais sur le banc. Avec moi au soleil couchant, avec moi quand la tempête bat son plein, avec moi en concert, avec moi à l'hôtel...

Mais un jour, alors que je rentrais d'un énième voyage, celle-ci se déchira en deux morceaux. Au début, je refusais d'y croire. Pas après tant d'années sans une seule égratignure. Puis ça eu l'air réel, alors je me suis jeté sur mon nécessaire à couture, pour essayer de la raccommoder, mais dans la précipitation, et avec les mains qui tremblaient, je ne faisais qu'empirer les choses... Je l'avais rendue irréparable. Je restais planté devant cette valise, qui m'avait rendu de si loyaux services, qui était née de mes mains et avait périe de mes mains. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais aussi ému à la destruction de cet objet : ce n'est qu'une valise ! Mais après tout, c'est bien la seule que je n'ai jamais eu... Alors, je lui préparerai une incinération digne d'un humain.

Aujourd'hui, je ne sais que penser de cette aventure, car je n'ai jamais eu le courage de la remplacer, n'y de repartir en voyage... Peut-être la valise représentait tout ce que j'avais, ou peut-être n'en ai-je simplement plus l'envie. Lié ou pas, je suis profondément changée par la mort de ma valise. Elle a beau avoir vécu plus de temps qu'espéré, je reste quand même blessée de sa mise hors service.

J'espère me souvenir d'elle jusqu'à ma mort, mais que j'aurais su la remplacée avant. J'espère la revoir au paradis, qu'elle ai oubliée que c'est moi qu'y l'ai tuée, et que l'on recommence à voyager ensemble à jamais.

C'était l'histoire d'une valise céruléenne, qui a vécu des décennies, et qui est morte sans cérémonie, peut-être parmi les terriens.

Nouvelles AléatoiresWhere stories live. Discover now