Chapitre 15.

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John s'allonge à côté de moi, et je ne sais pas si je dois me blottir contre lui ou m'enfuir. Je choisis la deuxième option. Il m'a prouvé tout ce que je voulais savoir, il m'en a même donné plus que ça, mais moi je n'ai rien à lui donner. Je n'ai rien non plus à lui prouver, car ce qui se passe entre nous ne durera pas. Je vais être libre quand j'aurai bien appris la langue, et je vais rentrer chez moi. J'aimerais utiliser le fait que ma famille me manque plus que tout pour ne pas rester, mais c'est surtout parce que je suis terrifié. Je le suis car John est un homme, il est mon maître et son père est un fou qui peut me briser en moins d'une seconde. John m'a fouetté, marqué et humilier, mais par-dessus tout, il a trop d'emprise sur moi. Je n'ai pas envie qu'il ait ce droit. Il en a déjà trop. Il peut faire battre mon cœur plus vite que ce que je pourrais imaginer, il peut me faire stresser, le désirer, bander, et tellement de chose que je ne connaissais avec personne d'autre. C'est à cause de lui que je me touche le matin en pensant à des yeux bleus et des cheveux blonds. C'est à cause de lui que je me demande si je préfère les hommes, les femmes, ou seulement lui. C'est vrai que ma famille me manque et que j'ai envie de les retrouver, mais j'ai encore plus envie de fuir John car je ne sais pas ce qu'il me fait.

-Tu as pris ton pied et tu t'en vas ? demande John en me voyant enfiler mon pantalon.

J'ai juste compris la moitié de ce qu'il a dit, mais j'ai aussi compris qu'il est déçu, que je l'ai déçu. Je ne sais pas comment lui expliquer ce que je commence à ressentir pour lui, et ce qu'il me fait ressentir me terrifie. Je n'ai pas les mots ni dans ma langue maternelle, ni en anglais.

-Alors ça va être comme ça entre nous, dès qu'on fait un pas en avant tu prends peur et tu fais dix en arrière ? demande à nouveau John en s'assoyant sur le lit.

Cette fois, je n'ai pas du tout compris ce qu'il a dit, mais je sais qu'il a mal, que je lui fais mal.

-Tu t'en fiche de savoir ce que ça me fait pas vrai ?

-Moi ne comprend pas, finis-je par dire.

-Toi, dit-il en s'approchant de moi, dit moi pourquoi.

-Pourquoi quoi ?

-Toi peur à chaque fois que moi faire toi du bien.

J'ai enfin compris, mais devrais-je lui dire ? Ça changera quoi ? Mais et si ça peut changer quelque chose, vais-je encore me braquer ?

-Toi homme, toi mon maître, toi m'as battu finis-je par répondre.

-C'est tout ce que je suis pour toi ? C'est tout ?

-Oui.

Bien évidemment ce n'est pas seulement ce qu'il représente pour moi. Il est l'homme qui me fais ressentir plus d'émotion dans moins de trois mois que dans vingt-trois ans de vie. Mais ça, il n'a pas besoin de le savoir. Il pourrait s'en servir pour me faire mal.

John ne rajoute rien. Il prend plutôt ses affaires et quitte la chambre. Je me retrouve donc seul, comme un idiot, et je ne sais pas quoi faire. Tout est de ma faute. Il a essayé d'arranger les choses, mais à chaque fois je m'enfuis comme un lâche. Depuis quand suis-je ainsi ? Un lâche ! Même quand la peur me tiraille, j'affronte ce qui est sur mon chemin. J'ai affronté les hommes du village qui m'ont enlevé l'être le plus cher à mes yeux. Ça m'a coûté ma capture et l'esclavage, mais je ne le regrette pas, car je me suis vengé. Mais John me fait prendre la fuite comme jamais auparavant. Je ne l'affronte pas, car il me fait peur. Il me fait peur, car il me fait ressentir des choses dont j'ignorais l'existence, et ce n'est pas normal.

~~~

Six mois ont vite passé depuis la dernière fois que j'ai vu John. Je ne sais pas où il est allé, ni pourquoi, mais il me manque. Le lendemain de notre altercation, il a pris ses valises, et il a quitté la maison sans un mot, ni pour moi, ni pour les autres. Il nous a laissé dans l'ignorance. Son père en a bien profiter pour nous faire baver. Il nous maltraite et il ne nous paie plus nos trois dollars. On n'a pas assez à manger et le froid nous frigorifie la nuit. La faim nous rend moins efficace dans nos travails, et la saleté nous rend moins confortable. Cet homme nous prive de tout. Tout le monde réclame la venue de John, et des plans pour s'échapper commencent à se mettre en place. Plusieurs préféreraient empoisonner Barimore pour mettre fin à ces maltraitances, et d'autre préférerait prendre la fuite. Moi je suis pour la deuxième option. Je ne suis pas un tueur, et l'idée de tuer un homme que je déteste au plus profond de mon âme ne m'enchante pas. Ça provoquerait peut-être la venue de John, mais en quoi est-ce important ? On n'a rien à se dire, même si j'ai vraiment envie de savoir pourquoi il est parti comme un voleur. Je n'ai pas à lui poser cette question, car je me suis toujours enfui lorsqu'il s'agit de moi. Alors non, on n'a rien à se dire.

L'avantage de ses six mois est que j'ai bien appris mon anglais. Ça fait désormais neuf mois que je suis en Amérique, et le temp à passer lentement, trop lentement, surtout ces six derniers mois. Au moins, je comprends quand on me parle, je parle très bien, même si j'ai encore de la difficulté avec quelques expressions et quelques mots. Maintenant je suis libre de rentrer chez moi. Je ne suis même pas obligé d'attendre que John revienne pour prendre mes clics et mes clacs, mais quelques parts, j'ai envie de l'entendre de sa bouche. J'ai envie de savoir s'il est prêt à me laisser partir. J'ai surtout besoin de savoir s'il est un homme de parole.

En attendant, notre plan de fuite est bien en marche. Dans deux semaine, Maïa qui s'est portée volontaire va empoisonner Barimore avant qu'on prenne la fuite. On prendra ses bijoux pour les revendre, ainsi, on pourra séparer l'argent pour rentrer chez nous. Par contre, il y a un gros problème. Plusieurs sont née au États-Unis et ne connaissent pas leur famille en Afrique, alors que feront-ils ? La plupart considère cette terre comme chez eux, car c'est là qu'ils sont nés, qu'ils ont grandi, alors où iront-ils ? Et ceux qui ne connais pas leur pays, que feront-ils une fois là-bas ? Plusieurs problèmes s'opposent dont celle de s'échapper sans se faire remarquer. Ce serait louche de voir un homme noir vendre des bijoux de valeur, d'autant plus que personne ne l'achèterait, on appellerait plutôt les autorités pour nous. On est presque sûr que cette partie du plan ne fonctionnera pas, alors que faire ? On est encore dans le brouillard. Le plus simple serait vraiment la venue de John.

Mais ce que Mboutu et tous les autres ignoraient, c'est que John reviendrait dans deux jours, et pas seul.

Let me break your chains... [bxb, terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant