Un monde externe, un point de vue interne. Ou un Inception cellulesque.

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      Je suis assez tendue. Je suis arrivée avec une bonne heure d'avance sur le lieu du rendez-vous, ne réalisant pas encore totalement que ça arrive vraiment. J'avais fini par perdre espoir, voyant tous les gens biens, et m'intéressant un minimum finir en couple, ou se désintéresser de moi ou des relations amoureuses. Il est arrivée comme par magie, exceptionnellement beau, exceptionnellement drôle, et exceptionnellement libre.
     Je ne pus contenir longtemps mon enthousiasme face à lui, et il finit par me donner rendez-vous, en précisant que c'était un rencard. Mon cœur bat présentement la chamade impatient, et en même temps la peur m'étreint. Et si ce n'était qu'une immense blague, orchestrée par mes amis ? Et s'il me posait un lapin ? Comment pourrais-je après ça le revoir ?
     Il arrive avec dix minutes d'avance, et semble surpris de déjà me voir là. Je lui souris, un peu gênée, et il me sourit en retour, avançant vers moi à grands pas. Une fois devant moi, il me prend dans ses bras, et je souris encore plus largement, pleinement rassurée. Il m'entraîne ensuite à sa suite, impatient de passer un moment avec moi, ou bien de se débarrasser de moi, je ne saurais dire. On parle, on rit, on se chamaille gentiment. L'instant est magique, et nos lèvres s'unissent sans que cela fasse précipiter ou préfabriquer.
     Je me retrouve dans son appartement sans trop comprendre comment, par une suite de petits hasards, et il propose directement de me faire du thé, en me disant que je peux fouiller comme ça me chante. Il ne faut pas me le dire deux fois, et je retire ma veste et mes gants avant de partir en exploration. La première pièce est un salon, avec un piano droit croulant sous les partitions dans un coin. Je m'en approche, et déchiffre quelques titres. Il y a aussi bien du classique que l'instru de chansons plus actuelles, et j'en suis épatée.
     Il revient vers moi, m'apportant un thé et des petits gâteaux. Mon cœur déborde d'amour en voyant ça, et je me retiens avec peine de me jeter sur lui pour ne plus jamais le lâcher. Je tente de détourner mon attention en désignant le piano.


« Alors comme ça, tu joues du piano ?
- Un peu, me sourit-il, gêné. Mais toutes ces partitions appartiennent à mon coloc'.
- Oh, fais-je, en hochant la tête. »


     Nous prenons ensuite place côte à côte, sur son canapé rouge sang, et nous reprenons joyeusement notre discussion, nous frôlant l'un l'autre à la moindre occasion. Il me propose ensuite d'aller dans sa chambre, pour me montrer toutes ses collections, et je rougis un peu, en pensant à tout ce qu'on peut faire dans une chambre. Serait-ce trop précipiter les choses ? Très certainement. Mais je peux toujours me laisser aller à la rêverie.
     Quand nous pénétrons dans sa chambre, j'oublie directement toutes images salaces tant je suis ébahie face à la beauté du lieu et de ses collections. Je remarque qu'il en prend un grand soin, de toutes ses cases de verre. Il y en a beaucoup, partout, et il me glisse à l'oreille qu'il en a encore plus dans une autre pièce, mais qu'ici, il garde ses préférées. Je m'approche tout doucement du carré de verre le plus proche, et m'extasie devant la beauté d'une forêt, où l'on voit uniquement un lampadaire et une cabane miniatures extrêmement bien réalisés. Je faillis toucher une autre case pleine de bulles de toutes les couleurs, mais il me tire brutalement en arrière, me faisant tomber sur le matelas pour éviter que j'abîme ses cases.


« C'est absolument magnifique, soufflé-je.
- Oh, merci, me répond-il en se penchant sur moi, une main de chaque côté de ma tête. Et... hésite-t-il, avant de plonger ses splendides yeux dans les miens. Excuse-moi, je ne voulais pas te blesser.
- Oh, non, le rassuré-je en posant mes mains sur ses joues, ne t'inquiète pas, j'ai pas eu mal.
- Tant mieux, alors, me sourit-il, et je l'embrasse. »


     Il me remonte le long du lit, et me surplombe. Mon corps subit l'examen de ses mains, me déshabillant pas la même occasion, puis celui de ses yeux, et enfin celui de ses lèvres. Trois examens minutieux, ne délaissant aucune parcelle de peau. Je fais de même de son corps, avec un petit temps de retard, passant le moment le plus exceptionnel de ma vie. Pourtant, on s'arrête tous deux avant d'aller plus loin, et il s'allonge à côté de moi, laissant son souffle caresser mon épaule nue. Son bras s'enroule autour de ma taille, et je me sens en sécurité. Mes yeux se fixent sur le plafond et détaillent les autres cases de verre suspendues, toutes collées les unes aux autres. Pleins de mini-monde semblant vivants, certains beaux, d'autres effrayants, et d'autres encore terriblement neutre et vide.
     Ses doigts contre ma hanche commencent à tracer des ronds, et il rapproche sa bouche jusqu'à effleurer ma joue, me faisant tourner la tête vers lui. Il me souffle un "N'y pense plus" avant de m'embrasser avec passion, éclipsant le reste de la pièce et du monde. J'aperçois juste du coin de l'œil l'oreiller qu'il balance au loin, pour l'empêcher de nous encombrer, disparaître dans un chatoiement dans une case.

Une prison à éternité variable.Donde viven las historias. Descúbrelo ahora