Deuxième cellule.

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      Elle était belle, tout le monde s'accordait pour le dire. Elle était choyée, gardée précieusement dans sa tour d'ivoire. Elle voyait des gens, souvent, mais ces gens ne la voyait pas elle, ils ne voyait que sa beauté. Elle n'en pouvait plus. Elle voulait redevenir cette petite fille constamment couverte de boue, qui jouait à guerroyer, à chasser des dragons imaginaires, à sauver des princes et princesses en détresse... L'adolescence ne lui avait pas réussi. Il lui avait suffi d'une seconde à avoir le visage immaculé, les vêtements propres, pour qu'on l'enferme dans cette beauté précieuse et fragile.
      Elle rêvait beaucoup, fut un temps, mais on lui reprocha son air rêveur, et elle dû se concentrer sur les gens qui venait la voir. Ils étaient tous intéressant de diverses manières, mais jamais assez pour justifier son enfermement. Au fur et à mesure que le temps passait, elle ne voyait plus que des jeunes hommes, tous cherchant à obtenir les faveurs de la femme la plus éblouissante de la contrée. Chacun rentrait bredouille, ne venant pas pour les bonnes raisons, d'après la jeune femme. Heureusement qu'elle avait encore le droit de refuser les avances de tous ces clampins, sinon, elle n'aurait pas pu survivre à tout ce cérémoniel.
      Un jour, elle eut enfin ce qu'elle voulait. Un jeune homme la regarda enfin elle, et non sa beauté. Il l'avait fixé dans les yeux durant tout leur entretien, sans jamais avoir le regard qui dévie sur sa poitrine, ou sur le reste de son visage. Elle lui accorda un deuxième rendez-vous quand il le lui demanda.
       Le jeune homme revint quelques jours plus tard, le soir, juste avant que ses heures d'entretiens ne ferment. Il avait sur son dos un sac, qu'il offrit à la jeune femme, en lui faisant promettre de ne l'ouvrir qu'à la nuit quand tout le monde dormirait. Il repartit en lui faisant un baise-main, et avec un clin d'œil.
       Elle attendit le coucher du soleil avec impatience. Elle se tournait et retournait dans ses draps, zieutant sans cesse vers les fenêtres. Enfin, ce fut le noir total. Seuls les bruits de respirations des dormeurs se faisaient entendre. Elle se redressa, enfila un pantalon, un corset de cuir à poches multiples, et une ceinture à outils. Elle prit également ses lunettes d'aviateurs de quand elle était enfant, puis s'installa devant le sac. Elle l'ouvrit délicatement, et fut ravie de découvrir une échelle de corde, une lampe, une couverture, et pleins d'autres trésors lui rappelant l'époque de ses explorations.
      Elle se leva et sortit l'échelle de corde, puis attacha le sac à sa ceinture. Elle ouvrit une des fenêtre, et accrocha l'échelle de corde au cadre de la fenêtre grâce à son crochet, puis la déroula à l'extérieur. Elle tomba jusqu'au bas de sa tour, et la jeune fille en fut plus qu'heureuse. Elle entama sa descente le cœur léger, et posa avec bonheur le pied à terre, un frisson remontant le long de sa colonne vertébrale.
      Un bruit la fit sursauter, et elle soupira de soulagement en découvrant le jeune homme. Il lui demanda si elle avait apprécié son cadeau, et elle lui sourit largement, pour acquiescer. Il lui tendit la main, l'invitant à bouger. Elle lui fit signe qu'elle le suivrait, et le laissa partir devant. Il l'emmena jusqu'à une clairière, au sein de la forêt voisine, où trônait fièrement une petite cabane en bois.
      Il la conduisit à l'intérieur, et lui demanda de sortir la lampe. Elle s'exécuta, et il l'alluma. Elle découvrit tout un univers à la lueur de la lampe. C'était absolument magnifique. Des étoiles, des arbres, des fleurs, des dragons se mouvant au rythme du vent semblant traverser les feuillages des arbres. Elle avait autour d'elle tout ce qu'elle avait rêvé, enfant, toutes ses aventures.

« Comment... Comment se fait-il que... ? murmura-t-elle, n'osant briser la quiétude ambiante.
- C'est une cabane à rêve, expliqua-t-il. Les tiens, pour être exacte. Je pense que tu as assez purgé ta peine, je te rends ta liberté, ajouta-t-il dans un souffle.
- Quelle peine ? De quoi parlez-vous ? lui demanda-t-elle, alerte.
- Je suis ton bourreau et juge, même si tu ne t'en souviens pas, dit-il avec un sourire bienveillant. Ta faute ne méritait pas une telle peine, mais on a fait pression pour que tu vives un enfer. J'en suis absolument désolée, s'excusa-t-il avec une courbette.
- Je... Je suis maintenant libre ? demanda-t-elle, saisissant la deuxième partie de la première phrase du jeune homme.
- Oui, acquiesça-t-il. Mais tu ne pourras jamais retourner à ta vie passée, elle n'existe plus.
- Oh, fut-elle seulement capable de réagir.
- C'est pour cela que je t'offre les aventures dont tu rêves depuis toujours. Tu t'es comportée de manière exemplaire, tu mérites bien ça, lui sourit-il sincèrement. »

      Après cela, il l'embrassa pour lui dire au revoir, et la laissa s'échapper de ses bras vers l'aventure avec un regard bienveillant.

« Suis le Dalmatien ! lui cria-t-il avant qu'elle ne fut plus à portée de voix. »

      Elle se retourna brièvement, et lui fit un signe de tête pour lui montrer qu'elle avait compris. Il resta dans la cabane jusqu'à ce que la silhouette de la jeune femme disparaisse de son champ de vision. Il était heureux, pour une fois que se débarrasser d'un prisonnier ne revenait pas à le tuer, le temps passant différemment dans ses geôles spéciales par rapport à la réalité d'où ses prisonniers débarquent.
      Il referma la cabane et la scella, protégeant ainsi la jeune femme de toutes créatures maléfiques pouvant être tentées de se lancer à sa poursuite. Il sortit ensuite de la forêt, puis marcha droit sur un lampadaire. Plus il s'en approchait, plus sa lumière se faisait vive. Il disparut dans un éclat qui aurait fait mal aux yeux de quiconque se serait aventuré dans les parages, jusqu'à le rendre aveugle. Le monde autour du lampadaire disparut peu à peu, s'effaçant en ondulant, comme si c'était un simple reflet dans l'eau d'un étang.  

Une prison à éternité variable.Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum