Pandore

PARTIE 1: Chapitre 5

L

'eau déferlait le long de son corps. La chaleur lui fit un bien fou. Elyn avait eu tellement froid jusqu'à maintenant, qu'elle se sentit sur un nuage. Ses muscles étaient douloureux comme si elle avait fait un marathon ce qui lui paraissait très étrange. Le chemin entre la maison et la salle de fêtes de son amie n'était pourtant pas très long. Tout était décidément très étrange ces dernières heures.

Lorsqu'Elyn entra dans la cuisine, sa mère avait déjà préparé le petit déjeuner.

— Mange un peu, ma chérie, proposa sa mère en lui posant une tasse de café sur la table.

Le ton que venait de prendre sa mère était totalement différent d'il y a quelques minutes. Non c'était le ton qu'elle prenait tous les matins lorsqu' Elyn se levait.

La jeune fille s'assit et posa son regard sur le café. Elle fit tournoyer le liquide avec sa cuillère. Sa mère vint s'asseoir juste en face la regardant avec inquiétude. Elyn ne voulait pas lever les yeux. Elle ne pouvait pas affronter le regard de sa mère. Elle avait honte de ce qu'elle avait fait et elle voulait à tout prix éviter une nouvelle dispute.

Ynora brisa enfin le silence qui s'était installé entre elles.

— J'ai descendu toutes tes affaires.

Elyn hocha la tête en buvant une gorgée de son café encore très chaud pour ne pas lui montrer la douleur que cette phrase lui provoqua. Elle grimaça lorsqu'elle le liquide brûlant passa dans sa gorge.

— Je vais où alors ? Se contenta-t-elle de demander.

Sa mère parut attendre cette question. Elle prit inspiration avant de répondre à sa fille.

— Pour l'instant, tu vas à Doria.

— Doria ? Mais c'est la ville ! Maman, je vais me perdre ! répliqua Elyn qui posa brusquement son café sur la table.

— Je sais ma chérie, mais dès que tu sortiras de la gare quelqu'un viendra te chercher. Ne t'en fais pas.

— Et qui est cette personne ?

Elle vit sa mère se mordillait nerveusement la lèvre inférieure.

— Quelqu'un que tu ne connais pas, mais en qui tu peux avoir confiance, répondit-elle simplement.

— C'est complètement délirant ! cria Elyn d'une voix froide. Pourquoi tu ne veux rien me dire de plus ?

Ynora passa sa main dans la poche de son jean et en ressortit un bout de papier plié en quatre.

— Tiens c'est le numéro d'immatriculation de la voiture qui t'attendra là-bas. Normalement, elle sera noire et neuve. Et là, il y a marqué Mr Cèbrindal, ajoute-t-elle en soulignant du doigt. L'homme qui t'attendra s'appellera ainsi.

Elyn perdit son calme, s'en était trop pour elle.

— Tu ne peux pas me dire ce qu'il se passe à la fin ?

— Je ne peux pas ma chérie.

— Tu ne peux jamais! s'écria Elyn en tapant brusquement les poings sur la table. Depuis toute petite, tu ne me dis jamais rien ! Tu gardes tout pour toi. Je ne sais rien de ma famille ! Ni d'où je viens ! Ni de toi.

Il eut un froid glacial lorsqu'elle s'arrêta de crier. Ynora décida enfin à se lever, la mine grave, et s'avança vers sa fille. Elle la prit tendrement dans ses bras. Elyn voulut la repousser, mais elle n'y arriva pas. C'était sa mère après tout.

— Je suis désolé de tout cela ma chérie. Mais crois-moi, il n'y a rien de bon que je te parle de la famille. Fais-moi confiance c'est tout ce que je te demande.

— Mais c'est dure maman... balbutiante Elyn la tête enfouie contre le torse de sa mère.

Du haut de ses seize ans, la jeune fille ne put s'empêcher de retenir ses larmes à l'idée d'être séparé de sa mère. C'était bien là, la première fois. Cela provoquait, chez elle, un sentiment d'angoisse. Elle avait été habituée à une petite vie tranquille dans un petit village perdu en montagne où elle connaissait absolument tout le monde. Elle allait se retrouver pour la première fois, seule dans une des plus grandes villes du pays.

Sa mère la serra plus fort lorsqu'elle se rendit compte que sa fille pleurait. Elyn posa la tête sur l'épaule de sa mère pour reprendre son souffle. Elle aperçut par la fenêtre, le soleil qui se levait à peine entre les deux montagnes qu'elle avait pour habitude de regarder. Le moment du départ était arrivé.

Elyn mettait les pieds pour la première fois dans une gare. Sa mère avait plutôt l'air à l'aise contrairement à elle. Il y avait beaucoup trop de monde et Elyn n'aimait pas cela. Le bruit des démarrages et des arrivées des trains ajoutés aux brouhahas des voyageurs avec leurs valises provoquaient un vacarme insupportable et nouveau pour elle. Elle n'avait jamais vu autant de monde amassé dans un si petit endroit.

— Ton train est là, ma chérie. Tu as bien le petit papier ? Il ne te manque rien ?

— Non, c'est bon, maman, grommela Elyn.

Sa mère la prit une dernière fois dans ses bras en ajoutant :

— Je te rejoindrai dès que je pourrais, je t'aime ma chérie. Prends soin de toi.

Elyn monta dans le train avec sa grosse valise derrière elle. Elle n'osait pas se retourner vers sa mère de peur de la voir pleurer, car elle le savait, si sa mère ne disait mot c'est qu'elle sanglotait.

Elyn s'installa aussi calmement qu'elle put sur une banquette en face d'une vieille dame. La jeune femme inspecta les alentours. Derrière la vieille femme, un petit garçon dormait dans les bras de sa maman. Sur les banquettes à côté d'Elyn étaient assis une femme d'une vingtaine d'années et en face d'elle un jeune homme. Elyn resta bloquée sur ce dernier. Son regard le scruta de haut en bas. Elle avait l'impression de le connaître. Il portait une capuche sombre, un jean assez serré et posait ses jambes sur la place en face de lui. Il était accoudé à la fenêtre, un comportement qui pour Elyn était inadapté. Elle leva les yeux au ciel et détourna le regard.

Le voyage se passa tranquillement, Elyn ne savait pas quoi faire, le jeune homme n'avait pas bougé une seule fois de position. Elle se rendit compte qu'elle le surveillait sans le vouloir depuis le départ du train. Elle n'y pouvait rien. Ses yeux lui désobéissaient par moment contre son grès.

Le terminus sonna au plus grand contentement d'Elyn qui commençait à trouver le temps plus long. Elle regroupa ses affaires et descendit du wagon.

A suivre...