11 : La contestation

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La nuit suivante a été très longue pour les deux garçons mais peut-être un peu plus pour Stan. Cela peut paraître étrange mais il a été obligé de rester éveillé non pas parce qu'il le voulait mais parce que son ami pleurait énormément. Cela est peut-être normal de la part de Karl mais maintenant qu'il avait la possibilité de l'aider, Stan ne comptait pas tout gâcher.

Durant deux bonnes heures, Karl est resté allongé au milieu de la salle de bain comme il a l'habitude de le faire quand il a des bouffées de chaleur car d'après lui, c'est l'endroit où le carrelage est le plus froid, peu importe dans quelle maison. Stan a humidifié un gant de toilette et l'a posé sur le front de son ami. Cela a légèrement calmé la respiration saccadée du garçon.

- Pourquoi fais-tu une crise d'angoisse maintenant ?, a fini par demander Stan.

Son cadet a haussé les épaules, comme s'il n'en avait aucune idée. Comme si cela était arrivé sans prévenir, sans raison. Or, ils savaient, l'un comme l'autre que ce n'était pas vrai, que cela était quasiment impossible. Qu'une réelle raison se cachait derrière ce silence pesant.

- Je suis heureux d'entendre que tu m'apprécies et que tu reconnaisses le fait que tu as eu tendance à te servir de moi dans des moments où tout ce dont j'avais besoin était ton soutien, a révélé Karl.

Stan est resté silencieux mais ne perdait aucun mot venant de son meilleur ami. Il avait un peu du mal à les accepter, parce qu'ils étaient vexants mais malgré le fait qu'il avait difficile à l'admettre, tout cela était très vrai.

- Je suis désolé pour tout ce dont tu parles, Karl.

Le concerné n'a pas semblé être concerné par ces excuses ou alors d'une manière différente que ça aurait dû être. Il n'a pas levé les yeux du sol mais ce n'est pas pour autant qu'il paraissait faible ou triste. Enfin si, peut-être triste, il y en avait même de grandes chances mais il restait Karl, l'éternel triste garçon aux beaux cheveux blonds.

- Ne le sois pas, parce que tu ne l'es pas, a lancé le déprimé en un souffle accusateur.

Il avait peut-être envie de mettre fin à ses jours et n'avait pas énormément d'argent pour se payer une bonne éducation mais ce n'est pas pour autant qu'il était stupide. Il savait très bien lire entre les lignes et deviner ce que pensait vraiment son entourage, surtout quand il est question de Stan. Ce dernier est son meilleur ami depuis longtemps et pour être honnête, assez nul pour mentir ou cacher ce qu'il ressent.

Ce dernier n'a rien dit. Il s'est bêtement tu et a décidé de laisser faire les choses comme elles étaient censées aller. Cela n'était pas chose facile mais il n'avait pas intérêt à envenimer les choses déjà assez pourries.

- Si tu étais désolé, ou du moins seulement un tout petit peu, tu ne m'aurais jamais proposé de t'accompagner à toutes ces fêtes. Ou alors, tu l'aurais fait et ensuite aurais eu le courage de te montrer au monde extérieur en ma compagnie.

Stan a entrouvert les lèvres, dans le but de défendre sa cause et d'ajouter quelque chose mais son ami l'a arrêté avant même qu'une syllable passe la barrière formée par sa bouche. L'aîné des deux garçons s'est alors éloigné et a pris place contre le mur de la salle de bains. Il allait en prendre pour son grade, il en était conscient mais savait également que l'honnêteté est quelque chose de très important dans une amitié.

- Je pense que je suis le plus désolé de nous deux, Stan, a repris Karl. Je suis désolé de t'avoir imposé le fait d'être mon ami, d'être tombé amoureux d'une saleté telle que Timothy et de croire que ma mère ira mieux un jour.

Toutes ces paroles étaient violentes mais très sincères, malheureusement. Karl pensait chaque mot sortant de sa bouche de pré-adulte. Tout cela le détruisait mais il avait besoin de faire une mise au bout avant de recommencer sa vie, ses choix à zéro.

- Je ne suis pas une tête telle que Einstein mais j'ai une théorie depuis la nuit dernière : tout cela n'est que foutaises.

Cela était la théorie et conclusion de Karl au sujet de sa vie toute entière. Il savait que ce n'était pas terrible mais dans le fond, c'était normal, fait pour lui. Son existence avait été écrite de cette manière et il continuait à croire que l'on avait décidé de lui donner vie avec un stylo dont l'encre coulait anormalement et durant un mauvais jour.

Depuis qu'il a une dizaine d'années, il a un bordel d'idées, un chaos. C'était drôle, dans le fond. Même si ça faisait mal, très mal, atrocement mal.

- Quand j'ai commencé à être seul avec ma mère, toutes les bonnes choses de ma vie se sont détruites, a-t-il déclaré après un instant à son ami toujours muet. C'est à ce moment que j'ai deviné que je ne devais pas vivre, que ça ne servait à rien.

- Tu sais..., a dit Stan pour donner son avis.

- La ferme, s'est écrié le blond aux longs cheveux.

Celui à qui cet ordre était destiné ne s'est pas laissé faire et n'avait pas l'attention à rendre le choses si faciles. Il voulait parler et comptait bien le faire.

- Non, tu vas m'écouter pendant deux petites minutes, a sévèrement tranché Stan. Je pense que tu joues vraiment au con à l'instant.

Karl est devenu petit à petit rouge de rage, comme s'il en avait marre d'entendre tant de méchancetés.

- J'admets ne pas avoir toujours été un bon ami mais je pense savoir ce que tu veux vraiment.

- Excuse-moi de penser que je me connais mieux que tu ne me connais, a méchamment dit Karl.

Cela allait finir en dispute, ils se savaient et cela était frustrant car ils voulaient tous les deux continuer à discuter, à cracher le fond de leurs pensées mais sans dispute à la fin. Néanmoins, ils étaient grands et savaient qu'espérer cela était similaire à croire au Père Noël : ridicule et impossible.

- Je suis prêt à parier les deux billets de cinq euros que j'ai que tu n'as aucune envie de te tirer une balle dans la tête ou te pendre ou peu importe. Tu veux vivre mais n'oses pas te l'avouer.

A la fin de ce dernier mot, Karl s'est levé du carrelage et s'est dirigé vers la porte. Son ami est resté immobile, se sentant impuissant.

- Qu'est-ce tu fais ?

- Les deux minutes sont terminées alors je me barre.

Ensuite, il a passé la porte de la salle de bains. Le plus âgé des deux est resté assis à terre, la tête contre le mur. Il n'avait pas forcément envie de voir son meilleur ami partir mais savait pertinemment que le retenir ne servait à rien, que ça ne ferait qu'empirer les choses.

- Ha et au fait, a-t-il repassé sa tête l'entrebâillure de la porte, bonne fin de séjour.

Cela sonnait comme un au revoir et voulait surtout dire qu'il quittait l'appartement pour aller Stan ne sait où.

Et on souriaitWhere stories live. Discover now