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CHAPITRE 2 - M. Iskander

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J'avais déjà presque trente minutes de retard et la situation n'allait pas en s'arrangeant. Plantée devant le panneau d'affichage censé m'indiquer ma classe, mon cerveau venait de freezer. Trop occupée à me demander s'il me fallait un mot d'excuse pour mon retard, et paniquée à cette idée, j'étais incapable de trouver mon nom sur les listes.

Je ne m'étais pas plantée de lycée quand même?

Parcourir les colonnes en diagonale ne m'avait pas réussi, je me résolus donc à appliquer la méthode la plus lente et fastidieuse du monde : lire un à un chacun des noms et prénoms, jusqu'à repérer les miens. D'une manière, c'était assez stupide puisque l'organisation obéissait à l'ordre alphabétique, mais une erreur s'était peut-être glissée dans les feuilles, une anomalie, un renvoi inopiné en bas de la liste...

J'en étais rendue à plisser les yeux, le nez collé au papier et le doigt essuyant frénétiquement l'encre de haut en bas pour ne pas perdre le fil, quand une main se posa sur mon épaule.

Je me tournai avec un sursaut, vers l'une des choses les plus angoissantes du monde.

Une créature plus grande que moi, qui souriait avec plus de confiance que je n'en aurais jamais et qui me regardait si fixement que j'eus subitement envie de me cacher derrière l'un des panneaux d'affichage. Bref. Un garçon me faisait face et bien que je vis parfaitement ses lèvres bouger, je n'avais aucune idée de ce qu'il était en train de dire.

Non. J'étais sidérée par ce t-shirt trop près du corps qui laissait deviner, dans une fausse modestie insupportable, pratiquement chaque courbe et chaque angle de son torse.

D'un coup, le son revint : « Tu aimes ce que tu vois ? »

Je restai bête pendant deux secondes, puis rétorquai du tac au tac : « Parce qu'il y a quelque chose à voir ? »

Il ne se démonta pas et son sourire exaspérant toujours en place, il répondit : « J'imagine que oui, vu que tu baves depuis tout à l'heure. »

« Dans tes rêves, mon pauvre. » J'étais morte de honte qu'il puisse croire que je l'avais reluqué.

Il haussa un sourcil, incrédule : « Wôw, j'ai rarement vu autant de mauvaise foi. » Il ajouta avec un clin d'œil : « Promis, ça restera entre nous. »

« Quoi ? » J'étais perdue.

« Hein ? Bah, le fait que tu te sois rincé l'œil. »

Non, mais quel enfoiré.

Je le regardai, tellement choquée que je sortis en toute franchise : « Quand bien même je t'aurais trouvé canon pendant, disons, trois secondes, au moment où tu as ouvert la bouche tu as tout ruiné ».

Et comme la vérité fait souvent mal à entendre, son petit sourire satisfait disparut. Il plissa ses yeux noirs.

« C'est bon, je rigolais. C'est pas la peine de faire ta pute. »

Un coup au cœur. Ce n'était pas la première fois qu'on m'insultait aussi grossièrement, mais je gérais mal l'agressivité. J'avais à moitié envie de lui renvoyer sa politesse, mais j'étais trop prudente ou trop lâche pour insulter un inconnu.

J'avais eu ma dose de sales babouins au collège.

À l'époque déjà, j'étais plutôt renfermée. J'effrayais même un peu les autres sans le vouloir. Pas que j'ai été particulièrement moche, ni jolie. Ils avaient appris à me laisser dans mon coin et quand on m'abordait, c'était pour que je me coltine les trois quarts d'un exposé de groupe, ou pour que je libère un banc dans la cour ou une table au self. Ce genre de trucs que les gens vous demandaient toujours avec un air gêné, alors qu'en vérité ils vous auraient jeté manu militari si ç'avait été socialement acceptable... ce qui les stressait, c'était l'idée de se faire rembarrer devant tout le monde. Des fois, ça les rendait agressifs en plus du reste, du coup j'avais appris à éviter les places prisées, à manger aux heures creuses. À prendre le moins d'espace possible quoi.

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