Chapitre 2

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«Tu dois me protéger.»


     La soirée redevient magique en quelques instants. Visiblement, j'ai bien agit, il lui faut du temps pour réapprendre à avoir confiance en l'amour et je l'aiderai dans cette démarche. J'ai l'impression de voir dans ses yeux une crainte, une honte, une envie. La crainte de tout perdre ? La honte de ces derniers jours ? L'envie de continuer notre chemin ensemble ? Je l'espère. J'écoute la première musique qui lui fait penser à moi : « avec mon âme tatouée par les épreuves de la vie, tu es mon unique espérance ». J'entends ses premières promesses de changement, pour moi, « pour ne pas me perdre ». Pour lui, « pour se sentir meilleur ».


Plus je suis avec lui, plus je découvre sa personnalité. Il faut du temps pour connaitre les gens et parfois, des années ne sont pas suffisantes. Mais à ses côtés, je ressens un sentiment d'apaisement, et le temps passe trop rapidement. Suit le sentiment de sécurité à chaque fois qu'il me prend dans ses bras, et nos doutes disparaissent. Le tout est uni à une complicité qui s'est imposée dès la première rencontre. Comme si mon âme se collait à la sienne. Il fait tout ce qu'il veut pour me faire plaisir et tout ce qu'il peut pour notre avenir. Et moi, dans ce conte de fée, je m'attache à lui.

L'histoire d'amour continue...jusqu'à ce que le royaume du bonheur s'effondre à nouveau, quelques jours après le premier succès.

J'étudie chez moi après mes cours. Je le trouve tendu, étrange voire même agressif par message. Il n'est pas seulement jaloux, il est certainement possessif et a du mal à accepter que mes devoirs me prennent une soirée. J'apprécie les hommes attentionnés mais quand même... Il semblerait que le diagnostic se confirme puisque le lendemain les tensions restent constantes et entrainent une nouvelle séparation le weekend. 3 semaines, 2 ruptures... L'incompréhension s'empare de ma réflexion tandis que la peur envahit mon esprit. Mes nerfs se relâchent, les larmes coulent et les palpitations s'accélèrent. Je ne comprends pas ce qui se passe, ni ce à quoi il pense, ni pourquoi je réagis ainsi. Je ne peux pas être amoureuse, juste déjà bien attachée, peut-être trop. Mais son indifférence et la méchanceté de ses paroles me glacent le corps.

Le premier réflexe que nous avons, nous les femmes, est le harcèlement téléphonique. Appels, messages, réseaux sociaux, quelconque moyen de le contacter est utilisé. La raison de cette réaction ? La peur de le perdre. Les mots utilisés ? N'importe quelle déclaration d'amour qui pourrait le faire réagir. Le but ? Le garder près de soi, simplement. Les conséquences ? Catastrophiques. Chez Alejandro , les paroles n'ont pas de valeur. Je tente le tout, je vais chez lui encore une fois, même si je n'ai rien à me reprocher, encore une fois. Il m'affirme qu'il est parti pour le weekend mais que mon déplacement le touche. Déjà entendu.

Trois jours passent, ma tristesse se dissipe mais l'incompréhension reste présente. Je refuse de me laisser traiter de la sorte et insiste pour clarifier les choses en personne. C'est encore une froide soirée de dimanche qui s'annonce. J'ai déjà pleuré toutes les larmes de mon corps, le désir de le récupérer m'a quitté et il me reste que cette envie de comprendre. J'ai aussi ma fierté et plus que tout, ma dignité qu'il n'a pas réussi à atteindre. Pourtant, en se voyant, il est impossible de masquer nos sourires. Ce sont à nouveau des heures de discussion qui s'enchainent, remplies de raisons illogiques qu'il me donne et que je détruis par mes explications. A nouveau, il reconnait ses torts, son comportement « impulsif » et ses décisions « radicales », s'excuse mais cette fois, se défend : « Tu ne sais pas ce que j'ai vécu pour en arriver là ».

Il m'avait parlé de ses relations, ou plutôt manque de relation avec ses parents et des moments difficiles qu'il avait dû surmonter seul. Mais pour la première fois, j'ai senti son envie de se confier, de s'expliquer, de se libérer de ce lourd secret qu'il gardait au fond de son cœur. Je m'installe, le regarde et lui offre toute mon attention.

Je lis beaucoup d'autobiographies assez glaçantes, des histoires tristes voire parfois écœurantes qui racontent le vécu d'une personne en souffrance. Je n'avais jamais pensé à voir ce genre de « rescapé d'une enfance noircie » face à moi. Quelques mots, quelques phrases et ses yeux détournent mon regard pour m'empêcher de voir leurs larmes. Pour ce soir, je n'en saurai pas plus mais de ce que j'ai entendu, je comprends que j'ai devant moi une personne qui a besoin d'aide, de soutien, d'amour mais aussi de protection. L'idée étrange qui a traversé mon esprit est que jamais je n'avais pensé à protéger un homme mais plutôt à l'inverse. Sans réfléchir, je me rapproche, le rassure, et lui promets de ne jamais lui faire de mal.

Un homme, deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant