4 : L'oiseau chante de douces promesses au matin levé

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Deuxième chemin

Il est bon de pleurer pour un temps. Cela soulage les peines, les rend moins abstraites et, au matin levé, la vie peut reprendre son cours. Notre héroïne en est le parfait témoin ; toute la nuit, ses sanglots ont déchiré l'air, bien qu'ils connussent parfois quelques accalmies de bien trop courte durée. A présent, ses yeux sont secs et son esprit lavé de ses tourments. Il est temps.

Autour d'Aya, le paysage est éblouissant. Le soleil cogne doucement et les nuages semblent former de vagues masses brumeuses. Ses poils la chatouillent délicieusement au contact du vent qui embaume une averse avortée de justesse. Les conditions sont réunies.

Un oiseau solitaire chantonne une mélodie connue de lui seul, le port de tête fier. Il n'expérimente pas cette honte qui empêche certains de se laisser aller à exprimer leur voix intérieure dans une longue plainte ou dans le plus pur des fredonnements. Il est libre, totalement libre, alors qu'un Homme, à partir du moment où il appartient à une société, est gouverné bien malgré lui. Et même s'il prétend le contraire, par exemple car il décide de s'exiler en Alaska, il sera toujours prisonnier des frontières qu'on lui impose. Les animaux, s'ils sont soumis aux aléas naturels — tout comme nous, d'ailleurs —  et parfois à l'autorité d'un chef de groupe, restent bien plus indépendants. C'est ainsi.

Ici, notre héroïne a la possibilité de suivre toutes ses envies. Elle n'a pas été conditionnée par un environnement précis, ou alors, elle ne s'en rappelle pas.

Comme la plus pure des évidences, sa voix monte donc et dessine d'invisibles vrilles dans un chaos de syllabes incompréhensibles et sans le moindre sens. Bientôt, le volatile se tait, préférant prendre la place du spectateur passif, semblant se reconnaître vaincu par cette soudaine manifestation.

Aya s'amuse ainsi longuement, chantant plusieurs fois les mêmes passages pour comparer les modulations qu'elle peut donner à sa voix. Et elle tombe sous son charme. Elle n'a pas beaucoup de graves, mais ses aigus sont splendides et très développés. Son timbre, quant à lui, ne ressemble à aucun autre. Il est une caresse sauvage, à la fois sensuelle et puissante. Ses paradoxes la ravissent. Alors, pour mieux exprimer ce sentiment, elle use de ses mains et de son visage. Ils dansent un fascinant ballet, tantôt gracieux, pour faire succomber, et tantôt violent, pour mieux emporter ses larmes après avoir charmé.

La jeune femme sait maintenant. Elle est plus forte que tout ce que l'on pourra mettre sur son chemin. Elle possède un pouvoir contre lequel on ne peut lutter, ou alors en vain. Et ce talent, il lui donne le courage d'avancer, encore plus loin que ce qu'elle n'espérait possible.

Son sourire victorieux s'impose au silence qui escomptait reprendre ses droits. Elle reste un moment immobile, les yeux fixés sur un objectif connu d'elle seule. Puis elle parle. Enfin.

— Tu n'es pas seule.

Notre héroïne le répète, s'en persuadant. Son dernier cri est sa délivrance :

— Ils sont seuls !

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