XXVII - Promesses

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- Je suis un homme de parole Madame, j'ai promis de prendre soin de vous, et soyez assurée que je tiendrais cette promesse.

Pourquoi avais-je cette infinitésimale certitude que sa réponse était pleine de doubles sens, m'arrachant à mon tour un sourire radieux.

- J'en suis fort aise Adelin, dis-je tout simplement.

Oubliant par là même en un claquement de doigts, mes grandes résolutions matinales du « tu n'y toucheras point. ».

- Et j'escompte bien que vous honoriez votre promesse, ajoutai-je avec mes yeux de biches.

Sourire en coin, il hocha simplement la tête tel un gentleman, avant de continuer.

- Bien, maintenant que tous malentendus sont dissipés. Ne devrions-nous pas prendre soin de nos estomacs, Louise ?

- Vous avez raison Adelin, commençons par là.

Mes yeux à présent n'étaient plus rivés dans mon assiette mais dans ceux d'Adelin. A cet instant aucune culpabilité ne m'assaillait, j'arrivais même à en oublier ma situation. Passionnée, c'est ce que j'avais toujours été, mais cette flamme avait vacillé quand ma mère nous avait finalement quitté, alors qu'elle avait lutté plusieurs années contre la maladie. Je m'étais alors jeté à corps perdu dans la relation que j'entretenais avec Damien depuis de nombreux mois. Il m'apportait la légèreté dont j'avais besoin en ces instants de profondes douleurs. Il n'était pas un pansement, je l'aimais sincèrement. Grâce à lui et à ses attentions je surmontais petit à petit ma terrible perte. Mais cela avait dû être trop long pour lui probablement car il s'était jeté dans les bras de mon amie. A cet instant, lorsque je découvris leur trahison, cette flamme s'était totalement éteinte. Depuis j'errais entre travail et recherches, jusqu'à arriver à cette époque, oubliant un pan de quelques semaines de ma vie...

- Louise, vous vous sentez bien, vous semblez pensive.

Je dévisageai Adelin qui me souriait.

- Je ... Me protégerez-vous Adelin ?

Il fut surpris de ma question.

- Evidemment, quelle question. J'ai fait une promesse à ...

Il se tut ne prononçant pas le prénom de son frère avant de poursuivre.

- Mais au-delà de cet engagement. Je vous promets de veiller sur vous, quoiqu'il arrive.

Je me contentai de sourire sans artifice. Et mes yeux étincelèrent jusqu'au dessert d'un sentiment de sécurité rassurant.

A la fin du repas, Adelin m'accompagna jusqu'à ma chambre. Arrivés sur le palier comme pour prolonger cet instant, je me retournai vers lui pour le remercier.

- Je vous suis gréée de m'avoir amenée à bon port.

- Tout le plaisir est pour moi, Louise.

Ne sachant que dire, bêtement je lui fis une petite révérence, ce à quoi il répondit en attrapant ma main.

- Et puis Louise, je vous ai fait une promesse.

Mon teint s'empourpra par l'émoi que je ressentis, encore, au contact de sa peau. Avec le peu de contenance qu'il me restait, j'avouai.

- Je ...

Un simple sourire de sa part, me fit définitivement perdre l'aplomb qu'il me restait. Il porta ma main à sa bouche pour y déposer tendrement ses lèvres. Ce baisemain était tout sauf conventionnel et m'avait littéralement laissé sans voix. Probablement ravi de l'effet qu'il me faisait, il me dévisagea alors que j'étais incapable de bouger. Mais en avais-je vraiment envie de toute façon ? Il relâcha la pression sur ma main, la laissant retomber délicatement. Je ne voulais pas que ce moment s'arrête, pourtant il commençait à tourner les talons quand à mon tour je m'emparai de ses doigts, le stoppant net sur sa lancée. Avec profondeur puis en badinant je lui demandai.

- J'apprécie sincèrement votre engagement, mais croyez-vous que je risque quelque chose en ce moment.

Aux abois guettant la moindre réaction de sa part, il me sourit en coin avant de me répondre.

- Hum, qui sait ?

J'étais sa proie et lui le chasseur. Allait-il m'achever ou me laisser m'échapper ? Je retins mon souffle attendant que le couperet tombe lorsque je sentis sa main se resserrer délicatement sur la mienne. Il la porta de nouveau à ses lèvres mais cette fois-ci, pris soin d'y déposer un baiser bien plus appuyé que le précédent. J'étais à deux doigt de lui sauter au coup pour l'embrasser et faire cesser ou amplifier ce délicieux supplice qui tordait mon ventre.

Sentant que j'étais suis sur le point de fondre sur lui, il posa la deuxième main sur celle qu'il tenait déjà, pour m'arrêter dans mon élan. Il avait raison, nous n'étions pas seuls et il n'aurait pas été de bon aloi que j'embrassasse mon beau-frère devant des témoins.

Poliment, il fit un pas en arrière avant de libérer ma main sans oublier d'y faire une dernière caresse appuyée. Tout en faisant la révérence il murmura.

- Louise, peut-être reprendrons nous cette conversation à un autre moment.

Tout en répondant à sa révérence, j'arborai un large sourire.

- Je l'espère de tout cœur, Adelin.

A peine la porte fermée derrière moi je me remémorai ces deux dernières heures d'insouciance. Les ailes poussaient dans mon dos, comme lorsque j'étais collégienne et que je rencontrais « le » grand amour. A cette différence près, même si je savais que nous étions voués à l'échec, j'avais maintenant acquis la certitude que je me voulais m'écraser contre ce mur de roses noires avec lui.

Je savais que c'était égoïste, que je ne devais pas, que je n'avais pas le droit de me laisser aller dans une relation impossible, mais je ne pouvais m'en empêcher. C'était plus fort que moi, que ma volonté de rentrer chez moi sans laisser de marque de mon passage à cette époque. Je ne me contrôlais pas en sa présence et les promesses qui avaient été échangées il y a deux minutes me donnaient la sensation de regarder mon avenir par une autre fenêtre, beaucoup moins sombre que les précédentes.

C'était totalement paradoxal mais j'avais besoin de ce renouveau. Pour la première fois depuis que j'étais là, j'avais l'impression d'être en harmonie avec ce corps qui n'était pas le mien. J'avais simplement arrêté de lutter, et avais accepté l'évidence. Ma chambre me paraissait plus belle, mon avenir plus serein. Adelin comprendrait. Je ne savais pas pourquoi, mais il le comprendrait lorsqu'il serait l'heure de se dire adieu.

Roseline me tira de mes rêves en entrant dans ma chambre.

- Bah Madame Louise, pourquoi vous ne m'avez pas fait demander pour vous changer. Vous allez être en retard Chez Madame la Comtesse, Madame Louise.

N'ayant pas encore complètement atterri dans la réalité, je balbutiai.

- Ah oui, Jeanne, c'est vrai je dois aller la voir.

- Oui Madame et vous devriez y être dans quelques minutes. Pour sûr vous allez être en retard, Madame Louise.

- Je ... je suis un peu distraite aujourd'hui.

Roseline s'approcha de moi, et, avec sa tendresse habituelle commença à me déshabiller en s'occupant de mon chemisier. Je la laissai me manipuler comme une vraie poupée de chiffon, mon regard était perdu dans mes pensées les plus secrètes.

- Dites Madame Louise, j'espère que vous allez bien car vot' teint il est bien plus rosé qu'à la coutume.

Ses mots ébranlèrent un peu mes fantasmes mais sans grande réussite. Si elle savait pourquoi, peut-être pourrais-je lui en parler. Au même instant, la petite voix de la raison reprit le dessus et me cria : « arrête de jouer les chamallows et ressaisis-toi ma vieille. » Il n'en fallut pas plus pour me faire sortir de mon état second.

- Oui, je me sens très bien Roseline allez vite dépêchez-vous pour que mon retard soit encore acceptable.

Quinze minutes plus tard nous étions dans notre calèche, nous dirigeant chez Jeanne. Un vrai travail d'équipe pour réussir cette prouesse.

Le pendule de Huygens [Tome 1] : La synchronisation des balanciersWhere stories live. Discover now