XXV - Au bord du précipice

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Hôtel Francard - Paris
Jeudi, 10 avril 1884

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Assise devant mon ordinateur, je regarde l'écran et la progression du scan que je suis en train de réaliser. Nous sommes le lundi vingt-quatre février deux-mille-quatorze et il est vingt-une heures cinquante-trois. Enfin c'est ce qui est indiqué sur l'horloge du bureau de mon ordinateur.

Ça y est le ficher s'affiche à l'écran. Je clique sur la souris pour l'agrandir et essaye de déchiffrer ce qui y est écrit. J'ai beaucoup de difficultés à voir car l'encre s'est effacée au fil des années.

Mais ce n'est pas grave, j'ai déjà réussi à déchiffrer des écrits bien plus abimés que cela. Le journal de mon aïeule me révèlera ses secrets. Je m'en fais un devoir. Et puis, ce n'est pas tous les jours que l'on découvre le journal intime de son arrière-arrière-grand-mère qui se nomme comme vous. Ou l'inverse.

Je regarde la pile de tomes que j'ai devant moi. Je pense qu'il va me falloir un certain temps avant de tout scanner, mais je suis ravie de le faire. J'ai le sentiment de faire revivre par la pensée une partie de ma famille, à commencer par ma mère et ma grand-mère. Qu'en auraient-elles retiré ? Elles seraient probablement aussi excitées que je le suis, de lire l'histoire de Louise. Enfin l'histoire, disons plutôt quelques bribes car je n'ai que six volumes. Ils couvrent de la période de juillet mille-huit-cent-quatre-vingt-deux à mars mille-huit-cent-quatre-vingt-quatre, elle a dû cacher les autres ailleurs.

Je les ai trouvés derrière le panneau du couloir entre ma chambre et celle de mes parents. Si je ne m'étais pas pris les pieds dans le tapis avec ma pile de linge dans les bras et que je n'avais pas cherché à me rattraper sur le mur, jamais je n'aurai soupçonné ce compartiment secret.

Ce fut à cet instant que le jour vint troubler mon repos. Pour être précise, je dirais d'ailleurs que c'était ma femme de chambre qui interrompit mon sommeil alors que je l'entendais ouvrir mes rideaux des fenêtres. C'était inhumain de me réveiller ainsi. Et pourquoi d'ailleurs, ce n'était pas comme si j'avais un planning serré ou que je devais me lever pour aller travailler. Franchement, elle aurait pu me laisser dormir. Après tout ce que nous avions traversé ces derniers jours, une heure de plus au lit n'était pas si cher payé. J'avais très envie de larver sous la couette mais c'était encore une chose parmi tant d'autre qui m'était interdite. Finalement, j'étais grognon ce matin et n'avais pas envie de faire d'effort.

- Bonjour Madame Louise.

Sa voix enjouée m'énerva un peu plus, en guise de réponse je remontai mes draps sur mon visage tout en émettant des sons de protestations. Dans mon antre j'imitai grossièrement la bonne humeur de Roseline, quand le souvenir des cahiers me revint. D'un coup, ma motivation étaient revenue : et si les journaux de Louise se trouvaient dans cet endroit. Je me redressai instantanément et m'assis dans mon lit. Il fallait que je me débarrasse de ma femme de chambre.

- Bonjour Roseline. Comment allez-vous ce matin ?

- Bien heureuse de vous trouver dans vot' lit Madame Louise.

C'était un comble, comment pouvait-elle me dire cela.

- Je vous le confirme, j'étais bien heureuse de m'y trouver également. Rétorquai-je avec une pointe d'agacement.

Cette femme était surprenante, elle s'évertuait à retrouver son quotidien probablement rassurant, en préparant mes affaires pour la matinée et ne faisait pas grand cas de ma mauvaise humeur. Elle agissait comme si rien ne nous était arrivé ces derniers jours et était totalement hermétique à mon mauvais caractère. En cela, je l'admirais car cela ne devait pas être simple de servir en permanence l'autre. Mais quoiqu'il en fût, je devais me défaire de sa présence.

Le pendule de Huygens [Tome 1] : La synchronisation des balanciersWhere stories live. Discover now