XXVII - Promesses

152 25 13
                                    

Hôtel Francard - Paris
Jeudi, 10 avril 1884

************

Il était midi pile quand je quittai ma chambre pour descendre prendre le déjeuner. Je n'avais pas revu Adelin depuis l'incident de la salle de bain et j'en étais fort aise. J'espérais même qu'il ne mangerait pas avec moi, qu'il choisirait de se faire monter un plateau dans le bureau.

De mon côté, j'avais continué à parcourir la vie de Louise au travers de ses journaux. J'en avais lu quatre et j'avais trouvé une adresse où je me décidai de me rendre après ma visite chez Jeanne cet après-midi. C'était un des seuls indices valables que j'avais pu trouver dans ses confessions diaboliques. Les autres étaient les deux prénoms que j'avais découvert à la lecture du troisième tome qui couvrait la période du vingt-trois mai mille-huit-cent-quatre-vingt-trois au deux août de la même année. Elle parlait de la manière dont elle manipulait Etienne et Paulin, ses comparses qui lui permettraient d'atteindre son but. J'avais l'impression qu'elle cherchait à les monter l'un contre l'autre, diviser pour mieux régner. Mais je n'arrivais toujours pas à comprendre les tenants et les aboutissants de son « grand projet ».

Une chose était sûre, plus je lisais ses journaux plus mon mal-être grandissait. J'avais l'impression d'être assise sur une bombe qui pouvait exploser à tout moment.

En parlant de bombe, à ma grande surprise c'était une autre qui m'attendait dans le petit salon. Mon « beau » frère m'accueillit avec un grand sourire, se dirigeant vers moi pour m'accompagner comme le voulait l'usage vers la salle à manger. Finalement, il n'avait pas décidé de rester cloitré dans l'antre d'Anatole. Mais à quoi jouait-il ? Pourquoi semblait-il si détendu ? Et grand dieu pourquoi étais-je à présent aussi mal-à-l'aise en sa présence ? A cette dernière d'ailleurs, j'avais malheureusement la réponse. Maudites hormones.

Je pris sur moi et me laissai guider comme si de rien n'était, mais son aplomb me dérangeait. Nous nous installâmes à table et le ballet des plats commença dans un silence religieux. Pour être franche, je m'efforçais de ne pas croiser son regard.

Lorsque Victor nous souhaita un bon appétit avant se sortir, je lui répondis par un sourire poli et plongeai aussitôt mon visage dans l'assiette. Ce tête à tête ne me seyait guère au vu des derniers évènements. Le plus insoutenable à cet instant c'était que je sentais ses yeux posés sur moi et je n'eus pas d'autre choix que de le regarder lorsqu'il commença à me parler après s'être raclé la gorge.

- Je pense qu'une discussion s'impose Louise.

Je fus muette comme une carpe seulement capable de hocher la tête.

- Bien, tout d'abord je suis confus de ce qu'il s'est passé ce matin. Je pensais sincèrement que vous étiez dans votre chambre. Je ne me serais jamais permis d'entrer si j'avais su que vous étiez ...

Il s'interrompit me transperçant d'un regard aussi embarrassé que conquérant. Je n'arrivai pas à contrôler le rouge qui était train de colorer mes pommettes. Les images de son torse et son dos musclés se télescopèrent avec celles de ses yeux qui détaillaient mes formes. Même si j'étais sûre qu'il n'avait pas vu grand-chose de mon corps, il en avait distingué suffisamment comme moi, pour faire naitre la gourmandise qui illuminait ses yeux et probablement les miens, en ce moment même.

- Je voulais également m'excuser de ne pas avoir eu la bienséance adéquate et vous assure que cela ne se reproduira plus.

La seule réponse que j'étais capable d'articuler fut aux antipodes de mes propres pensées.

- J'espère, Adelin, qu'effectivement cette inconfortable aventure ne se reproduira pas.

L'avais-je convaincu ? Rien n'était moins sûr, à la lumière du sourire qui se dessinait sur ses lèvres et l'œil charmeur qu'il me lançait.

Le pendule de Huygens [Tome 1] : La synchronisation des balanciersHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin