L'Écho de la Culpabilité

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_ Comment vous sentez-vous depuis hier ?

_ J'aimerais vous dire que tout va bien, mais vous et moi savons que je mentirais.

_ Vous n'étiez pas très coopérative lors de la dernière séance. Le seriez-vous aujourd'hui ?

_ Et moi, je ne comprendrai jamais pourquoi vous continuez de poser des questions auxquelles vous connaissez déjà les réponses.

_ Pourquoi l'avez-vous tué ?

Dans la vie, on se dit souvent qu'on peut surmonter toutes les épreuves, mais quand un problème survient, on ne pense qu'à fuir. On imagine toutes sortes de scénarios, mais quand notre vie bascule du jour au lendemain, la seule pensée qui nous hante est de s'enfuir loin, espérant que tout ceci ne soit qu'un cauchemar. Malheureusement, la réalité nous rattrape toujours, se moquant de nous pour avoir réussi à nous perturber.

Je me souviens de ma dispute avec mon frère comme si c'était hier.

Nous étions tous les deux dans la cuisine de notre appartement : il était à genoux, implorant de le laisser accomplir sa destinée. Quant à moi, je m'efforçais de retenir mes larmes, incapable de le voir dans cet état.

Mon frère était éperdument amoureux de sa petite amie. Ils étaient ensemble depuis des années, mais du jour au lendemain, elle avait disparu de leur vie. Il se rendait chaque jour chez elle, sans aucune nouvelle. Ses parents refusaient de lui donner le moindre détail sur son départ ou sur sa destination. Il continuait pourtant à arpenter leur quartier, interrogeant chaque voisin pour obtenir la moindre information. L'un d'eux lui apprit avoir vu une camionnette de l'asile psychiatrique l'emmener en présence de ses parents. C'est ainsi que débuta sa descente aux enfers.

Il avait réussi à localiser l'asile où elle était internée. Animé par un amour indomptable, il utilisait tout le temps accordé aux visites et, une fois rentré chez nous, il répétait inlassablement qu'elle était la messagère de l'au-delà, qu'elle entendait des voix divines, celles du Seigneur et des anges, et qu'il était l'élu. Je voyais mon frère sombrer dans la folie, alors j'ai pris la seule mesure qui me semblait possible : j'ai contacté la direction de l'asile pour bloquer ses visites. J'espérais que cela le ramènerait à la raison, qu'il réaliserait l'absurdité de ses dires. Mais c'est le contraire qui se produisit. Il m'en voulut terriblement, il me détesta. Jamais je n'aurais imaginé qu'il puisse être aussi vulnérable, aussi délirant, aussi perdu.

Il se redressa, me fixa droit dans les yeux, et je ressentis sa colère. Puis, son expression en colère s'évanouit pour laisser place à une froideur imperturbable. Je le vis composer un numéro sur son téléphone.

_ S'il vous plaît, aidez-moi. Elle veut me tuer.

Je ne comprenais toujours pas ce qu'il faisait ni à qui il parlait au téléphone. Le reste de cette nuit est flou dans mon esprit. Les souvenirs défilaient comme des images : une sirène lointaine qui s'approchait, mon frère ouvrant la fenêtre de notre appartement situé au cinquième étage... puis plus rien. Il avait sauté. J'étais seule désormais.

Tout le monde pensait que c'était moi qui l'avais tué, ils citaient ses supposés aveux. J'avais perdu mon frère, ma seule famille.

Je ne savais que faire. J'étais encore sous le choc quand les policiers ont débarqué dans notre appartement.

_ Non ! criais-je, Shane, non !

Je ne réalisais toujours pas qu'il m'avait fait porter le chapeau. La seule chose qui importait pour moi, à ce moment-là, c'était le corps de mon frère étendu en bas de l'immeuble. Je n'avais pas compris pourquoi on me menottait.

La suite des événements est floue dans mon esprit. J'avais l'impression de rêver. Mon corps ne semblait plus m'appartenir, les menottes autour de mes poignets étaient la seule chose qui me rattachait à la réalité, mon esprit était ailleurs.

J'avais souvent des crises de rire, croyez-le ou non. Mon but était d'aider Shane à aller mieux, mais mes choix l'ont conduit à sa mort.

Je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Mon avocat plaida la démence, et c'est ainsi que ma douleur et ma tristesse se transformèrent en rage.

Dans notre ville, un seul établissement prenait en charge les personnes atteintes de démence ou en détresse psychologique, et vu mon état, le juge et le jury acceptèrent l'idée proposée par mon avocat.

_ Je cherche simplement la vérité, me dit le psychologue, me tirant de mes souvenirs douloureux.

_Shane était l'élu, son sacrifice sera récompensé, me contentais-je de répéter

Ses mots me brisaient le cœur, mais jouer la carte de la folie était ma meilleure option.

La détresse, telle une enclume pesante, écrasait mon être. Chaque battement de mon cœur résonnait avec la douleur lancinante de la perte, un écho incessant de la culpabilité qui m'enchaînait. 

J'étais prisonnière de ma propre tourmente, le fantôme de mon frère me tourmentait sans relâche. Chaque nuit, son spectre dansait devant mes yeux, me confrontant à la tragédie qui avait déchiré ma vie. 

La sensation d'avoir tout perdu, d'être suspendue dans un vide insurmontable, m'étreignait comme un étau implacable. Cette douleur, cette confusion, ce sentiment d'injustice me submergeaient, faisant de chaque instant une lutte contre des vagues dévastatrices d'émotions contradictoires, de regrets déchirants et d'un désespoir étouffant qui semblaient ne jamais vouloir me libérer de leur emprise.

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