1er janvier 2017 - Éline

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Nous mangeons tranquillement tous les deux et je ne peux m'empêcher de jeter régulièrement de discrets coups d'œil vers mon compagnon. Il envoie quelques messages puis après avoir terminé sa tasse de café, il disparait dans la salle de bain pour en revenir moins de cinq minutes plus tard avec nos affaires pour nous rendre au spa et à la piscine.

- Hum...je peux finir de manger tout de même ?

- Oui mais...

- Oui oui je sais, tu veux être le premier sur place pour éviter la foule.

Heureusement que j'avais terminé car je vois bien que Romain ne tient plus. Je le taquine encore un peu puis je me calme car je ne veux pas abuser du peu de patience dont il dispose.

Les tensions de la veille ont disparu. Momentanément du moins.

Mais j'apprécie les efforts que fait mon compagnon pour que nous passions un bon moment.

Il décrète ensuite, après notre passage au spa, bien plus agréable que celui de la veille, qu'il préfère manger dans notre suite afin de profiter encore d'un moment à deux.

Finalement nous quittons le Luxembourg en fin d'après-midi. Romain est à nouveau taciturne et je sais que c'est lié à mon départ du lendemain. Je reprends en effet les cours le 3 janvier contrairement aux écoles belges qui sont encore fermées une semaine.

Je pose doucement une main sur son genou et sa mâchoire se crispe.

- Dans un mois et demi, je ne te quitterai plus. Sauf si tu continues à me faire la tête ainsi.

Ma petite pique a le mérite de le faire sourire et ses mains cessent d'agripper nerveusement le volant de sa BMW.

- Tu as bien réfléchi ? c'est vraiment ce que tu veux ?

- Oui c'est ce que je veux. Ce n'est pas suffisant de t'entendre râler en anglais tous les quinze jours.

- Sympathique...c'est tout ce que tu retiens de moi ?

- Je te jure, ça me manque quand je suis seule à Lyon ! Plus sérieusement Lieutenant Dalmans, ce qui me manque c'est vous. L'homme qui sait faire chavirer mon cœur rien qu'en me fixant quelques secondes avec son regard aussi charmeur, l'homme qui sait se montrer si tendre avec moi, l'homme avec lequel je veux passer le reste de ma vie.

Romain ne dit rien et son regard se fixe sur la route. Quelques minutes plus tard, nous nous arrêtons sur un parking et je regarde mon compagnon avec étonnement et mais également avec un peu d'appréhension.
Sans rien dire il me prend dans ses bras pour m'embrasser pendant de longues minutes.

Je sais que je n'ai pas besoin qu'il me dise quoi que ce soit, je ne veux pas qu'il se force car je sais qu'il a du mal à exprimer ses sentiments mais son geste vaut n'importe quelle parole.

Lorsque nous nous écartons l'un de l'autre, je remarque que les yeux de Romain sont humides. Je caresse doucement son visage : il semble si fragile, tellement loin de cette façade qu'il montre aux autres. Mais c'est cela qui fait aussi tout son charme parce que je sais qu'il n'est ni froid ni insensible comme il le fait croire à ses hommes.

Le retour à son appartement est difficile pour moi car je sais que demain soir nous serons à nouveau séparés. Mais au moins, dans quelques semaines, tout cela sera terminé : plus de départ, plus de vol Bruxelles – Lyon, plus d'adieu,...

Ma vie va vraiment changer. Mes amis lyonnais vont me manquer mais nous nous sommes promis de rester en contact via internet notamment. Et puis, ma mère m'a fait promettre de passer au moins un ou deux weekends chez elle pour qu'elle présente Romain à ses amies.

Lui, cela l'avait fait sourire quand je lui avais fait part des exigences de ma mère mais moi j'avais quand même tiré une drôle de tête. Je n'ai en fait pas révélé à Romain que deux des dames en question avaient des filles de mon âge et qu'elles étaient encore célibataires et j'en senti l'embrouille arriver.

J'aurai largement le temps d'y songer lorsque le moment sera venu de nous rendre chez ma mère.

Pour l'instant, je dois surtout essayer de changer les idées de mon compagnon qui broie du noir depuis qu'il a passé la porte de son appartement.

- Malia m'a parlé d'un petit jeu que tu avais fait à Noël l'année dernière. Tu leur avais joué quelques morceaux de films disney qu'ils devaient reconnaître c'est ça ?

- Ouais...ouais c'est ça. On avait vraiment bien rigolé parce que Grégoire et Flo ils étaient complètement paumés, ils ne reconnaissaient rien et les enfants leur faisait des grands yeux. C'était...c'était assez amusant.

Pourquoi ? Tu veux jouer aux devinettes aussi ?

- Non, plutôt mettre tes talents à l'épreuve.

- Hum...c'est-à-dire ?

- Et bien, je te donne des titres de films et tu me joues un extrait de la bande originale.

- Tu me lances un défi en fait ?

- On peut dire ça.

- Ok. Si j'arrive à faire tout ce que tu m'imposes, je te colle un gage.

- Et si tu n'y arrives pas,...

- N'y compte même pas !

Je rigole et je l'entraîne vers son piano. Je m'assieds à ses côtés puis je réfléchis un instant. Je lui demande dans un premier temps Titanic, Pirates des Caraïbes, Pearl Harbour, Forrest Gump, Indiana Jones, James Bond, quelques Disney qu'il a été obligé de regarder avec Malia, des trucs faciles en somme. Parce que je sais qu'il a tout vu.

Mais finalement j'arrive à le mettre dans l'embarras en lui demandant la musique de l'Exorciste.

Il hésite un instant en faisant courir ses doigts sur les touches mais il ne fait sortir aucun son de son piano. Il me regarde alors avec un petit sourire gêné :

- J'ai un blanc là...Pourtant je la connais mais...non, j'ai un trou de mémoire...

Je me lève pour m'installer sur les genoux de Romain tout en nouant mes bras autour de son cou et je l'observe un instant sans rien dire.

Je m'apprête à lui imposer son gage puisqu'il n'a pas remporté le défi mais la sonnette de la porte d'entrée m'en empêche.

- Tu attendais quelqu'un ?

- Non.

Romain se lève pour aller ouvrir, le regard anxieux. J'entends qu'il adresse un salut règlementaire et j'en déduis qu'il s'agit d'un officier supérieur.

Effectivement, je vois apparaître la mine assombrie du lieutenant-colonel Gilson, que j'avais brièvement rencontré lorsque Romain avait été injustement accusé d'avoir tabassé son collègue.

Le militaire me serre la main puis, à l'invitation de mon compagnon il s'assied dans le divan du salon.

Il semble hésiter un instant puis il commence à lui parler d'un ton très solennel :

- Je sais que vous n'étiez pas proche du sergent Montheyne mais étant donné qu'il était sous vos ordres je me dois de vous informer qu'il est décédé en mission il y a trois jours en Irak. L'enterrement aura lieu dans le courant de la semaine prochaine car son corps n'a pas encore été rapatrié au pays. Je peux compter sur votre présence Lieutenant Dalmans ?

- Oui...oui bien entendu.

Romain est très pâle. Gaël et lui avaient eu de nombreux heurts mais au-delà de ces différents, toute une famille est en deuil à présent.

Un peu après le départ du lieutenant-colonel, je vais terminer mes bagages pour laisser l'occasion à mon compagnon d'aller discuter avec plusieurs de ses hommes qui habitent dans l'immeuble car je sais qu'ils ont besoin de se retrouver ensemble face à ce drame.

Romain revient un peu après 23 heures. Trop fatiguée, je réagis à peine lorsqu'il s'allonge à mes côtés. Comme il ne dit rien, je me contente de lui effleurer le visage, je me blottis contre lui et je sombre rapidement dans le sommeil.


Revivre...après l'enfer (Tome 2) {En pause}Where stories live. Discover now