Chapitre 29 : Petit dîner entre "amis"

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— L'inimitable Fish and chips revisité est à la carte de ce soir. Déclame le serveur platement, comme s'il y était mort de l'intérieur. »

Chacun commande son plat et je reste simple en me gagnant une salade d'épinards, pas très innovant certes, mais mon estomac est noué. Je sais que les photographes people vont bientôt arriver ici et nous serons obligés d'agir comme des acteurs jouant un rôle. Les employés du restaurant seront peut-être obligés de fermer les rideaux pour nous donner un « semblant » d'intimité.

J'ai du mal à m'imaginer les membres de cette tablée en train de rire et de se raconter des anecdotes, comme de vrais amis. Ils sont presque au point de ne pas pouvoir se voir en peinture, mais ils sont tous là juste pour me sortir de cette mess. J'inspire un grand coup et sors mon plus grand sourire qui commence rapidement à me brûler les zygomatiques.

Merry, Dave et Caleb essaient de rester civilisés, mais j'ai presque l'impression que ces derniers tentent de ne pas se jeter au cou de l'autre. Quant à moi, je suis entièrement spectatrice de ce spectacle affligeant, une coupe de champagne à la main que je vide en une gorgée. Merry entretient ce qui ressemble à une conversation avec moi, mais je ne fais que des réponses évasives ou ponctuées de « Mh mh. »

« Liv' ! Tu m'écoutes ? s'élance Merry, en agitant sa main devant mes yeux en faisant le bruit « ouh » avec véhémence. »

Merde, cramée.

« Oui, je suis avec toi, ne t'inquiète pas. Poursuis, je t'écoute d'une oreille attentive. Elle s'enfonce dans son siège, blasée, paume de la main en appui sur l'accoudoir rembourré.

— Très bien. Redis-moi ce que je viens de dire et je recommence à parler dans le vide. Elle sourit et son regard se détourne vers les fenêtres de la devanture.

— Je... Euh... Joker ? Je suis un peu fatiguée, mon cerveau est au ralenti.

— Moi, je crois plutôt, elle s'approche de mon oreille et susurre, que tu te baves devant Caleb. Tu ne cesses de le regarder depuis tout à l'heure, il doit être aveugle pour ne pas s'en être rendu compte. Ça se voit comme nez au milieu du visage. Tu vas virer cramoisie à force ! »

Et le pire, c'est que ce qu'elle vient de dire est vrai. Je fixe la personne qui me fait face depuis notre passage de commande, décrivant une à une des rouages de ses doigts, les nœuds des veines sur ses mains, les articulations s'animant entre ces deux parties puis en remontant vers le bas de son visage et, par la suite, en poursuivant plus haut, jusqu'à atteindre le sommet de ses cheveux.

« Tu n'as peut-être pas encore trouvé le courage de te confier à ton amie n'est-ce pas ?

— Je ne sais pas si je le trouverais un jour Merry. Tout ce qui se passe est beaucoup trop frais et nous ne nous connaissons que très peu finalement, dis-je, rapidement, en articulant, d'une voix blanche, comme si j'étais en dehors de mon corps. »

Le problème lorsque l'on est engagé dans ce type de relation, c'est que l'on ne sait jamais ce qui peut arriver. On se trouve sur des sièges éjectables, un seul faux pas et c'est fini. Je me doute évidemment qu'après toute cette histoire, je retournerais à ma bonne vieille routine ou je reviendrais chez mes parents. J'aide Caleb, il « m'aide » en retour, mais est-ce que cela se poursuivra ? Et rien que pour cette simple raison qu'il ne faut surtout pas que je ne développe de réels sentiments pour mon patron. C'est une chose plus facile à dire qu'à faire.

« Bien. C'est une bonne chose à savoir. Elle redonne un coup d'œil vers l'entrée et se crispe. Merry prend sa coupe et prononce, solennellement, avec une petite fêlure dans la voix « Veni, Vidi, Vici ». Le signal est lancé. »

Chocolat Chaud et Chantilly [Tome 1]Where stories live. Discover now