Chapitre Quatre-Vingt-Dix

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     Alyssa

Une vague intense provenant de l'océan me frappe de plein fouet. Je suis comme paralysée sur place au moment où mon regard croise le sien. Plusieurs émotions m'envahissent successivement. L'incompréhension, la surprise, le soulagement de le revoir ici sain et sauf ou encore la peur de le voir se faire prendre à tout moment par nos ennemis. Cet endroit n'est décidément pas le plus propice pour des retrouvailles. Je doute fort que des Démons laisseraient en vie des ennemis introduis sur leurs terres. Et ce, malgré ma présence et le lien que j'entretiens avec.

Je décide de me ressaisir bien assez vite au vu de l'agitation toujours évidente de la part de la foule. Je ne dois pas craquer. Il faut que je reste forte pour ne pas tout faire rater. J'inspire fortement et ferme mes paupières un court instant avant de reporter mon regard droit devant moi. Désormais imperturbable devant cette scène presque macabre, leurs acclamations me rebutent. Comment peuvent-ils donc passer de la colère à la joie en si peu de temps ? C'est à ne rien y comprendre.

«Il est temps. Rentrons.»

N'opposant aucune résistance, je me retourne et me dirige de nouveau à l'intérieur. Mes poings se serrent et j'essaye tant bien que mal d'ignorer les échos de leurs voix m'interpeller à travers la foule. Une boule se forme dans ma gorge alors que les paroles de mon père me reviennent en mémoire.

     FLASH-BACK

Un sentiment étrange m'envahit alors que je parcoure la cellule du regard. La silhouette de mon père s'y dessine et je ne peux m'empêcher d'avoir à nouveau le souffle coupé. Il est là. Étendu contre ce mur de pierre, visiblement toujours inconscient face aux nombreux coups reçus. Je ne perd pas plus de temps et m'approche de lui. Agenouillée face à lui, j'effectue un premier geste hésitant avant de glisser prudemment ma main contre sa joue.

Son contact m'électrifie immédiatement et je tente tant bien que mal de ne pas me mettre à pleurer à tout moment. Toute cette situation me paraît si irréelle que j'ai encore du mal à prendre réellement conscience de tous ces événements. J'ignore même comment agir correctement en sa présence.

«Papa... Papa c'est moi. Alyssa. Réveille-toi.» Murmurais-je d'une voix tremblante.

Le silence reste plat. Il n'effectue aucun mouvement, restant immobile. Reniflant bruyamment, ma main caresse machinalement sa joue. Je ne peux m'empêcher d'observer avec attention chaque trait de son visage. J'ai besoin de m'en imprégner à nouveau, de me prouver qu'il est bien là devant moi et qu'il ne s'agit pas d'une simple supercherie. Il n'y a que nous à cet instant. Seulement lui et moi.

Je saisis précautionneusement l'une de ses mains avant de la porter contre moi. Fermant mes paupières, je serre celle-ci pour empêcher à mes larmes de couler d'avantage.

«Je t'en pris. Si tu es là, je ne te demande qu'une seule chose... Dis-moi que tu es toujours là.»

Mon corps entier tremble et j'implore encore cette petite voix en moi de m'aider. Il faut que je fasse quelque chose. C'est le seul moyen que je possède afin de pouvoir me rendre utile à cet instant -même. Concentrée, je me concentre pendant de longues minutes à essayer d'activer ce fameux pouvoir. Je sais qu'il lui sera utile. J'ai juste besoin qu'elle se manifeste. Ne serait-ce que pour quelques secondes.

Un sentiment de soulagement m'envahit finalement au moment où je sens ce pouvoir affluer en moi et rejoindre directement le corps de mon père. Mes remerciements se dirigent immédiatement vers cette petite voix intérieure qui vient à nouveau de m'aider. Ses doigts se contractent sous les miens et je sens un poids disparaître de ma poitrine au moment où un grognement s'échappe de sa gorge. Ses yeux s'ouvrent avec difficulté et je suis directement confrontée à ses orbes vertes.

Ne te brûle pas les ailesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant