-Chapitre 3-

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(trigger warning: violence parentale)

Yuki regardait le plafond de sa chambre. Ça faisait bien une heure qu'elle essayait de dormir mais plus elle se concentrait sur son but moins elle était près de l'achever. Alors elle laissa son esprit divaguer et pensa aux derniers matins qu'elle avait partagés avec sa mère. C'était la seule chose qui l'aidait à dormir:

"Coucou petit lion !"

Des tartines de beurre, un thé, des cachets pour maman. Elle claque un baiser sur mon front, un sur la joue de mon père, attrape son sac et quitte la pièce 

"Bonne journée mes amours !"

On met toujours du temps à être efficace avec mon père. Alors on se contente de marmonner un « toi aussi » du fond de notre tasse pendant que ma mère ferme la porte. Quand elle n'est pas là on discute. En tout cas pour le peu qu'on parle. Je ressemble à mon père sur ce point là, je parle peu. 

"Je t'emmène au collège ?"

"Pas la peine"

"D'accord"

Je finis de manger et pars m'habiller. Je préfère aller au collège à vélo depuis que les nouveaux voisins ont emménagés. Ils ont un fils de mon âge, il est mignon et puis comme il est pas né dans cette ville il a quelque chose à raconter. Au niveau de son portail, je freine dans un crissement de pneu et le regarde sortir de chez lui en trottinant. 

"Hey"

"Hey"

Il me fait la bise et on fini notre trajet ensemble 

Mais les souvenirs changent au fur et à mesure où la scène joue dans la tête de Yuki

"Coucou toi"

Des tartines de beurre, un thé, des cachets pour maman. Elle claque un baiser sur mon front, un sur la joue de mon père, attrape son sac et quitte la pièce:

"Bonne journée"

Mon père dit quelque chose mais je ne l'entend pas.

Puis fondu au noir.

Le souvenir change encore 

Des tartines de beurre, un thé. 

Ma mère ne claque pas de baiser sur mon front, ni sur la joue de mon père, et son sac n'est pas sur le comptoir.

Mon père n'est même pas dans la cuisine.

Alors seulement le sommeil prend le dessus et Yuki s'endort. 

...

Je suis recroquevillée dans un espace sombre et étroit. 

Ma respiration est hachée, je manque d'air. 

Il fait tellement froid, de petits nuages de buée s'échappent de mes lèvres. 

Je suis mal à l'aise, agitée. 

Il n'y a aucun bruit, un vrai silence de mort. 

Il fait tellement froid.

Je n'arrive pas à bouger.

Mais je tourne la tête

et me retrouve nez à nez avec le regard vitreux et figé de ma mère

Yuki se redressa d'un coup en avalant une bouffée d'air qui manqua de l'étouffer. Elle était dans son lit. En sécurité. Trempée de sueur et tétanisée, mais en sécurité. Le battement de son propre coeur lui vrillait la tête. Sa mère lui apparaissait de plus en plus souvent dans son sommeil ces temps ci. 

À peu près calmée, elle se tourna vers mon réveil. Les chiffres écarlates indiquaient 04:38. Elle ne dormait que depuis une demi heure. Et elle avait encore deux heures devant elle pour se rendormir. Deux heures avant de retourner dans la jungle sociale de son lycée. Deux heures avant de savoir si la nouvelle année allait être pire que la précédente ou pas. Après l'avantage d'être invisible c'est qu'elle ne se faisait pas emmerder. Mais ça devenait lourd. Yuki se rallongea et ferma mes yeux, en espérant ne pas replonger dans un autre cauchemar.

Son réveil sonna. Depuis quand deux heures s'écoulaient si rapidement ? Yuki avait l'impression d'être encore plus exténuée qu'en se couchant. Elle aurait aimé fermer les yeux encore un instant, mais elle avait peur de se rendormir. Elle avait les yeux à demi ouverts et la bouche pâteuse, et le bras qu'elle tendait pour éteindre son réveil infernal semblait peser le double de son poids normal. Quand le silence revint dans la pièce, elle le laissa tomber contre le cadran du lit. Une sensation étrange se réveilla dans son avant bras. Elle se tourna sur le dos et le fixa. Malgré la faible lumière matinale, elle percevait clairement les cicatrices entrecroisées qui formaient de petits renflements laiteux sur sa peau, du creux de son coude à la naissance des veines de son poignet. Les cicatrices ne lui faisaient plus mal depuis longtemps, mais étant consciente de leur présence, elle avait toujours une sensation bizarre à ce niveau là. 

Yuki poussa la couverture et se leva, trainant des pieds jusqu'à son armoire puis jusqu'au salon. Elle sursauta en entendant son père grommeler quelque chose à propos de la "putain de lumière" qui inondait le salon. Il n'adressa pas la parole à Yuki. C'était étouffant de rester dans une maison où on ne prenait plus son existence en compte. 

Des tartines de beurre, un thé, des cachets pour Yuki. Son père fumait à la fenêtre de la cuisine. Il avait posé la boite de cachets neuve sur le comptoir. Le cache en plastique avait déjà été retiré. Yuki regarda la boite. Puis son père. Lui ne la regardait toujours pas. Elle se pencha en avant et poussa doucement la boite avec son poing. Elle retint sa respiration juste avant que la boite ne glisse du bord du comptoir. Celle ci tomba et s'éclata sur le sol en une explosion de cachets blancs. 

Son père se retourna brusquement et commença à crier en demandant à Yuki ce qu'il lui prenait. Il parlait à moitié en grognant, et parfois c'était incompréhensible. Yuki le regardait l'engueuler comme si elle n'était pas concernée. Il continuait à grommeler en la traitant d'emmerdeuse et de tarée pendant qu'il ramassait la boite. Il lâcha deux cachets près du poing fermé de Yuki. Elle le regarda.

"Qu'est ce qui te prends encore, fille à ta mère"

Fille à ta mère. Il pouvait la traiter de tous les noms mais celui là tapait là où ça faisait mal. Cet enfoiré. Yuki mit les cachets dans sa bouche et commença à les mâcher. Son père s'apprêtait à dire quelque chose quand elle cracha la soupe de cachets dans le café qu'il avait laissé sur le comptoir. Elle su qu'à ce moment là, il avait envie de la frapper, à la manière qu'il avait de froncer les sourcils. Si fort que ses yeux semblaient noirs. 

Yuki avala une gorgée de thé.

Son père leva le poing et elle ne chercha pas à esquiver.

Il lui frappa l'épaule, la faisant tomber de la chaise. L'adolescente avait encore la tasse dans la main et la moitié de son contenu brûlant s'était renversé sur sa chemise. Elle grimaça et jeta la tasse sur son père avant que celui ci ne la re frappe. Elle l'atteint à la mâchoire avant de se casser sur le sol. Ça allait sûrement laisser une marque. Yuki resta un instant tétanisée mais craignant la réaction de son père, elle prit ses affaires et un t-shirt qui trainait sur une chaise avant de s'enfuir de la maison. Il ne chercha pas à la suivre. En claquant la porte, Yuki l'entendit jeter une chaise par terre avec fracas. Elle attendit un instant derrière la porte. Il y eu un silence, puis le bruit de la machine à café mise en marche. Alors seulement elle s'éloigna, et se changea derrière un arbre. Elle avait prit par mégarde un t shirt à son père. Elle soupira et rentra le vêtement dans sa jupe d'uniforme, puis rangea le mouillé dans son sac. Son épaule lui faisait mal.











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