Un jour, lorsque je me rendais à un rendez-vous important avec de hauts fonctionnaires, il me fut la chance de l'apercevoir pour la première fois. J'admet avoir été étonnée par le désir que j'ai porté, à ce moment là, à quelqu'un qui n'était qu'une ombre au loin, un individu que je ne pouvais décrire ou nommé. Un sentiment d'excitation entre mes reins lorsque je l'aperçus marcher d'un pas déterminé. Malgré la température du mois de mars, elle portait de fines chaussures aux talons délicats. Je supposais qu'elle devait avoir comme collègues, les professionnels que je m'apprêtais à rencontrer. Jamais, auparavant, je n'avais éprouvé un tel sentiment si c'est ce que c'était. Était-ce un signe de faiblesse de ma part? La curiosité s'empara de moi. Peut-être était elle quelqu'un dont je fis un jour connaissance? Était elle une des femmes que mon père amenait à la maison le jeudi soir lorsque maman n'était pas en ville? Était elle? Était elle?
Suite au rendez-vous avec les fonctionnaires avec lesquels je travaillais depuis plusieurs mois sur un projet administratif, ceux-ci m'invita à prendre un café dans un petit café au bas de l'établissement. La chaude boisson se fit boire rapidement dû au froid hivernal qui venait frapper ma peau à chaque fois que la porte s'ouvrait. Les hommes partirent en me laissant de la lecture afin d'occuper mes après-midis des prochaines semaines. Je restais un peu dans ce café qui, malgré la température, était douillet. Le barista tenta de m'adresser la parole, mais ne fut capable d'en faire ainsi. Après un court moment, je pris mon sac et quitta l'endroit d'un même pas de fierté et d'énergie.
Une fois de plus, je me retrouvais seule dans mon appartement vide de toute âme. Mon appartement ne possédant que quelques meubles. Spacieux et moderne, celui-ci n'avait que quelques plantes tropicales pour atout. Un matelas posé au sol me servait de lit et une baignoire sur pied prenait place dans la salle de bain. Je n'avais pas encore pris le temps, depuis mon arrivée en juillet, de remplir l'espace.
Plusieurs cahiers prenaient place près du lit. Des cahiers vides. J'écrivais sans cesse, accompagnée de musique. Léonard Cohen ou autre. J'écrivais, mais jamais je ne trouvais satisfaction dans mes écrits. Je refusais de garder des textes n'étant pas parfait. Mes cahiers étaient alors vides, mais pleins ailleurs. Les pages recyclées servaient maintenant à une autre fonction dont je n'étais au courant. Au moins ça..
Un matin, je me sentais créative tel souvent il m'arrivait. Tout ce que je souhaitais étais d'être capable, un jour, de publier ne serait-ce qu'un court texte. Afin de favoriser ma productivité, je me rendis au café. J'ai travailler de longues heures tel souvent il m'arrivait. Insatisfaite, quitta l'endroit en espérant trouver l'inspiration ailleurs.
Appartement vide et gris, appartement triste. Appartement laid.
* * *
Christophe prenait de plus en plus confiance en lui. À force de me voir, presque quotidiennement, la parole lui était de plus en plus facile. Juste assez pour me parler de la température, sans plus. Il ne connaissait pas mon prénom malgré les jours interminables passés ensemble à se parler de l'arrivé des temps chauds et de mes commandes de café ou grignotines aux trois heures. Je devais être pour lui Café regulier, deux laits et il était pour moi Christophe, brodé sur un tablier noir. Parfois, quand l'envi lui prenait ou simplement lorsqu'il oubliait son identité dans la sécheuse, il devenait Luc, brodé sur un tablier noir.
Les mois avaient passés si vite. Aucun texte publié encore. Aucun texte terminé, aucun texte satisfaisant.
J'avais investis autant d'argent dans des cahiers que dans les nombreux cafés consommés à cet endroit qui était devenu mon endroit de prédilection. Des cahiers achetés vides, jetés vides. Je les finissaient toujours de la même façon, les quatre pages de couvertures au recyclage. Rien n'y restait autre que les bordures rebelles des pages ayant, un jour, existées.
