Chap 99 : éternité

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[...]

À croire ce que disait David, le portail est ici à cause de l'un des nombreux dérèglements des ondes. Celles-ci sont passées plusieurs fois ici et ont ouvert le portail. Reste à savoir ce qu'on y trouve à l'intérieur.

- bon, Méredy en première, puis Lenni et moi, et enfin Beth, O.K. ? Finalise Ron.

Tout le monde hoche la tête en silence, puis Méredy prend une grande inspiration, et dit qu'elle va y aller.

- Méredy ! L'interpelle Lenni lorsqu'elle se retourne pour partir.

Il pose la main sur son épaule et elle se retourne face à lui. Puis il l'embrasse avec tant de tendresse maladroite qu'elle lâche un petit bruit à mi-chemin entre l'étonnement et le gémissement, puis elle pose sa main sur l'épaule de Lenni.
Moi, je les regarde la bouche entrouverte, tourne les yeux vers Ron qui secoue la tête en lâchant un petit rire. Ils se détachent, et elle part comme si rien ne s'était passé. Enfin, Lenni semble retrouver le monde autour de lui, et me regarde en soupirant :

- ne dit rien, O.K.?

Je ris malgré moi, puis hoche la tête. Il ne me laisse aucune remarque à faire, et je ne pense pas avoir le choix.

- je ne dirais rien, O.K.

Je voulais rire encore, mais ma voix se fait interrompre par celle du policier.

- on y va maintenant, Beth, juste derrière nous O.K. ? Susurre Ron

Il me prend les deux mains, colle nos fronts et me murmure "ça va aller". Je hoche la tête, paralysée, incapable de dire quoi que se soit.
Il lâche l'une de mes mains en se retournant vers Lenni qui me gratifia d'un sourire rassurant. Ils partirent tous les deux, ma main resta accrochée à celle de Ron jusqu'à ce que nos bras ne puissent plus se toucher.
Ne pouvant me raccrocher plus qu'à moi-même, je fermais les yeux, et comptais dix secondes pendant lesquelles Ron devait brandir le revolver, Lenni devait arracher les clefs de la ceinture de l'homme. Comme un signal, j'entendis un "Eh!" De la part de l'homme, signifiant qu'il vient surement de lui dérober ses clefs.
À ce moment, je réagis comme une automate, j'ouvris les yeux et avançai jusqu'au centre de la ruelle où se trouvait le portail. Malheureusement tout ne s'était pas exactement passé comme prévu. L'homme avait son arme pointée sur Lenni, les clefs à la main, plutôt que sur Méredy. S'il me lançait les clefs, l'homme pourrait tirer. Ma respiration accéléra, je secouais la tête de gauche à droite pour lui dire de ne pas les lancer. Son regard s'accrochait à moi, puis, il regarda le portail et serra la main sur les clefs. Et il les lança.
Je pus les rattraper sans trop de mal et m'assurais qu'aucun coup de feu n'a été tiré. Puis je courrais jusqu'à la porte de fer, insérais les clefs dans la serrure sans trop réfléchir, et j'étais maintenant dans l'enclos du portail.
Sans prendre la peine de refermer derrière moi, je m'avançais vers le portail en y scrutant chaque détail. Et enfin, je le touchais. Le bord était solide, comme un cadre, non, comme un cerceau qui flottait dans l'air. J'entrais une première main à l'intérieur, par mesure de précaution, et ne sentis rien. Alors je m'agrippais des deux côtés du portail, et y faisais passer ma tête jusqu'à ma poitrine. Je n'étais pas assez stupide pour y entrer entièrement, j'aurais trop peur qu'il se referme derrière moi.
Ce que je vis était l'exacte représentation de l'autre côté de la ruelle. Comme s'il n'y avait pas de portail, comme s'il n'y avait rien du tout.

Le premier changement fut sonore. Du calme sortit des sortes de cris effrayants, puis des bruits de générateurs qui vont exploser, et cet horrible bruit de bip en continu que j'avais constamment dans la tête quand j'avais pris ces somnifères. Ces bruits mélangés donnaient un mal de crâne affreux, une torture. Puis il y eut les changements visuels.
Les arbres, les maisons, la route laissèrent place à un noir infini. Une couleur plus sombre que le noir parfait lui-même. Une bulle noire, un trou noir, qui englobait ce qui pouvait se détacher des ténèbres. Et moi, moi, je n'étais plus là. Je n'avais aucune idée de ce que mon corps faisait, mais je n'étais plus à l'intérieur. J'étais dans le coma, ou morte, ou qu'importe, mais je ne sentais plus rien. Seul mon esprit persistait, et il n'y avait ni espace ni temps. Rien de tout cela n'existait. Le temps se courbait, se dilatait, et disparaissait.
Un étrange vide plus grand que des milliards de galaxies, mon esprit se retournait contre lui-même.
L'infinité de noirceur et de points aveuglants de lumière, il n'y a plus rien autour de moi, un vide qui n'en est pas un. Il n'y a pas de vide puisqu'il n'y a pas d'espace et rien d'autre que mon esprit ne peut le prouver. Tiraillée, forcée d'assistée à une destruction interstellaire, de noirceur ténébreuse et de lumière, plus rien au monde n'existe maintenant.
Qu'est-ce qu'un monde ? Je ne sais plus. Il n'y a plus que la vue parmi mes cinq sens et il m'est impossible de fermer les yeux, je n'ai plus de corps.
Un milliard d'années ont dû passer déjà, mais le temps n'est plus depuis l'apparition des ténèbres. Je ne sais plus qui je suis, ce que je suis, et où je suis.
Soudainement, je ressentis quelque chose. Ressentir était un mot que j'avais oublié, et je crois bien que c'est un toucher. Oui, on me touche, on me tire, et pendant un moment, je ne sens plus rien que l'infini.

Brutal retour à la réalité quand ma tête heurte le sol, je peux respirer, je sens mon corps, je sens le temps et l'espace autour de moi. Je vois autre chose que le noir et la lumière, je vois des couleurs, j'ai des sensations, je peux bouger. Mes sens s'activent, et je sens l'odeur de Méredy, je sens ses bras autour de ma taille, elle est derrière moi, elle m'a tiré du portail.
Le portail, lui, à brisé ses bords de cerceau, il se dissipe dans l'air et disparaît. Je suppose qu'il devait être vu par l'intérieur avant de partir.
C'est à ce moment, au moment où mes yeux n'avaient plus rien à regarder, que je remarquai que je tremblais. Je tremblais comme jamais, comme si mes os, mes muscles, mes organes se débattaient pour s'extirper de mon corps. Je gesticulais dans tous les sens. Méredy m'immobilise un moment, prend mon visage dans ses mains fraîches et me hurle (puisque j'entendais encore les bruits atroces des ténèbres) :

- qu'est-ce que tu as vu ? Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ?

Je mis un moment à chercher mes mots, je prononce mes premières paroles depuis des milliards d'années :

- l'éternité.

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La dernière.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant