Je cours droit devant moi. Pas question de jouer le punching-ball ! David est une montagne de muscles mais il est plus lent que moi, mince et vif. Je le distance rapidement. Cependant, même le destin aime s'acharner sur moi. La semelle de mes chaussures usées accroche le sol. Je perds l'équilibre et tombe lourdement. Derrière moi, David pousse un cri de joie qui n'augure rien de bon. Il me relève en tirant sur le col de ma veste.
Alors, on fout le camp comme une pauvre merde ? Tu ne gagneras rien à t'enfuir. Une merde, ça reste une merde quoi qu'on fasse. Tu ferais mieux de crever, tu soulagerais beaucoup de monde... comme tes parents... !
Il me soulève et m'assène un coup de poing en plein sur le nez. Le sang coule dans ma bouche. Je le recrache sur David qui m'injurie pour avoir inonder sa veste en pur cuir de mon sang « dégueux ». En représailles, il me donne des coups de pieds dans le ventre. J'essaie de me protéger du mieux que je peux.
Tu vas le regretter ! Me menace-t-il. Lève-toi, qu'on règle ça une bonne fois pour toute ! Je vais te laisser à moitié mort sur la chaussée !
Péniblement, je me mets à quatre pattes. Mes bras et mes jambes tremblent. Un souffle de vent pourrait m'emporter sans résistance. Je saigne toujours du nez. Le liquide vermeil se répand sur le bitume. J'ai peur aussi, je ne veux pas mourir.
David, irrité de perdre son temps, shoote de toute sa force dans mon estomac. Sur le coup, je n'aurai pas été surpris qu'il ait éclaté. Je rends les quelques biscuits que j'avais chapardés avant de filer de l'appartement. David s'amuse à m'agresser verbalement et physiquement. Je désire simplement que tout se termine. Il veut me tuer ? Pourquoi attend-il ? Il a dit lui-même vouloir terminer ça au plus vite... Je me déteste, je suis vraiment faible... La rage me brûle la gorge, mon corps s'agite de soubresauts violents et une colère noire me dévore de l'intérieur.
Il se déchaîne sur moi encore un moment, alternant coup de pied et talon sur toutes les parties de mon corps qu'il peut atteindre. Quand enfin il croit en avoir terminé, il se détourne pour rentrer chez lui se changer. Il rigole à l'idée d'apprendre aux autres qu'il a éclaté la petite merde Paul.
Cette « merde » est celle de trop. Péniblement, je me lève en m'aidant du mur proche que je souille de sang. J'ignore d'où me vient cette force qui me permet de courir vers David et le lui démonter les dents. Je ne suis plus la merde Paul, je suis devenu un berserk. Je le frappe si fort que je me blesse moi-même aux jointures. Mais je n'ai pas mal, alors, je continue.
Tant que cette rage m'anime, je ne cesse de lui briser les os et de lui arracher des cris de douleur qui ressemblent de plus en plus à des borborygmes à cause du sang qui lui coule dans la gorge. Chacun son tour d'avoir le nez cassé.
Lorsque je m'arrête pour reprendre mon souffle, son visage est entièrement détruit et il ne reste rien de son corps d'athlète qu'il a passé des années à polir à la muscu'.
Tu avais tort, je dis. Une merde, ça reste peut-être une merde parce que c'est sa nature profonde en tant qu'objet et détritus. Mais un homme, ça peut pas être une merde. À la limite, un lâche, comme toi qui aime tabasser pour le plaisir, ou moi parce que je fuis toute ma vie, lui, il peut changer. À partir d'aujourd'hui, il n'y a plus de « merde Paul ». Je suis libre...
Je le laisse là, agonisant presque au milieu de la route. Avant, j'aurai eu pitié de lui. À présent, qu'il soit vivant ou non ne m'émeut plus. Je ne ressens que de la colère. Envers tous comme envers ma propre personne... A ce moment-là, je jure ne plus jamais m'aplatir devant quiconque, fort ou faible !
Je ramasse mon sac à dos à l'endroit où je suis tombé. Il n'a pas tenu le choc lors de ma chute et s'est déchiré, répandant les loques par terre. Je trouve un sac plastique qui dépasse d'une poubelle et je l'utilise pour y mettre mes affaires. Tant pis si je pue, cela n'a plus d'importance. Sans un regard en arrière, je reprends ma route, tournant le dos à mon ancienne vie misérable que je hais.
Le soleil est déjà haut quand, à bout de force, je m'écroule sur la berge herbeuse d'une rivière encrassée de déchets. Ma tête dodeline sur mes épaules et je m'évanouis.
Je me réveille doucement en sentant l'odeur d'une soupe qui cuit sur un feu de camp, après avoir eu l'impression d'avoir traversé un couloir sombre sans fin. Un homme âgé d'une quarentaine d'années la remue avec une cuillère taillée grossièrement dans un bout de bois. Une longue cicatrice recouvre le côté gauche de son visage et se perd dans sa barbe broussailleuse de deux semaines.
Je tente de m'asseoir mais mes membres subissent le contrecoup de ma bagarre avec David et je suis incapable de faire un geste. L'homme prend conscience que je suis éveillé. Il vient vers moi et retire la couverture qui me recouvrait et me protégeait du froid, afin de m'ausculter. Je remarque à cet instant que je porte des pansements un peu partout sur le corps.
Comment tu t'appelles ? Me demande-t-il.
Il a une voix chaleureuse. Malgré son air de vétéran de la guerre et de bandit, il se révèle doux, prenant garde à m'éviter toute douleur.
Paul...
Tu t'es fait passer à tabacs récemment ?
J'ai eu une altercation avec un type de ma fac ce matin...
Ce matin ? Tu aurais dû t'écrouler immédiatement vu la quantité de sang sur toi !
J'avais pas mal...
Ça s'appelle l'adrénaline ça, fiston. Mais prends garde : c'est à double tranchant. Tu me sembles bien loin de chez toi. Acceptes-tu de me dire pourquoi tu te trouves ici ?
Je lève les yeux vers le ciel, hésitant à lui raconter que j'ai choisi une vie semblable à la sienne. Un pont, éclairé par les lueurs du feu, me dissimule les étoiles. Je reporte mon attention sur l'homme. Ce sans-abri m'a recueilli et m'a soigné alors qu'il ne me connaissait pas.
Je lui demande de m'aider à m'asseoir et accepte de lui révéler ce qu'il veut en échange d'un peu de soupe car mon ventre crie famine depuis mon réveil. La gorge sèche, j'en bois immédiatement une lampée, affamé. Le liquide brûlant descend dans ma gorge, me réchauffant plus qu'un brasero ou une couverture ne saurait le faire.
Voilà ce qu'il s'est passé, je termine.
Je vois... Au fond, tu as fui ton existence comme nous...
Nous ? Je demande.
Nous, affirme-t-il. Tu ne croyais tout de même pas être le seul à avoir rejeté notre ancien nom et pris la décision de vivre en marge de la société. Comme toi, nous avons réalisé tous les méfaits et les inégalités qu'elle engendre. Pas vrai, Doc ?
Le ferme ! Râle la voix grave d'un homme entièrement caché sous ses couvertures.
Ne l'ayant pas vu avant, je sursaute, puis grimace de douleur en sentant mes muscles brusquement contractés protester vivement.
Il est toujours comme ça, me rassure l'homme. Il s'appelle Doc. Avant, il était médecin. C'est lui qui t'a soigné d'ailleurs. Moi, je m'appelle La Balafre. Pas besoin de t'expliquer pourquoi, je suppose...
Il me jette un regard entendu, à la fois sérieux et amusé. Il boit une gorgée de soupe, claquant sa langue d'un air appréciateur puis, il me dit ;
Alors, toi qui vas vivre comme un pauvre chien errant, comment t'appelles-tu ? Réfléchis bien, après avoir rejeté ton nom de baptême, le nouveau ne te quittera plus, où que tu ailles... me prévient-il.
Quitte à vivre comme un clebs, autant en avoir le nom...
J'aime ton sarcasme... Clebs, ajoute-t-il avec un sourire qui déforme sa cicatrice.
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Recueil de textes en vrac... ^^ (commandes disponibles)
RandomVoilà, dans le but de m'exercer,j'ai décidé de créer cet article pour recevoir les commandes d'OS pour ceux qui désirent que je leur en écrive. Je fais sur Fairy Tail (tout couple confondus), sur Bleach, sur Tokyo Ghoul et One Piece. Vous devez me...
Sans nom
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