II (fin)

1K 38 4
                                    

Vers le dehors il n'y avait plus rien à regarder, tout était noir, effrayant. La pluie était d'une douce tristesse, en comparaison avec le vent qui était brutal, violent. On entendait les gouttes de pluie âprement s'écraser. Noah ne supportait pas ce bruit. Son ouïe était dérangée. Mais il continuait de regarder Rose, malgré le dérangement. Elle avait relevé sa tête et regardait dans le vide. Aucune larme ne coulait. Sa respiration était redevenue régulière. Elle prit son verre, non pas pour le boire, mais pour avoir quelque chose dans les mains. Aucun tremblement. Noah regardait ses yeux, le vide y était omniprésent. Quelques minutes passèrent, puis Rose dit, faiblement, quelque chose.

- Où suis-je?

Elle avait cligné des yeux avant de revenir à la réalité. Rose regarda autour d'elle, il y avait un homme qu'elle ne connaissait pas. Mais, son regard attira son attention. Elle le regarda pendant une minute, avant de comprendre qu'elle avait connu ces yeux. Son regard se porta ensuite vers le dehors, elle vit la mer agitée, la pluie et le ciel en colère. Son âme s'effondra. Ses tremblements reprirent, elle porta son verra à ses lèvres. Ils cessèrent, elle prit une cigarette et l'alluma.

- Pendant un instant, je vous ai oublié, dit-elle.

Il ne répondit pas.
Respiration, puis.

- Je crois que... la tristesse m'a submergée. J'ai dit des choses que mon corps ne peut supporter. Alors pendant un instant, il a choisi l'oubli. Il a tout rejeté... mais, en voyant vos yeux, leur couleur. Je me suis rappelée de vous, presque instantanément.

Elle s'arrêta là.
Elle savait qu'il n'y avait plus rien à dire. Noah la regardait. Rose avait son coude gauche posé sur la table, son menton reposait sur la paume de sa main gauche. La cigarette était entre son index et son majeur. Ses cheveux dansaient, parfois, avec le vent qui rentrait dans le bar. Elle remettait bien une mèche qui l'empêchait de voir. De temps à autre, le regard de Rose se portait sur le dehors. Dans ces moments-là, Noah releva qu'elle était plus triste qu'à d'habitude, ses mouvements étaient plus lents, son corps semblait lourd. Comme si, le monde l'affectait. Puis, comme si Rose voulait être rassurée, elle déposa son regard sur la vieille barmaid. La vieille dame commença à tricoter, une écharpe ou un pull. Elle ne le savait pas encore. Ses mains fripées faisaient les gestes avec un mécanisme déroutant. Sa respiration était calme, posée. Un peu lourde à certains moments. Ses poumons étaient vieux et attaqués par la cigarette. Le bruit de ses aiguilles à tricoter était régulier. La laine était blanche. Elle était assise sur un rolling-chair. Elle se balançait doucement. Elle reculait puis revenait à sa place. Le regard de Rose ne la quittait pas. Elle n'osa pas demander pour qui elle tricotait. Puis, se demanda si elle avait quelqu'un, une personne qui l'attendait. Rose regarda autour d'elle pour trouver quelque chose, une photo, un objet qui appartenait à quelqu'un. Elle se leva. Sa tête tournait, elle manqua de tomber. Noah voulu se précipiter pour la rattraper, mais elle s'était tenue à la table. Elle prit une longue inspiration, garda l'air dans ses poumons quelques secondes. Puis, relâcha tout. Elle se dirigea vers le bar regarda un mur que ses yeux ne pouvaient pas atteindre. Sa main droite était déposée sur le comptoir. Elle était frêle, blanche. Rose pouvait apercevoir quelques photos. Son attention fût captée par une ancienne photo. Il y avait une femme avec une jolie robe à col rond. On ne distinguait pas la couleur. La photo était en noir et blanc. La jeune femme souriait. Visage radieux. Un homme était à côté d'elle. Son sourire n'était pas remarquable aux premiers abords. Il était grand et sa main, entourait la taille de la jeune femme. Rose se demanda s'ils étaient mariés, ou encore amants. Elle contempla la photo. Puis, dans un silence presque complet, la vieille dame lui adressa la parole.

- C'était mon fiancé, dit-elle d'une voix un peu éraillée, faible.

Une certaine émotion s'était dégagée de ses paroles. Rose et Noah eurent des frissons. Ils ne répondirent pas. Aucune question. Si la vieille dame voulait parler, elle le ferait. Un silence lourd cette fois-ci, presque irrespirable, avait pris place dans le bar. Le bruit de la mer, de la pluie et du vent avaient été aspirés par cette pesanteur. Aucun bruit, puis la vieille dame ajouta.

Triste est la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant