II - suite

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La nuit noire était de retour.
Le silence était morose, terne, il enveloppait leur peau, caressait leur visage. Triste était la mer, triste était le ciel. Un vent violent s'était levé. On pouvait entendre des courants d'air. Les murs, le plancher sifflaient. Rose regardait toujours dehors. La lune était cachée par des nuages sombres et épais. Aucune étoile dans le ciel. Elle soupira et termina son verre. Le temps se dégradait, c'était signe que la nature était en colère. Que le Monde était à bout, qu'il pleurait, hurlait de rage. Rose ne pouvait pas supporter toute cette haine, toute l'acrimonie de ces voix qui se soulevaient et qui blessaient toutes choses, personnes qui les entendaient. Des tremblements prirent Rose. Elle se resservit avec hâte. Son verre manqua de valser et de tomber. Mais elle le rattrapa et but. Après quelques gorgées son tressaillement s'atténua pour finalement ne plus exister le temps de quelques minutes. Noah la regardait, elle non. Il avait vu son état changer, être perturbé par le temps qui s'était obscurci. Sa respiration était rapide, lourde, elle avait des sueurs froides, et l'expression de son visage était apeurée. Il sentait l'horreur dans chacun de ses mouvements, de ses regards, de ses sourires nerveux. Noah n'osa pas lui demander ce qu'il se passait, il ne voulait pas la perturber ou encore pire, l'effrayer. Il voyait en elle une personne fragile, à fleur de peau. Elle ressentait tout, et tout la détruisait. Il analysait chaque chose qu'elle faisait et comparait avec ce qu'on pouvait appeler la "norme". Un rien pouvait nous toucher. Quant à elle, ce rien pouvait l'emplir de désespoir, de chagrin. Sa douleur était celle d'une écorchée vive. Il restait comme cela, à la contempler dans ce silence hurlant.

L'heure sonna. Il était 22 heures.
Elle fumait une cigarette, ses tremblements s'étaient accentués. Il n'y avait plus de vin et dehors il y avait toujours cette colère qui l'éraflait. Elle éteignit sa cigarette violemment dans le cendrier, alla commander un dernier verre de vin, et paya l'addition. Lorsque Noah entendit cela, il se leva en vitesse pour l'empêcher de payer. C'était trop tard. Il lui demanda pour quelles raisons avait-elle payé.

- Pour une raison qui est simple: la fois dernière vous avez payé pour nous deux. Il est naturel que j'en fasse de même, dit-elle.

Elle se rassit.
Il soupira, elle aussi. La vieille dame revint avec la commande, et déposa le verra avec un sourire triste. Elle avait de la peine pour Rose qui vit ce sourire. Un frisson la parcourut, elle crut reconnaître celui de sa mère. Rose le lui rendit, et ses larmes montèrent aux yeux. Elle se sentait misérable, et seule. Terriblement seule. Sa gorge se noua, elle était essoufflée. Les mains tremblantes, Rose prit son verre de vin et but une gorgée, puis une deuxième et enfin, une troisième. Tout son corps se calma. Ses yeux se posèrent sur Noah, et rencontrèrent les siens. Il sursauta. Il était surpris de croiser ses yeux. Il détourna le regard, gêné. Il le porta vers le dehors, et dit.

- Nous aurons une nuit agitée.

Elle le regardait toujours.
Silence, et elle ajoute.

- La nuit est calme, c'est le monde qui est agité.

Elle reprit son verre et l'approcha de ses lèvres. Elle fit comme d'habitude pour calmer chaque tremblement. Mais cette fois-ci, elle le regardait. Auparavant, elle se contentait de voir la mer, le ciel, le monde. Elle essayait de voir ces yeux qui l'avaient tant troublée. Rose ne voyait pas leur couleur, alors elle lui demanda de tourner son visage dans sa direction et de la regarder, dans les yeux. Il hésita, son cœur fit un bond. Avant qu'il puisse s'en rendre compte, ses yeux la regardaient déjà. Il se sentait rougir, ses joues son cou étaient en feu. Il se demanda si cela se voyait, si elle le voyait rougir. Noé n'avait pas réellement entendu ce qu'elle avait dit.

- Vos yeux, ils me rappellent la mer.

Cette phrase le frôla, son visage l'avait ébranlé. Il la fixait du regard, il était comme impressionné par cette jeune femme qui se tenait devant lui. Sa beauté était un mouvement pur, et doux. Sa douceur nonchalante avait touché Noah, elle était comme un nuage qui se promène dans le ciel ou encore, comme une pétale de fleur de cerisier qui valse avec le vent et qui se dépose sur le sol. C'est la vieille dame qui le sortit de ses pensées, elle dit.

Triste est la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant