Amae

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Des heures sont passées depuis l'attaque. A travers la vitre de la salle d'interrogatoire, je peux apercevoir les gardes courir dans tous les sens. Ils cherchent une solution, sans succès. Peu importe qui a pris possession du système électrique, il est le seul à pouvoir ouvrir les portes, et réactiver toutes les machines. Mais il n'en a pas l'intention...

Je porte m'a main sur ma tempe, pris d'une violente migraine. La fatigue se fait ressentir, autant sur nos visages que dans nos têtes. Et l'inquiétude aussi, qui continue de grandir. Fanny n'a pas réagis à l'attaque, comme si elle s'y attendait. Ses paroles résonnent encore dans mon esprit.

« Il semblerait que nos adversaires aient pris un coup d'avance. »

Cela indique qu'ils sont plusieurs, et que nous sommes leur cible. Alexandre, Fanny et moi. Je n'ai pas pensé un seul instant que nous pouvions être dans le même camp. Je veux l'aider à s'en sortir, certes. Mais je ne suis pas comme elle, je suis du côté des gentils.

Ou plutôt, j'essaie m'en convaincre.

Mon téléphone sonne et je perçois un message d'Alexandre. Savoir que le réseau est intact, et que nous sommes encore capables de communiquer me rassure.

Alex – 11h23

Mon client, Will Camell, me met en garde contre Fanny. Fais attention à toi, s'il te plaît. J'ignore ce qu'ils manigancent, mais je pense que ces deux-là sont de mèche et qu'ils essayent de brouiller les pistes.

Je relis le sms à plusieurs reprises. C'est impossible... S'il avait pu discuter avec Fanny, il en serait également convaincu. Ce Will est un manipulateur, c'est l'hôpital qui se moque de la charité ! Contrairement à lui, cette jeune fille n'a pas le comportement d'une psychopathe.

Et c'est bien cela qui m'effraie.

On dénote, chez la plupart des criminels, des signes de troubles mentales. Ils ne distinguent plus le vrai du faux. Ils n'ont plus des notions du bien et du mal, si tant est qu'ils puissent les connaître. De ce fait, nous pouvons comprendre leurs actes et leur donner une forme de justification. Programmés pour être des monstres, ils ne sont pas totalement responsables. Et surtout, ils ne sont pas comme les humains lambda, parce que leur état nous empêche d'avoir à justifier les instincts les plus primaires de notre espèce ; parce qu'ils ne sont pas comme nous.

Mais que faire dans le cas inverse ? Comment réagir face à une adolescente meurtrière et saine d'esprit ? Là, tout de suite, je me demande ce qu'on peut vraiment qualifier de « sain d'esprit ».

Je n'ai pas le temps d'y réfléchir, un bruit de métal se fait entendre derrière moi. Je sursaute et tourne la tête vers la porte d'entrée. Une trappe s'y est ouverte, et une main tenant un sac en papier brun, avec l'inscription "Amae Woodger" apparaît. J'imagine qu'il s'agit d'un garde de la prison, cela signifie qu'ils ont repris le contrôle du système électrique de la prison. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas nous sortir ? Pourquoi le micro et les caméras semblent toujours éteint ? Interloquée, je quitte mon siège et me penche vers l'ouverture.

— Garde ?

Pas de réponse.

Quelque chose cloche.

— Avons-nous repris le contrôle de l'établissement ?

— Prenez ça et éloignez-vous de la porte, ordonne une voix grave.

Je saisi le paquet et comprend qu'il s'agit de mon repas. Le temps s'est écoulé plus vite que je ne le pensais... Le trappe se referme presque instantanément. Mon intuition me pousse à croire qu'il s'agissait en réalité d'un des pirates. La vitre sans tain réduit à néant l'espoir d'observer notre invité. Le silence est brisé par les bruits de pas s'éloignant... De nouveau seuls au monde, mais pour combien de temps ?

Sous le masque des sages [2017 - EN PAUSE / A RÉÉCRIRE]Where stories live. Discover now