L'homme au livre [En pause]

Chapitre 6 : L'histoire d'Alan

"C'est exact."

"Évidemment..." murmura-t-il en soupirant "Je suis désolé d'être aussi direct, mais c'est complètement faux. "

Arthémis tiqua légèrement. Très bien, au moins le douté était levé.

"J'ai connu Clara lorsque nous étions au lycée. Ce n'était pas vraiment une amie, plutôt une simple connaissance. Nous étions dans la même classe, elle avait un niveau assez moyen et j'étais l'un des meilleurs. Sans vouloir me vanter..."

Elle rit mais le laissa continuer

"Les années sont passées, nous avons presque tous obtenu notre diplôme et c'était très bien. Beaucoup partaient pour la ville faire des études plus poussées, Clara ne savait pas très bien ce qu'elle voulait faire alors elle avait choisi de prendre une année sabbatique et moi je voulais écrire. Quelques jours après la remise des diplômes, je me suis lancé dans la rédaction de La duchesse d'à côté, c'était une première expérience d'écriture et je ne savais pas si j'allais le publier ou pas. Les années ont passé, l'université m'a occupé, je passais un diplôme de Lettres Françaises et un autre de Sociologie. Après pas mal de travail en plus de mes études, j'avais écrit mon livre et je le soumettais à plusieurs maisons d'édition, sans grand succès. J'avais passé douze années de ma vie en études tout en écrivant doucement à côté, me perdant dans divers projets. Un matin j'avais une lettre : les anciens élèves de notre promotion faisaient une fête pour voir un peu ce que tout le monde devenait."

"Je ne t'imagine pas du tout accepter d'aller à une fête." Ponctua-t-elle pendant qu'il reprenait son souffle

Il sourit gentiment, bien qu'un peu vexé. Avait-il l'air si peu sociable que ça?

"J'ai accepté de me rendre à cette fête puisque j'allais y revoir d'anciens amis et que peut-être l'un d'eux avait choisi de se lancer dans l'édition" Alan lança un clin d'œil "Je ne comptais pas le moins du monde en profiter pour boire comme un ivrogne et ruiner ma réputation d'intello coincé. Cependant ta mère était plus... ouverte à la distraction..."

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Ne te vexe pas s'il te plait mais... Clara ne tiens pas franchement très bien l'alcool. Elle a beaucoup bu ce soir-là et s'est retrouvée dans plusieurs... lits. Jamais avec la même personne. Ta mère n'étais pas franchement une personne de vertu."

Arthémis ne se vexa pas, on pourrait même dire qu'elle s'y attendait. À ce jour sa mère ne buvait pas, fumait très peu et ne s'était jamais mise en couple au plus loin que pouvaient remonter ses souvenirs. Elle fit signe à Alan de continuer son histoire tout en lui montrant qu'elle ne le prenait pas mal.

"Je m'apprêtait à rentrer chez moi, la majeure partie des gens étant ivres, dans des chambres ou partis, lorsque j'ai remarqué Clara, assise avec une bouteille à la main, l'air mi endormie mi perdue. Je ne la connaissais pas franchement comme je te l'ai dit mais j'ai préféré la ramener avec moi au cas où il lui arriverait quelque chose. Je ne pouvais pas veiller sur tous les invités mais si je pouvais au moins prendre soin de l'une des personnes les plus mal en point alors ça serait au moins ça de fait. Je l'ai ramenée au manoir où nous étions seuls, mes parents étant tous deux en voyage plutôt souvent, ils vivaient leur retraite en sillonnant le monde... Nous avions déjà 30 ans. Je l'ai installée dans mon lit et j'ai dormi dans celui de mes parents. Ca me semblait le plus juste à faire et le plus prudent. Je te montrerais, les chambres sont côte à côte, si Clara avait eu besoin de quelque chose dans la nuit j'aurais pu l'entendre et intervenir."

Il prit une pause en soupirant. L'évocation de ces souvenirs n'était pas agréable et il ne semblait pas avoir parlé de ça très souvent par le passé. Jusqu'ici, Arthémis avait de l'admiration pour lui, elle ne savait pas si, dans le même contexte, elle aurait ne serait-ce que pensé à prendre soin de quelqu'un, ramener l'un d'eux pour veiller sur lui ou elle puisqu'elle en avait la capacité. Il n'était pas dans les tords et Clara devrait plutôt le remercier de sa générosité au lieu de le haïr.