11. Désordre total

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Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Pourquoi avait-il embrassé Dakota ? Il n'avait pas eu le temps de réfléchir, ça avait été plus fort que lui, il n'avait rien prémédité. Il l'avait vue, si heureuse, avec ces larmes aux creux des yeux et son stupide mensonge, et n'avait pas pu résister. Quel genre d'idiotie elle était en train de lui faire faire ? Plus il réfléchissait et plus il se sentait stupide et ridicule. Est-ce qu'on pouvait appeler ce qu'il avait fait un baiser ? Il embrassait sa petite amie de cette manière quand il était au CP. Ça avait été si spontané et timide. Que pouvait bien penser Dakota maintenant ? Toutes ces questions qui l'assaillaient l'empêchaient de se concentrer sur le route. Il décida de les chasser pour éviter un accident tragique. Il n'avait pas envie de se retrouver sans jambes, lui aussi. Quel couple ils formeraient, s'ils étaient tous les deux handicapés ! Ca leur ferait une belle jambe ! Heureux de sa blague de mauvais goût, il éclata de rire, seul sur son bolide. Ses pensées l'éloignaient encore une fois de la route. Il regagna son calme et se concentra de nouveau. Malheureusement, aujourd'hui, il était décidemment bien trop occupé à rêvasser pour conduire normalement. Il se demandait quel était la nature de sa relation avec Dakota. Après tout, si on pouvait appeler ce qu'il avait fait un baiser, ils s'étaient embrassés. Et elle ne l'avait pas repoussé. Mais c'était une fille compliquée, il l'imaginait bien dire quelque chose du style « Oh, c'était juste un baiser, comme ça, rien de sérieux. T'es stupide de t'être fait des idées, Jude. ». Car oui, le garçon était bel et bien en train de se faire des films. Au point qu'il était en train de les imaginer, à deux, autour d'une table romantique, avec pour chaise chacun un fauteuil roulant (car dans son éternelle vivacité d'esprit, Jude était resté bloqué sur sa blague de la jambe). Mais bon, revenons à la route. Chassant ses pensées une fois pour toute, il arriva devant l'appartement de Vénus. Il dû sonné à 6 reprises pour qu'elle ouvre enfin la porte qui permettait d'accéder à l'intérieur. Il commença à s'inquiéter pour son amie, et se demanda dans quel état pitoyable il allait la trouver. Il arriva dans un hall et se dirigea vers l'ascenseur. Les portes étaient closes et une petite feuille de papier y était scotchée, indiquant « en panne ». Il soupira et s'arma de courage afin d'escalader les quatre étages d'escaliers à pieds. Enfin, il sonna à la porte de Vénus. Il attendit sans que rien ne se passa. Il frappa donc de nouveau, et sonna. Encore une fois, il dû sonner 8 fois pour que quelqu'un vienne lui ouvrir. Vénus se tenait désormais sur le palier devant lui, déconfite. Elle avait perdu son éclat et sa majesté, ressemblant non plus à une déesse mais une simple fille au cœur brisé. Elle était plus pâle que jamais et ses cernes s'étendaient bien bas sous ses yeux, comme des eaux sombres qui auraient pris d'assaut son visage. Elle était mal fagotée dans un grand tee-shirt bleu qui arrivait en-dessus de ses genoux et qui était tâché de gras. Elle se baladait enroulée dans sa couverture et ses cheveux donnait l'impression de ne pas avoir été lavé depuis belle lurette.

- Juuuuuuude. Gémit-elle.

Et elle le prit dans ses bras, bien que le terme qui convenait le mieux fut « s'écroula dans ses bras ».

- Juuuuuuuude. Recommença-t-elle en enfonçant sa tête au creux de son cou.

Il posa ses mains sur son dos, pris au dépourvu. Elle ne s'était jamais laissée aller de cette manière auparavant. Il n'avait jamais eu à la rassurer, à sécher ses larmes ou à se montrer protecteur. Il était juste le bon pote, celui qui fait des blagues et qui la déposait parfois chez elle en moto. Mais maintenant, il était beaucoup plus. Il devait être celui qui la ramasse à la petite cuillère, qui la soutient, la porte à bout de bras, lui prend la main et met de l'ordre dans son esprit. Le problème était qu'il ne savait absolument pas comment assumer son nouveau rôle.

Elle finit par se détacher et il la suivit à l'intérieur. Tout n'était que désolation. Des canettes vides et des boîtes de pizza trainait un peu partout, et la télévision encore allumée laissait deviner qu'elle avait passé la semaine avachie devant.

AnomalieWhere stories live. Discover now