Chapitre 25 : La visite

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Après un soupir silencieux, mon regard se pose sur une photo et je m'avance vers celle-ci. Une fois cette dernière à portée de main, je l'attrape.

— C'est...

Jales ne rajoute rien et je me doute que c'est parce qu'il ne sait pas quoi dire. Je détaille la femme qui sourit. Bianca était plus jeune que sur la photo de mariage. Elle devait avoir tout juste la vingtaine et resplendissait.

— Elle était vraiment belle, soufflé-je sans même m'en rendre compte.

C'est vrai. Elle était vraiment belle. Elle était le genre de femme qui nous éblouit et que l'on voudrait toutes être. Le genre que les hommes désirent et pour laquelle ils pourraient se battre.

Mon voisin me reprend le cadre des mains puis le repose sur le meuble. Bien que je sois contente qu'il souhaite avancer en me montrant sa maison, mon cœur souffre de devoir marcher sur les pas de Bianca. Car je me rends compte que son habitat est un mausolée à la gloire de celle qu'il a aimée et que c'est une torture pour moi.

Certes, je sais que c'est une réaction plus ou moins normale. Qui n'a jamais perdu un proche ? Après cet événement, nous essayons de nous rattacher aux souvenirs, aux odeurs, puis arrive le jour où même notre mémoire commence à flancher. Alors les photographies deviennent le meilleur moyen de garder la personne telle qu'elle était dans notre tête.

Seulement vivre entre des murs recouverts de son image, ce n'est pas la solution. Car Jales reste bloqué sur une période qui est finie. Il s'enferme lui-même dans le passé. Mais comment le lui dire ? D'autant plus que dans le fond, je sais qu'il en a conscience, même s'il a dit ne pas vivre avec le fantôme de son ex.

— Je vais te faire visiter, propose-t-il toujours sans me tendre la main.

Je le suis en silence.

La cuisine est la première pièce que je découvre qui n'a pas de photo de la blonde. Tout en laissant mon regard parcourir les carreaux couleur taupe de la salle, je me sens un peu mieux. L'espoir que Jales me prenne la main naît dans mon esprit, malheureusement il ne le fait pas et j'ai du mal à cacher ma déception.

Nous montons ensuite à l'étage et il me montre son bureau. Comme dans le salon et le couloir, il y a des clichés de Bianca et de lui. Sur celle au cadre bleu, je remarque qu'ils étaient jeunes. Sur la photo, Jales sourit et ses yeux sont incroyablement lumineux. Bianca quant à elle, est nichée dans son cou.

C'était un beau couple, autant parfait l'un que l'autre.

— C'est ici que je bosse mes maquettes.

J'abandonne le cliché pour regarder Jales et je remarque alors la panoplie de bateaux ainsi que de voiliers miniatures qui orne la pièce. Je n'en avais encore jamais vu autant et de si beaux !

Je m'approche de la première étagère, les yeux émerveillés. Chaque détail semble avoir été travaillé avec précision. Même si je n'y connais pratiquement rien, j'ai l'intime conviction qu'il a consacré beaucoup de temps et d'amour à ses confections. Je touche des yeux chacune d'entre elles et souris avec la subite impression de faire un voyage en mer. C'est vraiment magnifique et agréable à vivre. Je ne savais pas que les voiliers étaient si complexes.

Je continue mon petit tour des lieux sous le regard attentif de Jales afin de rejoindre les autres étagères, mais mon regard est subitement attiré par l'immense fenêtre à moitié cachée par de longs rideaux gris. On voit mon devant de porte d'ici ! C'est dingue, je ne pensais pas que ce soit possible vu la disposition de nos maisons.

Pourtant, même si cette demeure me parait étrangère, notamment à cause du décor, j'ai déjà mis les pieds ici. Lorsque j'étais gamine et que Terrence y habitait. Seulement, savoir si oui ou non on pouvait voir chez moi ne m'intéressait pas à l'époque.

— Je passe le plus clair de mon temps ici.

Je me force à chasser l'idée que Jales puisse se poster derrière cette fenêtre durant ses jours de repos. Il l'a dit clairement, il s'adonne à sa passion et non pas au voyeurisme ou tout simplement à l'observation d'une voisine un peu maladroite qui ne compte plus ses allers-retours exercés tout au long de sa journée pour satisfaire le besoin d'activité de son chien.

— Ça fait longtemps que tu es passionné de maquette de bateau ? demandé-je, question de penser à autre chose.

— Je m'y suis plongé peu de temps après la mort de Bianca.

Mon visage doit trahir mes pensées puisque Jales semble embêté.

— Je suis désolé, souffle-t-il.

Je ne peux pas l'empêcher de parler de son ex-femme même si j'aurais tout de même préféré que son logement ne soit pas un hommage de la défunte.

Je redonne un coup d'œil vers la fenêtre pour essayer d'oublier les nombreuses photos de Bianca qui semblent soudainement m'appeler comme pour me rappeler que je suis l'intruse ici et que ce n'est pas ma place.

La neige commence à fondre. Nous passerons le réveillon de Noël sans poudreuse cette année. C'est dommage, bien que préférable pour toutes les personnes qui seront sur la route...

— Excuse-moi de parler d'elle encore une fois.

— C'est pas ta faute. C'est normal.

Je le pense réellement bien que ça me fasse mal.

— C'est pas grave.

Cette fois-ci, je ravale ma salive et une boule se forme dans mon ventre suite à mon mensonge.

— Et dis-moi alors, quelles sont tes autres passions ? demandé-je pour changer de sujet.

Il me fait signe de le suivre, ce que je fais dans le plus grand des silences.

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NOTE AUTEUR

Visite de la maison de Jales... Il semblerait que celui-ci ait encore plus de mal à guérir de la perte de Bianca qu'Annabelle n'aurait pu le penser.

Petit ami et Compagnie - Partie 1 (Terminée)Where stories live. Discover now