Partie 3 : la lettre

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Je me lève. Nouvelle journée. Le même rituel. La boîte. Une lettre sous le compartiment droit. Je veux la déchirer en milles morceaux... mais j'ai besoin de compagnie. J'enlève le cachet rouge, et je lis :

Chère Soledad,

Je vous ai entendu et je ne vous hais pas. Je sais ce que vous avez fait et je trouve cela terrible. Vous avez volé notre secret et vous vouliez le révéler à ceux qui sont comme vous.

Vous vouliez notre destruction, mais nous aussi nous avons une famille que nous aimons. Certes vous êtes seule, mais c'est pour votre bien, pour que vous ne puissiez retourner voir vos proches, et tout leur révéler. Trop de gens souffrirait, il faut nous comprendre. Nous ne nous amusons pas de votre malheur, je ne veux pas que vous le pensiez. Nous sommes des amis, nous ne voulons que votre bien, et celui du plus grand nombre.

N'ayez crainte tout cela sera fini bientôt, gardez espoir et surtout votre calme. Le châle est un de mes cadeaux, je suis votre ami. Je veille à ce que vous alliez bien. Ne cherchez pas à me répondre, je voulais juste vous réconforter, pour que vous arrêtiez de pleurez.

Bien à vous,

Votre Ami.

Je déchire la lettre en mille morceaux et la jette vers la caméra. Il est mon ami, bien sûr, un ami qui m'enferme et m'empêche de sentir le vent dans mes cheveux, la pluie sur mon visage, et la liberté partout autour de moi. Partout... La fenêtre. Le seul endroit qui me rappelle ma vie. Je regarde toujours au-dehors. Il ne pleut plus. Le soleil brille. Et je peux presque entendre le rire de ceux qui me pleuraient hier dans la chaude brise. Maintenant c'est moi qui pleure. Ils ont fait leur deuil. Moi pas. J'ai encore l'espoir de pouvoir réapparaître et que tout redevienne comme avant. Je suis tout à fait seule. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Il n'y a plus d'espoir, donc il n'y a plus de vie. Il est temps pour moi de partir. De disparaître.

Il m'a laissée un couteau pour une fois. Pour que je puisse étaler mon beurre correctement. Pour me faire plaisir. Je le prends, le regarde. Il a compris. J'entends un bruit nouveau dans ma captivité, une porte qui s'ouvre, chuintement puis grincement puis ouverture. Et je le vois. Il est seul. Alors plus rien autour de moi n'a de sens. Ses yeux, son nez, son visage, son coeur qui bat, tout s'efface. Il n'est qu'un pion, je fonce sur lui le couteau à la main. Je vise là où je peux lui faire mal. Mais il est plus fort, et je suis une prisonnière. Il attrape mon arme de fortune et la tourne vers moi. Les rôles ont changé, il peut me tuer maintenant. Alors j'arrête de me débattre et lui parle : «Tue-moi! Je ne compte plus pour personne, je ne sers plus à rien! Tue-moi !». Il me regarde. Je le regarde. Je n'ai plus peur de rien, je n'ai plus rien, à quoi bon lutter encore, c'est la seule issue possible. La cellule n'existe plus. Mon monde n'existe plus depuis longtemps mais je ne m'en rend compte que maintenant.

Je repense à ma vie, les fameux flash-backs des films. Ma vie n'aurait pas pu être un film avant ces jours. Je n'avais jamais rien accompli, je passais mon temps à me comparer aux autres, et finalement à perdre du temps. J'aurai pu réussir tant de choses, j'aurai pu être bien meilleure! Et voilà je n'étais même pas capable de trouver quelque chose de bien dans ma vie au moment de ma mort. Éternelle insatisfaite. Je crois que les gens retiendront cela de moi. Ou peut-être pas, puisqu'ils ne me connaissaient pas. Et puis, du fond de ma mémoire surgissent des images, des fragments de ma vie passée, des fragments de bonheur.

Je me souviens d'un jour de vacances d'été, il faisait chaud et nous avions passé la nuit à jouer dans le jardin à jouer mon frère, ma sœur et moi. Nous courrions et slalomions entre les nombreuses plantes et arbustes de ma mère. Nous faisions attention de ne rien approcher de trop près pour ne pas les endommager dans nos courses folles, et risquer d'être punis. Après nous être tant dépensés, ma mère nous offrit à chacun une clémentine. Nous les mangions quand pour je ne sais quelle raison, je me mis à rire aux éclats. C'était mon premier fou rire, je riais, et m'étranglais, et riais de plus belle. Mon frère et ma sœur se jetaient des regards interrogateurs, et finirent pas m'accompagner. Trois bambins riant à gorge déployée, trois clémentines, un fragment de bonheur.

C'est fini, et tout ce pour quoi je me suis toujours battue disparaîtra ce soir, je n'aurais rien accompli durant cette vie. Bonne nuit, me murmurent les voix, fais de beaux rêves.

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⏰ Last updated: Jan 09, 2017 ⏰

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Le secret de SolWhere stories live. Discover now