Chapitre neuf

1.2K 21 0
                                    

   Je débarquai à la gare Montparnasse, où la foule allait et venait comme le courant d'une rivière. Je ne suis jamais allée à Paris. La seule fois où j'y étais venue, c'était en voyage, dans le ventre de ma maman, et que j'avais décidé de sortir à ce moment-là. Je n'y suis jamais retournée depuis.

   En gros, je suis née à Paris. Dans cette ville où la grisaille est maîtresse des lieus. Ça tombe bien, le temps reflétait parfaitement mon état d'esprit : gris et nuageux. Je devais d'abord trouver quelque part où habiter pendant un temps indéfini. Il était tard, et je ne savais pas où aller.

   Je me frayais un chemin parmi la foule, et me cognai à nombreuses reprises. J'étais un peu perdue, et, dans ma précipitation, me cognai la cuisse contre un poteau. Mon sac de même. Sauf que j'entendis un bruit métallique à l'intérieur.

   Une fois que je réussis à m'extirper de la gare, je m'assis au sol et fouilla mon sac. Je sortis tout mes t-shirts, vidait mon sac sur le trottoir. J'eus droit à des regards surpris. Un jean tomba, et le même "cling" avec. J'enfonçais mes mains dans les poches, et enroula mes doigts autour de quelque chose de froid. Je sortis l'objet.

   C'était une clef.

   Une clef que je connaissais et qu'on m'avait confiée quand j'eus quatorze ans.

   La clef de la maison de ma grand-mère décédée.

   Mon cœur se serra. Ma grand-mère habitait justement à Paris. Un signe ? Un coup de chance ?

   Mamie, je sais que tu n'es pas très fière de ce que j'ai fais, j'en suis certaine. Mais je n'ai pas le choix. Tu sais la vérité, parce que de là-haut tu peux tout voir, mais moi je ne la connais pas, et je dois la connaître, même s'il me faut m'éloigner de ma famille pour ça.

   Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de pensées pour elle.

   J'appelai un taxi et lui indiqua l'adresse selon mes souvenirs. Je voyais les paysages parisiens défiler devant mes yeux. Je me retins d'éclater en sanglots.

   - Vous êtes pas un peu jeune pour v'nir seule ici ? me demanda le chauffeur.

   - Je n'ai pas eu le choix, soupirai-je.

   - Pourquoi ? Si c'est pas indiscret, mam'zelle...

   Pouvais-je me confier à un chauffeur de taxi que je ne connais pas ? Certainement pas. Ne faire confiance à personne.

   - C'est compliqué.

   - Ah ouais. Je connais ça, moi aussi.

   Il me lança un regard compatissant.

   - On est arrivé.

   Je le payai et partit.

   - Mam'zelle ?

   Je me retournai.

   - Bonne chance. Vous allez en avoir besoin.

   - Merci.

   Je ne m'étais pas trompée. C'était bien la maison, avec ses grands murs en béton blancs, le jardin abandonné, la balançoire rouillée et la vieille porte qui grince. J'étais heureuse de la retrouver.

   Je montais à l'étage. Ma chambre était telle quelle. Celle de mon frère et celle de mes parents aussi. Mes yeux se mouillèrent. Dans mon armoire, bon nombre de vêtements ne m'allaient plus, mais certains (à ma grande surprise) pouvaient encore faire l'affaire. Il y avait la chambre de ma grand-mère qui n'avait pas bougé non plus. Elle sentait la naphtaline, et les draps roses étaient poussiéreux mais intacts. J'adorais sauter sur son lit étant petite parce qu'il était plein de ressorts. Je refermais la porte. Je posais mes affaires dans ma chambre. Je me jetai sur le dos sur le lit, et un nuage de poussière s'envola. Je regardais les fines particules s'envoler en l'air.

EnergieWhere stories live. Discover now