Chapitre 3 : Être une sage-femme

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Zoey tapote mon épaule avant de ressortir de la pièce pour aller faire un tour dans la salle de soin pour le nouveau-né.

— T'es en retard Stewart, t'arranges pas ton cas.

Il est inutile que je réponde quoi que ce soit à ma supérieure, d'autant plus que je suis en tort et qu'il y a plus important à faire en ce moment même.

Je souffle un bon coup pour me donner la force d'affronter la situation. Le service de grossesse à haut risque est souvent plein depuis quelque temps et notre manque de place donne de plus en plus lieu à des situations d'urgences comme celle-ci.

Ma flemme précédente, mes problèmes personnels et ma fatigue du début de journée s'évaporent dès l'instant que mon devoir de sage-femme se met en marche. L'Annabelle maladroite et malchanceuse disparaît de la population pour laisser place à la professionnelle.

— OK, 520 ml. Hémorragie de la délivrance, déclare Patrick notre chirurgien gynécologue tandis qu'il réalise la révision utérine.

Avec ses cheveux grisonnants, ses lunettes et son air un peu pincé, au premier abord, on se dit qu'il ne doit pas être commode. Mais lorsqu'on le connaît un peu plus, on se rend compte qu'il est sympathique et plutôt aidant. Un peu comme Madison d'ailleurs. C'est peut-être parce que tous les deux sont dans le service depuis plus ou moins 15 ans ? Peut-être que je finirais comme eux dans quelques années.

— Pas de déchirure, continue-t-il.

Nous nous activons autour de lui tandis qu'il nous communique des informations sur la situation qu'il évalue avec calme et rapidité tel le bon médecin qu'il est.

— Nalador Annabelle, vite !

Une longue journée s'annonce et comme souvent, elle commence avec une bonne dose d'adrénaline, de quoi faire oublier des affaires ridicules telles que mon petit ami imaginaire toujours inscrit aux abonnés absents.

***

Lorsque j'arrive dans mon quartier le soir, ma fatigue physique et mentale est immense. Ma journée de dix heures a été forte en émotions. C'est toujours puissant de tenir la vie dans les mains et attendrissant d'être spectateur de l'amour de deux personnes. Mais c'est également épuisant, encore plus lorsque l'on est levé depuis six heures du matin.

Une fois garée devant mon garage, je sors de ma voiture en traînant des pieds et me dirige vers ma porte. À peine ai-je ouvert celle-ci que Happy me saute après. On pourrait croire qu'il est sur du deux-cent-vingt volts tellement il est content. Je lui donne quelques caresses puis l'amène dans le petit enclos que Max a fait il y a quelques années désormais, le temps pour moi d'aller faire une pause pipi. Une fois ma vessie libérée, bien que je sois fatiguée, je me force pour aller faire quelques pas avec lui.

Happy tire sur sa laisse, comme à chaque début de balade. Bien emmitouflée dans mon manteau et mon écharpe, car contrairement à la plupart des Canadiens, il s'avère que je suis une grande frileuse, je donne un coup d'œil à la maison voisine. J'ai tellement de souvenirs avec cette dernière...

La pancarte « à louer ou à vendre » a disparu. Savoir que bientôt, de nouvelles personnes habiteront ici me fait bizarre. C'est comme si on emportait mon enfance avec mon voisin et ami.

Désormais immobile et nostalgique, je regarde la porte, autrefois bleue, et me demande comment seront les nouveaux. J'espère qu'ils seront sympathiques et que ça finira comme avec la plupart de mes voisins : que l'on s'invitera mutuellement.

— Ta maman a encore géré au boulot, lancé-je soudainement à l'attention de mon chien qui m'ignore, trouvant le trajet bien plus intéressant que les répliques de sa maîtresse.

Quand je l'ai pris alors qu'il était encore chiot, je craignais que Happy s'ennuie seul à la maison. Mais ce dernier aime garder son domaine pendant mon absence. Puis depuis que j'ai mon chien, ma voisine Juliette vient lui rendre visite trois fois par jour pour s'assurer qu'il aille bien et pour le sortir. Évidemment, je la paie pour son service. Femme au foyer avec trois enfants, c'est pour elle un moyen de gagner un peu d'argent tout en restant disponible pour les sacripants. Je sais d'ailleurs que lorsqu'ils ne sont pas à l'école, ils suivent ma voisine chez moi et s'amusent avec mon chien.

Une bonne trentaine de minutes plus tard, nous avons un Happy satisfait de sa balade et qui a le ventre désormais bien rempli face à une Annabelle sur les rotules. Alors que mon chien, désormais couché dans sa panière, me tourne le dos bien trop occupé à rogner un de ses malheureux jouets, je m'installe sur mon vieux canapé. Certes, il est déchiré à quelques endroits, mais les couvertures colorées que je pose dessus camouflent les dégâts et le rendent unique.

Un soupir me gagne. Encore et toujours ce même problème d'Alexander absent ! C'est que ça en devient vraiment pesant tout ça, même si l'envoi du message d'Alice m'a permis de retrouver un peu le sourire et surtout de l'espoir durant quelques secondes.

Dans son texto, la jeune mariée m'a dit qu'un parmi les trois collègues dont elle m'avait parlé, Billy Hobs donc, acceptait une rencontre avec moi. J'ignore encore si elle lui a expliqué la situation ou bien si ce sera à moi de le faire, mais quoi qu'il en soit, nous devons nous voir mercredi après-midi, soit ma seule journée de repos de la semaine. Je ne m'étais pas imaginé passer celle-ci ainsi, mais je devrais faire avec les moyens du bord.

— Dans quoi est-ce que je m'embarque ? marmonné-je.

C'est comme si on venait de m'annoncer que j'allais faire une tonne de blind dates. C'est stressant et ça ne me plaît pas. Pourtant, je sais que je n'ai pas le choix. Le futur professionnel de mon père peut en dépendre.

Durant quelques secondes de panique totale, je songe aux sites de rencontre dont m'a parlé Max. Je dois reconnaître que je trouverais peut-être plus rapidement quelqu'un ainsi...

— Non, non et non !

Mauvaise, très mauvaise idée.

Bon, si je me souviens bien, Irina a parlé d'une soirée chez son meilleur ami cette semaine. Je crois que je vais lui dire que tout compte fait que je veux bien l'accompagner, ça me fera une chance supplémentaire de trouver Alexander. Plus il y aura de tentatives de rencontre en réel, plus j'aurais de chances de trouver quelqu'un.

Sans plus tarder, j'envoie mon SMS à Irina pour confirmer ma présence. Cette dernière me répond dans la minute qui suit. La soirée chez Isaac est prévue mercredi soir et je suis toujours la bienvenue. C'est parfait !

Après mon entrevue avec Billy, si cela ne marche pas, j'essaierais de faire connaissance avec les invités d'Isaac et avec un peu de chance, je tomberais peut-être sur une personne intéressante acceptant de me rendre le petit service que je demande. Une chose est sûre, c'est que ma journée de repos va être bien remplie.

Rassurée par la tournure que prennent les événements, je quitte mon salon pour la cuisine.

C'est bien, je vais trouver quelqu'un de façon basique : avec des rendez-vous entre collègues, des soirées avec mes amies ou au pire, la discothèque. Le net, ce sera vraiment en cas d'échec complet.

Satisfaite de mon programme pour la semaine, j'ouvre mon frigo rempli d'aimants en forme de fruits, le cœur bien plus léger.

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NOTE AUTEUR

Nous découvrons un peu le métier d'Annabelle. Eh oui, notre boulette sur pattes est sage-femme ! Que pensez-vous de ses amies ? Certes, elles n'ont pas été très présentes, mais vous avez peut-être déjà un avis les concernant ?

Petit ami et Compagnie - Partie 1 (Terminée)Where stories live. Discover now