Chapitre 7 - Une idée noire

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10h.

Revigopause.

Dix minutes : boire une énergisante, prendre une pills selon les prescriptions, grignoter quelque chose, du sucre, de l'énergie.

12h30.

Déjeuner.

Trente minutes : recevoir le plateau repas à son bureau, mâcher, avaler, manger. Souffler entre les bouchées. Être aspiré par la publicité qui s'affiche sur les écrans :

" Terminées les doses à répétition pour se maintenir éveillé ! Les principes actifs des pills Kodalyne éclaireront vos sens même dans l'obscurité. Passez un bon repas avec Kodalyne, le rehausseur de goût pour sublimer la vie. Le déjeuner vous est donné par les usines Perficus, les producteurs de bonheur. Bon appétit, citoyens. "

Une canette d'énergisante à la bouche, Amandine s'est stoppée net au passage de l'annonce publicitaire. Une fois son écran de veille réapparu, elle déglutit. L'aigreur du liquide verdâtre anesthésie ses papilles. Elle grimace et se demande à quoi sert la bande textuelle qui défilait en bas de l'écran, en tout petit. Personne ne doit lire : "Test clinique réalisé en laboratoire sur 10 citoyens. Ne pas prendre avant 16 cycles. Ne pas coupler à d'autres prescriptions. Lire attentivement la notice. Risque d'effets secondaires. Parlez-en à votre marchand de rêves." Qui irait prendre des pills après un message pareil ?

Amandine n'a jamais touché à ce type d'artifices. Parfois, elle boit une énergisante, comme ce midi. Devant le plateau livré à son bureau, elle réfléchit. Depuis sa prise de fonction, le rythme de travail a gagné en célérité. Elle prend conscience du phénomène, en perçoit les ramifications. Les pills étant de meilleure qualité, le département est devenu globalement plus productif. Pour tenir la cadence, elle boit une boisson tonifiante lorsqu'elle se sent fatiguée, sans mesurer qu'elle est prise dans le mouvement général. Non pas que quelqu'un au-dessus impose quoi que ce soit, mais comme autour tout va plus vite, on se contraint de nager à la même vitesse.

Aujourd'hui, elle est lasse, lasse de tout ça, lasse de cette journée semblable à toutes les autres, lasse de se sentir prise dans ce tourbillon. La fatigue lui fait boire une énergisante, une boisson qu'elle déteste pourtant.

Le serpent se mord la queue.

Sur la canette, elle lit : "Cola-Green-Bull : Goûte le bonheur et ouvre tes ailes". Elle pense à ce bonheur qui a un goût étrange de sucré et d'amertume acidulée. Avant que la langue ne soit anesthésiée par l'acide citrique, on peut percevoir un mélange synthétique de cannelle et de vanille, mais aussi de thé vert, dont le colorant donne cette couleur verdâtre à la boisson. Amandine préfère finalement ne pas penser au slogan, elle préfère ne penser à rien et elle déglutit une nouvelle gorgée de la boisson revitalisante.

13h.

En y réfléchissant, ce n'est pas tant la cadence qui épuise Amandine, plutôt le bruit et le mouvement incessant qu'il y a dans cette salle, immense, une collection de 49 cols blancs en plus d'Amandine. Ici, 50 chemises s'occupent de la zonagri B7. Dans une salle adjacente, 50 autres chemises blanches pour la zonagri B8, tout l'étage du centre des protocoles s'occupe des protocoles pour les douze secteurs de la zone B. L'étage du dessus, c'est les secteurs de la zone A, à l'étage en dessous : la zone C. Aux étages supérieurs, on gère la mécanique du Dôme. Aux niveaux inférieurs, on gère l'industrie. Chaque service est en charge d'une usine de production, et se divise en microservices pour chaque type de machine. On ne saurait vraiment dire combien de services pour combien de machines se trouvaient sous le Dôme, mais ce qui est sûr, c'est qu'il y en avait énormément.

Une nuit parmi les étoiles [Roman]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant