Angélique manqua s'étouffer de rage. Comment ?! Elle s'en doutait ?! Mais bien sûr, cela ne l'empêchait pas de batifoler avec lui, et de l'embrasser, voire de le mettre dans sa couche ! Quelle garce hypocrite ! Elle se contrôla avec difficultés, faisant mine de chercher un mouchoir dans ses manches pour lui dissimuler son expression. Puis, elle releva la tête vers la blonde en essuyant ses larmes :

« - Ce n'est rien, Ambre. Personne ne pouvait se douter que... »

Elle fit se briser sa voix, et aussitôt, l'autre jeune femme posa une main sur la sienne :

« - Calmez-vous, Angélique. Reposez-vous, vous devez être épuisée.

- Vous avez raison... Je suis exténuée. Merci, mon amie. »

Elle n'avait aucun scrupule à manipuler ainsi la Spencer-Brown. Toute son humanité avait disparu dès l'instant où elle avait surpris les deux amants ensemble, dès l'instant où elle avait eu le cœur brisé.

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Elles s'arrêtèrent dans une sorte d'auberge très bien fréquentée, où Angélique put feindre un mal de tête pour rester silencieuse. Cependant, attablée devant un plat chaud, elle remarqua qu'un domestique la fixait en se croyant discret. Ambre étant partie « se repoudrer le nez », elle put héler librement le serveur. Celui-ci, une rougeur aux joues, se rapprocha d'elle :

« - Oui, madame ? Que désirez-vous ?

- Ai-je une tâche sur le visage ? »

Il se troubla en entendant cette question, et l'examina à la dérobée :

« - Non, madame. Vous n'avez rien.

- Dans ce cas, pourquoi me regardez-vous depuis que je suis arrivée ici ? »

Le jeune homme rougit violemment, balbutiant quelque chose d'incompréhensible. Elle eut un sourire amusé :

« - Non pas que cela me dérange, mais... Essayez d'être un peu plus discret. »

Stupéfait qu'elle ne se soit pas plainte, il la contempla en silence, ses yeux noirs glissant sur son visage parfait, la courbe de sa gorge, et sa taille. Il déglutit difficilement, puis acquiesça, et disparut en coup de vent. Angélique eut un sourire malicieux, qu'elle camoufla bien vite lorsqu'elle vit l'autre blonde revenir à leur table. Aussitôt, elle baissa les yeux sur sa soupe, feignant d'être perdue dans ses pensées. Lorsque la Spencer-Brown s'assit, elle fit mine de sursauter, et afficha un sourire contrit :

« - Je me sens fatiguée. Je monte dans ma chambre. Je suis vraiment navrée de vous abandonner ainsi, mais...

- Oh, ce n'est rien, Angélique. Je vous comprends, ne vous en faîtes pas. »

Cela, elle n'en était pas sûre. Mais elle comprendrait bien assez tôt ce que c'était de découvrir l'homme qu'elle aimait aux bras d'une autre femme.

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Elle passa une nuit affreuse. La couche sur laquelle elle était couchée était trop molle, et l'empêchait de trouver une position confortable. De plus, Angélique ne cessait de repenser à Dakota. A quel moment s'était-elle éprise de lui ? Elle ne pouvait le dire, et s'en voulait d'avoir été aussi vulnérable. Si elle avait surpris un autre de ses amants avec une femme, cela ne l'aurait certainement pas autant ébranlée. Qu'est-ce qu'elle avait été stupide !

Elle se tourna sur sa couche, réfléchissant à tous les détails de son plan de vengeance. Elle devrait tout d'abord gagner la confiance de ce Nathaniel Spencer-Brown. Mais pour cela, elle devait en apprendre un peu plus sur lui. Jusqu'ici, elle savait uniquement qu'il dessinait, qu'il peignait beaucoup, et qu'il n'aimait pas la ville. La blonde allait devoir s'arranger pour savoir ce qu'il aimait lire, ses principaux sujets de conversations, ses goûts et ses passions. Mais elle ne doutait pas un instant qu'il soit facile à manipuler.

En revanche, ça allait être différent avec le fiancé d'Ambre, Castiel Somerset. D'après ce qu'elle avait entendu de lui, il était diamétralement opposé à Nathaniel. Donc, elle devrait s'arranger pour jouer les innocentes émoustillées en sa présence, tout en ne compromettant pas son histoire avec le frère de cette traîtresse d'Ambre. Mais bon, elle allait y arriver. Après tout, elle était Angélique de Turenne, et elle avait manipulé bien plus difficile que deux hommes dans sa vie.

Rien que le fait d'y penser l'épuisait, et elle sombra bientôt dans un sommeil agité.

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Le lendemain, tandis que la calèche cahotait, Angélique interrogea l'autre blonde d'un ton dégagé :

« - Comment est votre frère ? »

Si Ambre parut surprise de cette question, elle n'en montra rien :

« - Oh... Insignifiant. Il ne se préoccupe que de ses dessins, de ses tableaux. Si vous saviez à quel point sa conversation est monotone ! Il ne parle que de tel arbre magnifique à dessiner, de telle lumière qui fait apparemment une différence, et... Oh, qu'il m'ennuie ! »

La blonde réprima un sourire, qu'elle camoufla sous un air attristé :

« - Eh bien, votre enfance n'a pas dû être bien gaie, ma pauvre...

- Oh, vous savez, mes parents étaient là pour me tenir compagnie, ou sinon les domestiques, alors... Mon frère dessinait, et je jouais à trouver ses dessins, et à les cacher pour qu'il les cherche. »

Ambre eut un rire de gorge absolument horripilant, et reprit sur le ton de la confidence, les joues rosies :

« - Lors de ma première fois avec un homme, mon frère, pourtant plus âgé de trois ans, est entré dans ma chambre sans prévenir, et si vous aviez vu sa tête ! On aurait dit qu'il découvrait le corps d'une femme ! Oh, comment c'était désopilant ! »

Angélique se força à rire, songeant qu'un tel homme devrait être bien facile à manipuler. Sauf s'il forgé une image des femmes par rapport au comportement de sa sœur. Dans ce cas-là, l'affaire allait être plus délicate. Mais elle réussirait.

Ambre continua à babiller, sans se rendre compte que son « amie » était perdue dans ses pensées vengeresses. La jeune de Turenne attendait avec impatience l'instant où elle verrait dans les yeux de sa rivale toute sa vie, son estime de soi, et l'amour qu'elle portait à son fiancé, se briser, pour n'être remplacé que par une immense tristesse, et de la compréhension.


Jamais cela n'aurait dû aller aussi loin... (Amour Sucré)Where stories live. Discover now