Je cale ensuite mon appareil sur cet arbre, pour prendre des photos avec le retardateur. Nous sommes les aventuriers intrépides ayant vaincus le mont Sulphur !

Au sommet, il y a un également un magasin, je demande le prix d'un gros yaourt avec des fruits et des céréales. Le vendeur cherche un moment avant de me dire que c'est gratuit car périmé depuis la veille. J'en prends donc deux, me pose avec Gaspard et Anne Charlotte et commence à manger. C'est l'occasion de bien parler avec eux. En définitive, les moments où nous ne sommes pas tous les 5 sont très rares, et ces moments privilégiés nous permettent d'évoquer de nouveaux sujets.

Nous allons ensuite un peu plus loin, sur une plateforme d'où l'on voit parfaitement le paysage. C'est à couper le souffle. Devant nous, un horizon de montagnes de nuages et de lacs. C'est splendide.

Je fais quelques tests avec mon appareil en mettant notamment la mise au point « manuelle »

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Je fais quelques tests avec mon appareil en mettant notamment la mise au point « manuelle ». J'arrive ainsi à prendre Anne Charlotte en photo sur le côté, avec un paysage en arrière-plan, tout en mettant la netteté sur son visage. En prenant ce cliché, l'observant avec son bonnet deux idées saugrenues me viennent en tête. Je me demande d'abord comment elle a fait sa valise : à quel moment elle a pu se dire qu'il fallait prendre un bonnet, mais se contenter d'un sac de couchage 15° ? Cette réflexion me fait sourire, Anne Charlotte prépare vraiment sont voyage au dernier moment. La seconde chose qui me vient en tête – curieusement- c'est que je me dis que ça lui irait très bien de se raser la tête d'un côté du visage. J'ai une amie qui l'a fait, et j'aime vraiment beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je pense à ça, mais je lui dis.

Etre en haut de ce mont, avec deux amis qui te sont chers, regardant de concert les vastes paysages de l'horizon lointain... Un brin de nostalgie s'empare de moi... Ce sera notre dernier point de vue, et au-delà de celui-ci, nous regardons nos projets, notre futur, nos doutes aussi. J'écoute attentivement les projets de mes deux amis, ils sont passionnés et passionnants. Au fond de moi, je ne peux m'empêcher de me répéter que je vis sans but, que ma vie est absurde et n'a pas de sens. J'aimerais parfois être passionné. En moi résonne à ce moment des bribes d'un morceau fascinant de Léo Ferré :

Quand tu rentreras chez toi
Pourquoi chez toi?
Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d'Alésia ou du Faubourg
Si tu trouves quelqu'un qui dort dans ton lit,
Si tu y trouves quelqu'un qui dort
Alors va-t-en, dans le matin clairet
Seul
Te marie pas
Si c'est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée
[...]

Il n'y a plus rien

Apprends donc à te coucher tout nu!
Fous en l'air tes pantoufles!
Renverse tes chaises!
Mange debout!
Assois-toi sur des tonnes d'inconvenances et montre-toi à la fenêtre en gueulant des gueulantes de principe

Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une habituelle révolte, alors,
Sors
Marche
Crève
Baise
Aime enfin les arbres, les bêtes et détourne-toi du conforme et de l'inconforme
Lâche ces notions, si ce sont des notions
Rien ne vaut la peine de rien

Il n'y a plus rien... plus, plus rien

Nous descendons ensuite, direction les bains de Banff. Banff possède en effet des sources thermales. L'eau est à 40°, c'est très agréable. Lisa et Nicolas nous ayant retrouvé, c'est l'occasion pour nous de débriefer sur les vacances, et de parler de nos projets. Il y a le Pérou avec Anne Charlotte, cela me donne vraiment envie. Nicolas ensuite, on parle un moment de nos projets communs. Il va demander une mutation à Lyon, s'il ne l'obtient pas, alors il sera prêt à partir en voyage, longtemps. Il me demande de m'engager personnellement « es-tu sûr de partir avec moi si je quitte mon boulot ? » me dit-il ? Je lui promets de tout clarifier en rentrant, et de pouvoir lui donner une réponse définitive très rapidement. Nous nous amusons à sortir de l'eau, nous doucher à l'eau froide, avant de retourner dans l'eau chaude.

Nous partons à Calgary. 1h30 de route et déjà de la mélancolie plein la tête. C'est la fin, et c'était tellement bien ! Sur le chemin nous cherchons une auberge de jeunesse dans le guide du routard. Deux sont indiquées : celle de notre premier jour, ainsi qu'une autre « wicked hostel ». « Wicked » signifie malfaisant, mais dans le langage courant cela veut aussi dire « super » ou « génial ». Le routard le décrit comme un endroit un peu fou et chaleureux, où les employés n'hésitent pas à se mêler aux clients pour boire des coups ou faire la fête. Nous choisissons d'y tenter notre chance !

Il y a de la place, pas de problème. Un jeune employé, très sympa, nous indique les adresses des lieux pour manger ou sortir en ville. Il faut aller jusqu'à la 17ème avenue. Nous marchons longtemps sans trouver d'endroit nous tentant, avant de nous arrêter face à un fast food spécialisé en poutine, il y en a même des végétariens et d'autres sans gluten ! On se régale mais c'est vraiment lourd et gras, ce ne sera pas facile à digérer. Je me dis vraiment qu'en France, je reprendrai un régime alimentaire diététique ! Je remarque un grand pot en verre, avec des œufs durs dans du vinaigre, je me dis que c'est une bonne idée.

Nous rentrons ensuite à l'auberge. Nous écrivons nos cartes postales, nous sommes vraiment crevés. Nous chuchotons pour ne réveiller personne, cela fait beaucoup rire le gestionnaire du lieu « vous avez le droit de parler » nous dit-il « je me méfie des tarés australiens, mais vous les français vous pouvez discuter ! ». C'est un homme un peu vieux, avec un tee-shirt rouge et un bonnet mal ajusté sur sa tête. Son visage, son sourire, son intonation lui donne immédiatement énormément de sympathie.

Nous faisons pour Mathieu Pereira une carte très particulière. Il s'agit en fait d'un puzzle. Je détache les pièces une à une et les passe tour à tour à mes amis. Ils doivent se servir du dernier mot écrit pour continuer la lettre. Le rendu final est absurde mais très amusant. Je pense que Mathieu sera content.

Finalement nous allons dormir. Je suis presque déçu d'avoir un matelas... Elle n'a pas tort Lisa, c'est quand même cool la nature. Et je me dis aussi que j'aurais bien attendu le retour en France pour retrouver mon lit, mon magnifique lit dont j'ai rêvé tant de fois ici...

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