10 Ans Plus Tard

Chapitre 15

Dans la limousine qui les emmenait tous deux vers la splendide avenue Bosquet, le silence n'était troublé que par les bruits de circulation environnants.

La conversation lors de l'arrivée de Louis à l'hôpital Larboisière s'était résumée à un échange des plus laconiques, celui-ci se contentant de s'enquérir de la santé du blessé, et s'il se sentait en était de quitter l'hôpital.

Harry avait alors parlé à Louis de sa condition supplémentaire pour accepter son offre, et ce dernier s'était contenté de lui répondre qu'elle lui était accordé d'office, quelle qu'elle soit, et qu'ils en parleraient plus amplement chez lui.

Harry avait ensuite sagement écoué les conseils du médecin, celui-ci lui recommandant du repos et pas de mouvements trop violents pendant trois semaines.

Lorsque l'ancien hockeyeur lui avait demandé sans se démonter qu'il pourrait pratiquer le sexe, Louis avait failli s'étrangler en avalant sa salive trop brusquement, et le docteur en était resté interloqué, avant de répondre que ce genre d'activité vigoureuse devrait être mise de côté pendant quelques jours encore, le temps de consolider ses côtes.

Depuis, un silence incertain et tendu régnait entre eux.

Mais Harry se demandait comment diable il allait pouvoir honorer sa part du marché s'il n'était pas capable d'avoir des rapports charnels. Il se souciait beaucoup de ne pas être en mesure d'assumer son rôle, car s'il y avait bien une chose qu'on ne pouvait pas lui reprocher, c'était de ne pas payer ses dettes. Louis allait le loger, le nourrir, lui permettre de se rétablir en toute sécurité, lui demandant juste en contrepartie... son corps. Ce qu'il était habitué à vendre depuis des années... Certes, son compagnon voyait bien que son était ne lui permettrait pas, pour le moment, de remplir ses obligations, mais combien de temps serait-il prêt à l'attendre avant de dénoncer leur contrat?

Louis n'avait, quand à lui, fait aucune remarque, aussi Harry décida-t-il de ne pas être le premier à aborder cet épineux sujet, tant il craignait une discussion que relancerait potentiellement leur rancune mutuelle et dégénérerait en bataille rangée.

L'ex-sportif se plongea dans la contemplation de Paris. Il était tombé amoureux de cette ville il y avait bien longtemps, alors qu'il était venu disputer un match ici. Lorsqu'il s'était retrouvé sur le carreau, le peu d'argent qu'il lui restait avait servi à financer son voyage dans la capitale française. Ici, il avait voulu tout recommencer. Ironiquement, c'était Paris qui l'avait vu plonger au fond du gouffre.

Mais c'était ici qu'il avait rencontré Niall, et rien que pour ça, il ne parvenait pas à haïr cette ville éblouissante.

L'avenue Bosquet n'avait rien de comparable avec les rues de Pigalle, et cette disparité au sein d'une même agglomération ne laissait pas de l'étonner. Ici, pas de professionnels du sexe pour vous accoster hardiment, mais à la place, de somptueuses et anciennes demeures et hôtels particuliers.

Harry eut un sourire amer. Cela faisait bien des années qu'il ne côtoyait plus ce monde-là. Il ne lui avait amené que des problèmes. Et voila que pourtant, il y revenait par la grande porte. Et par le biais de son ancien souffre-douleur.

Rien de bon ne pouvait sortir de tout ça. Mais il devait rembourser sa note à Louis, et il ne pensait pas seulement à l'argent, mais aussi à toutes ces années de brimades et de bêtise, et surtout à ce viol -il pouvait bien l'admettre, maintenant!- dans ces maudits vestiaires, une éternité auparavant.

Il allait expier ses crimes, et quand tout serait fini, que Louis serait retourné à sa vie, Harry, lui, aurait toujours ses souvenirs. Il allait se comporter en professionnel, et tenter dans la mesure du possible de ne pas laisser son cœur trop s'impliquer. Il essayait tant bien que mal de se convaincre, mais il n'avait jamais été vraiment doué pour se mentir à lui-même autant qu'aux autres.