Crie mon nom

01.

London.

***

– Une formule Américain avec sauce barbecue et Ice-tea steuplait, je demande toute sourire à (ce connard de) Mohamed.
– Il manque un euro et quarante-cinq centimes mademoiselle, il me dit, agacé.
– C'est sérieux quand tu m'appelles mademoiselle en mode on s'connait pas là Moha ? Allez fais pas ton relou, je te les apporterait la prochaine fois, promis !
– London, il dit en soufflant, moi j'suis pas Abdel, reviens quand t'auras c'qui te manque.

Et merde... J'ai décrété avoir été bénie des Dieux le jour où deux frères Algérino-Libanais de cinquante et cinquante-trois ans ont eu la bonne idée d'ouvrir un kebab juste au bout de la rue d'en bas de chez moi. Le plus cool étant Abdel, et le plus chiant... Mohamed. Autant avouez que j'me suis très vite endettée là-bas, en même temps, Abdel est adorablement tombé amoureux de moi (dans le sens où j'pourrais être sa fille adoptive, évidemment), c'est l'premier à me faire les canettes grattos et les cookies moitié prix alors quand c'est la galère pour rassembler les centimes, il est là pour fermer les yeux... Mais ce soir, cette salope de chance a tournée partout sauf en ma faveur, parce que c'est Moha qui est seul de service pour mon plus grand malheur. J'dois jouer la carte de la désespérance sinon j'peux dire adieu à mon Américain...

– Ok. Vas-y tu sais quoi laisse tomber. Laisse moi crever de faim parce que j'ai plus rien à daba chez moi, qu'à cette heure ci on trouve plus aucun supermarché open parce que vous êtes le seul kebab de la ville a toujours être ouvert à deux heures du mat' et que t'es qu'un cinquantenaire sans cœur prêt à laisser sa plus fidèle cliente clamser pour un putain d'euro et quarante-cinq malheureux centimes !, je lui balance sur le ton le plus dramatique que mes cordes vocales puissent m'offrir.

– T'as fini ? Il répond insensible.
– Hein ? N-non ! Je bégaye face à tant d'insolence.

Je m'apprêtais à pousser l'vice plus loin mais j'avoue que j'ai buggé quand j'ai vu la pièce de deux euros qui venait de se poser sur le comptoir. Quelqu'un a donc entendu mes prières ?

– Vas-y Moha, c'est au calme, j'entends derrière moi.

Mohamed récupère la pièce en toisant du regard ce qui semblait être un homme derriere moi. Je fais enfin un volte-face vers l'âme charitable qui a bien voulu m'sortir de ma merde, non pas qu'j'étais complètement désespérée non plus, j'aurais carrément pu opter pour des pâtes au beurre mais... OH, PUTAIN, DE, MERDE. C'est certainement là que je regrette à mort d'avoir eu l'audace de descendre en claquettes, vieux jogging Adidas (qui moule même pas parce qu'en 2009 la mode mettait à l'honneur les baggy), et pull dont la tâche de sauce tomate n'est toujours pas partie. À quel moment j'pouvait savoir que le fils caché de Depp et de DiCaprio se pointerait à mon kebab ? Juste là, la mâchoire tellement carré que t'es sûre de t'écorcher si t'as le malheur de lui claquer la bise. Le visage d'un fils à papa et la dégaine d'un mec du 94, du haut de ses AM90 et de son ensemble de la Juventus ce mec est la définition parfaite d' "avoir le cul entre deux chaises" j'crois bien... Mais on lui en veut pas parce que holly shit, qu'est ce qu'il est canon.

– Euh, merci c'est gentil, je me surprend en arrivant à jacter.
– Merci de quoi ?

Alzheimer ? Déjà ? T'avais pourtant l'air d'avoir la vingtaine coco, c'est dommage.

– Bah-de-m'avoir-permis-d'acheter-mon-Américain, je dis en arquant un sourcil.
– Il rit et poursuit, ah non on s'est pas compris, j'compte bien en graille la moitié en fait, il finit par dire.
– *rires* Quoi ?
– J'suis autant ta roue d'secours que t'es la mienne, il dit en saisissant le sandwich que lui avait préalablement servi Moha, et en y mordant le premier.

Il me le tant un sourire malicieux floqué sur le visage pour que je croque à mon tour et God, je jure avoir entendu mon cœur se brisé à l'instant même où sa magnifique bouche a mordu dedans.

– C'est archi mort, pourquoi t'as fais ça ?! Je hurle presque pendant qu'il se retient de rire. Et puis t'es qui au juste, hein ? Le p'tit babtou égaré qui s'prend pour un renoi ? Retourne dans le seizième gros, ce rôle que tu t'donnes te va pas aussi bien que ce survet'.

Alors que je m'attendais à ce que mes paroles remplies de haine le démontent, il fait une moue faussement choquée en portant sa main à sa poitrine comme si ça l'avait touché et éclate enfin de rire. Et je reste plantée là, comme une vielle merde, les yeux écarquillés face à son jemenbatlescouillisme.
Oh et puis merde, tant pis pour l'Américain il est pas trop tard pour les pâtes au beurre. Je fusille une dernière fois le white chick du regard avant de tourner les talons pour rejoindre mon appart'.

– Te casses pas bébé ! On avait dit qu'on partageait putain ! Il cri mort de rire pendant que mon majeur le salue comme il se doit.

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