22. Poison

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Bonne lecture !

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Il fait lentement virevolter sa chevalière autour de son doigt. Chaque tour fait monter en lui une sensation de joie pure. Ses instruments sont prêts à l'emploi, sa mise en scène parfaitement rodée. Il est le maître du jeu, il est le roi. Il peut obtenir tout ce qu'il désire. Plus que quiconque, il connaît les vertus de la peur.

Après de longues minutes passées à contempler la rue londonienne, il finit par entendre des vociférations. Un rictus tord ses lèvres. Avec des gestes d'une infinie douceur, Dragan de Bérily remplit deux coupes de vin. Le liquide empourpré le fait sourire. Bientôt, il aura sa gloire.

Son neveu fait entrer la gamine dans le bureau, la pousse dans un siège et lie ses mains aux accoudoirs. Vêtue d'une longue robe bleue et fluide, elle frémit lorsque son regard croise celui de l'aristocrate.

— Vous ne pouvez rien me faire.

— Vraiment ?

— Ce n'est pas en me torturant, ou qu'en sais-je, que vous obtiendrez quelque chose de moi.

— Oh, mais c'est pourtant ce qu'il va se passer, très chère, sourit-il en fermant les portes de la pièce.

Tout en tendant un des verres à Charles, il note avec satisfaction l'inquiétude qui se lit sur le visage de Victoire.

— Ce n'est plus qu'une question de temps, mon oncle, fait son neveu en acceptant la coupe. Elle finira par se faire une raison.

— Ton but était de la convaincre. Au lieu de cela, tu l'as dressée contre moi.

Charles jette un coup d'œil vers Victoire. Ligotée dans son fauteuil, elle lui renvoie un regard assassin.

— J'en suis désolé. Ce n'était pas mon intention.

Un sourire illumine le visage de l'aristocrate.

— Évidemment, évidemment. Toujours est-il que tu me déçois. Profondément.

Le masque impassible du Mercenaire se décompose. Il prend une pénible inspiration.

— Mon oncle...

— Mais tu auras largement la possibilité de rattraper tes erreurs dans quelques instants. Mon triomphe adviendra bien plus tôt que tu ne le penses. Buvons à ma gloire, Charles.

Le breuvage rouge sang se glisse entre ses lèvres. Il fixe son neveu avec une intensité nouvelle.

Une seule gorgée devrait suffire. Dragran déambule dans la pièce, son anneau sigillaire tournoyant à son annulaire. Son neveu le dévisage, interdit.

Puis la coupe que Charles tenait en main se fracasse au sol, s'échappant de ses doigts tremblants qu'il porte lentement à sa gorge.

Lorsque ses yeux brûlants et terrifiés accrochent ceux de son oncle, celui-ci parvint sans peine à imaginer le froid qui l'habite.

— Mon oncle, fait-il en un souffle rauque.

Ses jambes cèdent, ses genoux heurtent le sol. Derrière lui, la gamine hurle quelque chose. Sans doute le supplie-t-il d'arrêter. Mais il ne le veut. Il est le maître.

Charles est livide, secoué de spasmes. Ses ongles griffent le sol de bois sombre. L'aristocrate soutient son regard injecté de sang.

— ... vous... prie...

Un hurlement de souffrance jaillit de son être. Dragan ne sait que trop bien le supplice à lequel son corps est soumis. Ce poison, c'est lui qui l'a savamment mis au point.

Il s'approche de Charles, qui éclate en sanglots, comme un enfant. D'un lent mouvement, il sort une fiole de la poche de son gilet de velours.

Son neveu tend une main désespérée vers lui, mais il maintient l'ampoule hors de portée, toute son attention désormais focalisée sur la fille en larmes.

— Alors, Victoire ? Pensais-tu vraiment que je ne pouvais pas te faire souffrir ?

Elle tente de se jeter sur lui, mais les liens la retiennent trop fermement.

— Vois-tu ce flacon que je tiens, très chère ? Il s'agit d'un antidote.

À la manière brusque dont elle pâlit, il devine qu'elle a compris les règles du jeu. Elle est définitivement plus intelligente que Charles.

— Jure-moi de me donner les plans. Ou cette fiole pourrait malencontreusement se fracasser au sol.

— Peu m'importe qu'il meure.

— Oh non, je ne crois pas, petite fille. Tu l'aimes. Je le sais.

Elle semble réunir tout son courage pour réussir à répliquer.

— Peu m'importe qu'il meure, répète-elle d'une voix tremblante. Il m'a livré à vous. Il ne mérite rien d'autre.

Malgré ses assertions, il n'ignore pas qu'elle est terrifiée à l'idée de perdre son cher Mercenaire. Charles pousse un gémissement.

— Vi...

Dragan de Bérily jette un regard méprisant au corps recroquevillé au sol, et range l'antidote.

Les yeux de Victoire s'écarquillent.

— Non ! S'il vous plaît !

— Promets-moi de m'offrir les plans plutôt que de me supplier, très chère.

Elle est perdue, elle est brisée. Des larmes roulent sur ses joues.

Charles se convulse à terre, en poussant des cris à glacer le sang. Dragan s'accroupit près de lui et pose sa main sur sa joue, puis sur sa poitrine. Il ne tressaille même pas lorsqu'il croise le regard presque vitreux de son neveu.

Je vous en supplie, articule silencieusement ses lèvres blanchâtres.

— Sa peau est glacée. Son cœur bat faiblement. Dans une minute, toute vie aura quitté son corps. Tu devrais te décider vite.

Victoire ferme les yeux une poignée de secondes.

— Je ferai tout ce que vous voudrez.

— Quelle sage décision.

D'un geste, il ordonne au garde posté à l'entrée de la pièce de raccompagner la fille à sa chambre.

— Attendez ! s'écrie-t-elle.

— Oui, très chère ?

— Donnez-lui cet antidote. Maintenant.

Il s'incline en une parodie de révérence, un sourire railleur aux lèvres.

Sors le flacon de sa poche.

Ouvre les doigts.

Il se délecte de l'horreur qui bouleverse les traits de la jeune fille au moment où la fiole se brise sur le parquet.

Engrenages Pourpres [Terminé - En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant