25. Subterfuge

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Victoire sentit un sentiment de joie pure enfler dans sa poitrine. Elle tenait sa chance, et c'était presque trop beau pour être réel. Elle refit du mieux qu'elle le put son corset délacé, et s'approcha de la porte. D'une main tremblante, elle abaissa la poignée. Le silence qui régnait dans le couloir la grisait et l'effrayait en même temps.

Les premiers pas furent les plus difficiles. Chaque fois que son pied touchait le sol, Victoire sentait l'angoisse l'étreindre. Si quelqu'un venait à passer à cet instant... Elle prit une profonde inspiration. Non. Personne ne lui ferait rien. Ni Charles, ni son oncle. Parce que les plans d'une invention redoutable étaient dissimulés au fond de son esprit, elle était intouchable.

Elle se mit à avancer, frémissante d'espoir et de peur.

Comme un funambule avance sur un fil, elle rejoignit le grand escalier de marbre. Ses doigts s'accrochèrent à la rampe tandis qu'elle descendit les marches d'une démarche vacillante. Elle écoutait le moindre son avec une attention accrue. La subtile répercussion de ses pas, la conversation de deux ou trois domestiques dans une pièce du premier étage, le froissement du tissu de sa robe, sa respiration de plus en plus saccadée.

Le bruit d'une porte qui s'ouvre à l'étage qu'elle venait de quitter. Elle accéléra, faillit glisser sur une marche, se rattrapant de justesse à la balustrade de fer forgé. Enfin, les dorures et les miroirs du hall d'entrée lui apparurent.

Elle jeta un coup d'œil furtif vers le couloir qui partait à gauche de l'escalier et qui desservait des salles dont elle ignorait la fonction. Puis son regard se riva à la porte d'entrée.

Jamais elle ne s'était sentie aussi heureuse. Aussi proche de la liberté.

Victoire manqua de s'évanouir de soulagement lorsqu'elle se glissa à l'extérieur.

***

Charles errait dans les rues londoniennes. Il n'était pas perdu, il ignorait simplement où aller. Si son intention avait été de s'échapper un instant de cette maison, il réalisait à présent que cela avait été une erreur. Les effets du poison circulaient toujours dans son corps, et, s'ils n'étaient plus mortels, le Mercenaire se sentait faible.

Il se fondit dans la foule. Malgré son teint extrêmement pâle et ses mouvements tremblants, des années de pratique lui permettait de passer relativement inaperçu. Il observait les passants et l'agitation des artères noires de monde. Lorsqu'il était plus jeune, il adorait flâner ainsi dans les rues, contempler la vie autour de lui.

Il ressentait un attachement particulier pour cette ville. Peut-être car elle avait été son salut, tandis que son oncle l'avait recueillit. Durant la première année de son apprentissage, il avait vécu à Londres avec son maître, dans une chambre toute simple, loin des frasques et du marbre du pavillon de Dragan. À quelques rues de là, il avait accompli son premier contrat. Il sourit amèrement en se disant qu'il y achèverait sans doute son dernier.

À cette pensée, son cœur cessa de battre. Un vertige le saisit, et il dut agripper un réverbère pour ne pas s'effondrer.

Victoire. Il l'avait laissé seule.

Il n'était pas certain que la jeune fille ose s'enfuir. Mais si son oncle se rendait compte de la monumentale bêtise qu'il venait de commettre... Bon sang, comment avait-il pu se montrer aussi peu précautionneux ?

En se maudissant, il remonta le long des rues, se frayant, bien trop lentement à son goût, un chemin à travers la foule. Il n'était parti que depuis deux heures, peut-être n'y avait-il pas lieu de s'inquiéter. Victoire n'avait aucune chance de s'en sortir seule, elle devait le savoir.

Engrenages Pourpres [Terminé - En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant