~ Chapitre 02 ~

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"Il y'a quelqu'un ?"


La voix lui parvient sans pour autant que son esprit réalise ce qui est en train de se passer. Il se fige, se redresse, lèvres entrouvertes et yeux écarquillés. 

Il s'enfuit, enjambe, cours, s'essouffle, manque de tomber, puis se reprend.

La maison paraît loin, trop loin. Le bruit du vent masque les sons ambiants de telle façon qu'il est incapable de savoir si quelqu'un le suit. Sa panique s'accentue davantage, tandis qu'il file dans l'obscurité, n'étant guidé par rien d'autre que sa mémoire et sa bonne connaissance des lieux.

Lorsqu'il aperçoit enfin la silhouette du petit cottage, il force sur ses jambes devenues douloureuses et accélère sa course. Apercevant la petite fenêtre aux volets fermés, il se jette presque littéralement sur ces derniers qu'il peine à ouvrir de ses mains tremblantes. Il s'engouffre par l'ouverture, aussi vite qu'il l'avait fait pour en sortir, et atterrit bruyamment sur les lattes de parquets brunes. Tentant de garder un tant soit peu les idées claires, il referme la fenêtre violemment, et se laisse glisser contre le mur. Il enfouit son visage entre ses mains glaciales. Parmi les sentiments multiples qui se mélangent à présent dans sa tête, seule la panique incontrôlée domine. Le souffle court, sa respiration saccadée emplissent la pièce auparavant silencieuse. Ses membres tremblent violemment alors que son esprit semble tourbillonner à mille à l'heure. Tête contre les genoux, il murmure pour lui-même :

"Mais c'était quoi, ça... ?"

Ou plutôt, qui était-ce ?  Durant toutes ces années rien n'est venu perturber le silence de ses nuits, ses murmures solitaires et ses contemplations mirifiques. Mais cette nuit, il en fut tout autre.

Quelqu'un vient de mettre un pied dans son univers, de briser la barrière qu'il s'était confortablement 

Les yeux clos, il guette le moindre bruit à l'extérieur. Rien d'autre que les rafales contre les murs de bois ne lui parviennent. Être seul ce soir l'angoisse d'autant plus. Tante SaeJin travaillant de nuit dans un centre hospitalier, la maison est parfaitement silencieuse. Il reste donc seul avec ses angoisses, et cette panique qui ne semble pas vouloir l'abandonner.

On lui a parlé. Des mots, une simple question, sont venus briser cette solitude qui le rassure tant. On lui a enlevé ce sentiment de sécurité, on lui a volé son endroit, on l'a arraché à son monde.

Il est conscient que cet événement prend une ampleur démesurée. Et le mal-être vient s'ajouter à cette panique excessive.

Après de longues minutes à tenter d'apaiser les battements de son cœur et sa respiration bien trop rapide, il se lève et se dirige vers la salle de bain.
Une douche lui éclairera sûrement l'esprit. Sans allumer les lumières, il traverse le long couloir, dont le parquet un peu daté grince sous chacun de ses pas. Lorsque qu'il entre dans la petite pièce étriquée, son regard s'attarde un instant sur son reflet.
Blême ; les lèvres légèrement rosées ; ses yeux arrondis et toujours légèrement écarquillés par les récentes émotions ; ses cheveux d'un brun profond et ébouriffés par sa course.

Il n'aime pas son reflet, n'aime pas s'attarder sur ce dernier. Alors, il détourne rapidement son regard pour le porter sur la baignoire. Il entreprend de régler la température : fraîche sans être froide, c'est comme ça qu'il l'aime. En enlevant son sweat, un détail alarmant le fait s'affoler.

Son téléphone, il n'est plus là.

Repassant les événements à toute allure, il peine à éclaircir ses pensées trop confuses. À moitié vêtu, il retourne à pas rapides jusqu'à sa chambre et s'affaire à fouiller l'endroit.

Rien.

Ses musiques, ses écrits, ses chansons et ses pensées, tout est réuni dans cet objet. Sa perte n'aurait pu le rendre plus déstabilisé qu'il ne l'est déjà.

Que faire... pense-t-il.

Est-ce qu'il devrait prendre le risque d'y retourner ? Mais en est-il réellement capable ?
Après tout, la voix est peut-être partie ? Enfin, cette personne plutôt. Pour lui, c'était essentiellement une voix, au vu de la pénombre qui ne lui avait pas permis d'en apercevoir davantage.

Maintenant, en se concentrant il se souvient. Il se souvient l'avoir lâché par surprise et l'avoir laissé choir sur ce rocher sans se retourner, soumis à la panique qui s'était saisie de lui.

À pas traînants et hésitants, il retourne vers la salle de bain, de laquelle s'échappe le bruit de l'eau qui n'avait cessé de couler durant sa courte absence.     Il enjambe le rebord de la baignoire à pattes de Lion, puis s'assoit en son centre, le regard vague et l'esprit lointain.

Aujourd'hui est son anniversaire. Cette journée est censée célébrer la joie de sa naissance, de son existence. Ce jour n'a aucune signification pour lui, rien qui pourrait faire qu'aujourd'hui lui apporte plus qu'hier ou demain. Et pourtant, une différence était apparue, flottant dans la noirceur de cette nuit sans lune. Marquant cette journée d'une manière dont il ne se serait jamais douté.

Devrait-il, dans ce cas, agir différemment cette fois ? S'il devait être fidèle à tout ce qu'il a été jusque-là, il resterait enfermé dans cette chambre, n'osant plus s'échapper comme il l'a pourtant toujours fait. Mais peut-être que cette différence est un signe. Quelque chose venu spécialement dans le but de le pousser dans ses retranchements.
Mais le destin, il n'y croit pas. Alors pourquoi semble-t-il prêt de se risquer à y retourner ?

Il semble que deux solutions s'offrent à lui, mais elles semblent se battre en duel.

Rester ? Y aller ?

Non, il en est incapable. Mais il le faut, il doit récupérer son mobile coûte que coûte. Et si la voix était encore là ? Il doit prendre le risque. Et puis Tante SaeJin le tuerait si elle apprenait qu'il a égaré l'une des choses les plus chères qu'il possède.

L'eau devient plus froide que fraîche et le sort de sa torpeur.

Il se relève difficilement, quitte le bain, puis enfile un boxer avant de rejoindre sa chambre.
Il se glisse sous les draps frais et se recroqueville, l'esprit toujours tourmenté  par le son rauque qui a brisé sa nuit.

C'est décidé, demain il y retourne.

~

"Lorsque la nuit noire passera, un matin lumineux viendra."

Bеγoηd thе  words • Kth ◦ JjkWhere stories live. Discover now