2.2 ~ Effondrement

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J'avais chaud, très chaud, et cela n'annonçait rien de bon. Dans ce monde glacial où vivaient les humains, la chaleur était habituellement rare - de mon point de vue en tout cas.

Cela ne se fut pas attendre. J'étais dans un couloir vide du rez-de-chaussée, faiblement éclairé par une porte vitrée à quelques mètres de là. Dix minutes s'étaient écoulées depuis que j'avais quitté la cour et mon portable se mis à vibrer.

« Pb ! Faut ke jtexplik sa tt de suite, sa urg alors jarrive. F »

Qu'avait-t-il fais encore ?

Le troisième étage ; pourquoi fallait-il que le passage soit au troisième ? Imbéciles qu'ils étaient, ils n'avaient pas pensés à faire un escalier liant le rez-de- chaussé au quatrième pour déverser tous les étage ? Non, bien sûr, s'embêter à en mettre un peu partout pour que l'on s'amuse à les chercher pendant des heures c'était mieux ?

Mise à part cette perte de temps, je fus rapidement arrivée à destination, autrement dit, le trou noir. Oui, un trou, tout noir. Ce n'était qu'un placard où avec un peu d'aide et de longs mois de patience, j'avais "creusé" un trou dans l'espace-temps pour pouvoir communiquer facilement avec d'autres dimensions. En tout cas, c'est de par là que monsieur devait apparaître.

La pause du midi n'étant pas tout à fait terminée, il y avait encore foule dans les couloirs, ce qui fait que l'apparition soudaine d'une "créature démoniaque" n'allait pas passer inaperçus. Je croisai donc les doigts pour que la foule se dissipe enfin, faisant les cents pas devant le placard en question.

Le couloir dans lequel je me trouvai était assez étroit et sombre, éclairé que d'une seule fenêtre à quelques mètres de là, mais je ne voulais pas prendre de risques, surtout en prenant en compte la présence d'un escalier à deux pas. Mon stresse était à son plus haut niveau quand un horrible bruit strident me fit sursauter :

L'alarme incendie.

C'était le parfait moment pour faire un exercice ; magnifique diversion. Je vis alors le troupeau d'animaux non identifié dériver vers les escaliers les plus proches. Moi, à contre courant, essayai d'atteindre une salle de cours déserte pour m'y réfugier. D'ici quelques minutes, la vague d'humain aura disparu et seul l'appel fait dans la cours trahira alors mon absence. Je ne me risquai pas à descendre, observant la rue d'une des fenêtres.

- Mademoiselle, que faite-vous ici ? grogna une voix dans mon dos imitant celle d'un professeur.

Je me retournai subitement, affolée, puis déclarai en riant :

- Je ne voudrais pas faire de mauvais jeu de mot mais là, Fear, tu m'as fait peur !

Je le vis esquisser un sourire, avant de reprendre son sérieux. Ses yeux semblaient tristes et sa peau rougeâtre que l'on devinait sous sa cape était fade. Lui habituellement si joyeux, le regard charmeur et souriant, était presque méconnaissable. Comme d'habitude lorsqu'il se rendait sur terre, il était vêtu d'un pantalon, gris cette fois, et d'une longue cape sombre dont la capuche sur sa tête cachait ses cheveux blonds dorés et sa peau écarlate. Il était grand comparé aux humains, beaucoup plus fort aussi mais parfois pas plus intelligent qu'eux.

- Qu'as-tu fait encore ? demandai-je alors, alarmée.

- Moi rien, dit-il d'un ton presque désolé, tu sais très bien de qui il s'agit.

Il me montra alors une fenêtre opposée du menton. J'avalai ma salive, inquiète, puis m'approchai doucement de l'ouverture qui donnait sur la cours.

Le feu ; il y avait vraiment le feu, et celui-ci était loin d'être de cause naturel.

Je lançai un regard angoissé à Fear puis filai vers l'escalier ; il me fallait trouver Owl au plus vite. Dans ma course, douze mille questions me vinrent à l'esprit : Comment avaient-ils fait pour le retrouver, alors que moi j'y avait passé ma vie ? Pire ; comment avaient-ils fait pour me retrouver moi ; savaient-ils au moins que j'étais là ? Ils le devaient, j'en étais certaine, et c'était d'ailleurs sans doute ma faute s'il était désormais en danger.

Même si je ne le voyais pas, je sentais Fear me suivre : ses bruits de pas fins et légers comme ceux d'un fantôme, que j'étais une des rares à pouvoir identifier. Dans les bruits que je percevais, il y avait aussi les battements de mon cœur : mes jambes qui descendaient les marches mais aussi la peur. Peur qu'il lui arrive quelque chose. Peur de l'échec. Peur que l'on perde cette stupide guerre ; tout ça à cause de moi.

Enfin arrivée en bas, mon regard fit le tour de la pièce. Rien, mis à part des élèves effrayés tentant de rejoindre la rue au dehors. Owl n'était plus en bas ; avait-il réussit à sortir ? Mon instinct me dit que non et mon pouls s'accéléra de plus bel. Je continuai donc de chercher, me déplaçant au travers la foule à la vitesse de trois mètres par minute. Mon pied droit se fit écraser quatre fois et je reçus au total, trois coups de coude et un "J'te fonce dedans". N'étant pas très à l'aise en tant que petit veau dans ce troupeau de bœuf, je rejoignis un des murs et longea celui-ci jusqu'à la cour ; la source de l'incendie.

C'est alors que je les vis ; deux démons rouges vifs d'au moins un mètre quatre-vingt dix, armés de deux tiges de ferrailles enflammées chacun. Pour accompagner ces messieurs, une demoiselle fine comme mon bras – j'exagère à peine – à la tenue forte estivale pour la saison et aux longs cheveux d'un blond brillant. Celle-ci, je la connaissais, et sa présence n'annonçait rien qui vaille.

Une question me tourmentait : mais pourquoi tant de dégât ? Pourquoi ce spectacle devant autant d'humain ? Ne pouvaient-ils pas simplement s'infiltrer dans le lycée, sans éveiller les soupçons quoi ! Non, ils avaient voulus retourner tout le projecteur sur eux, annoncer haut et fort : "Hey ! Nous nous sommes là vous avez-vus ?"

Dans un sens, j'étais bête, très bête. S'ils n'avaient pas signalé leur présence par un vacarme pareil, je n'aurais eu vent de leur présence que trop tard et je n'aurais pas su le protéger convenablement. Pourtant, le massacre était total. A eux trois, ils avaient réussit à transformer le lycée en une fourmilière piétinée. Un bruit à me percer les tympans rugit soudainement au dessus de moi ; je relevai la tête.

Non, non, NON !

Il y avait déjà assez de fumeurs comme ça au lycée, pas besoin de nous livrer un briquet géant !

Et bien oui, nos hôtes avaient eut besoin d'un moyen de transport et n'avaient visiblement pas trouvé de place où se garer, et c'était dans la cours que le vol « Enfer-lycée » préparait son atterrissage. Un beau gros dragon de dix mètres de long, oui, une belle monture. Une grosse bestiole d'un blanc laiteux, recouverte d'épines tranchantes au niveau du dos et des ailes. Quand à ses yeux, ils étaient d'un bleu profond et perturbant à en terrifier plus d'un.

Enfin arrivé au sol, l'animal étira ses pattes et cracha quelques flammes, incendiant l'arbre qui se trouvait face à lui. Mon attention se reporta alors sur le mur effondré caché derrière le tronc ; des pieds, il y avait quelqu'un derrière. Sans rien comprendre, mes jambes s'élancèrent à travers la cour, arrivant rapidement près des débris. Mes pensées s'affolèrent, tandis que mes mains dégagèrent les briques effondrées. Les démons ne l'avais pas vu et c'était tant mieux pour moi ; et surtout pour lui aussi.

Je retournai alors le corps en sang et vérifiai le pouls. Son visage recouvert de poussière était pâle mais intact. Je sortis sans tarder mon portable de ma poche, tremblante, et écrivis à la hâte :

« Je l'ai retrouvé »

Les trois mondes 1 : HealsiaWhere stories live. Discover now