1.2 ~ L'ombre d'une étrangère

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Le lendemain fut une journée au lycée comme les autres ; pour changer tiens ! Une matinée d'ennui et de cours qui ne me serviraient jamais à rien. J'arpentais les couloirs, à moitié enfouie dans ma capuche, slalomant entre les corps visqueux de ces lycéens vides d'esprit. C'était la pause, et les salles de classes en profitaient pour se vider d'un flot d'élèves bruyants. Au bout d'un instant qui me parut durer une éternité, j'arrivai enfin à ma destination : un petit courant d'air frais dans une partie de la cour, ensevelie sous une couverture de jeunes feuilles de chêne. C'était à cet endroit de la cours que j'aimais m'installer, à l'abri des arbres, loin de la foule des couloirs et du reste de l'établissement. On ne pouvait y accéder que par les couloirs des salles de langues, et seulement peu d'élève y venaient passer leur temps libre.

L'ambiance y était donc assez calme et peu bruyante. Quelques bancs et deux ou trois tables meublaient le sol de béton marbré de verdure ainsi que plusieurs arbustes qui cachaient le muret de pierre tapissant le fond de la cour. Je continuai d'avancer et considéra l'ensemble des élèves présent, avant d'être interpellée par une voix féminine.

- Healsia ! te voilà, on ne s'est pas vus hier soir, je devais te rendre ton livre de physique, me lança une brune délavée aux lèvres roses et au nez droit qui me regardait d'un grand sourire niai.

Je lui lançai tout d'abord un regard noir qu'elle comprit immédiatement ; je détestais que l'on m'appelle par mon prénom en entier. Je levai les yeux puis m'approchai de la table où elle était assise avec d'autre de ses amies. Elle sortit le livre de son sac et me le tendis, laissant percevoir ses ongles longs, impeccables et vernis. En le prenant, je ne pu m'empêcher d'y comparer les miens, rongés depuis des années qu'il n'en restait presque plus rien.

Je rangeais donc rapidement le livre dans mon sac avec l'intention de m'éloigner le plus rapidement de ces filles. A part Alaya qui était dans ma classe cette année, elles ne m'appréciaient pas vraiment. Cela dit, je ne faisais rien pour changer ce fait. Ce n'était pas mon but et je n'en avais pas l'intérêt. La raison pour laquelle Alaya était devenue mon "amie", et bien, je l'ignorais. Ce n'était pas le genre de fille avec qui je pouvais m'entendre mais elle ne me lâchait pas depuis le début de l'année. Elle était comme un gros chewing-gum plein de colorants artificiels qui me collait grâce à ses tonnes de produits chimiques.

Malheureusement, je ne réussis qu'à faire deux pas qu'on m'intercepta de nouveau. Un mec, bien plus épais et costaud que moi, fit irruption dans mon champ de vision. Ses yeux gris me regardèrent avec froideur tandis que son sourire presque maléfique dominait son visage. Je savais qui il était mais son nom m'échappait complètement. À quoi bon, il n'était rien d'autre qu'un stupide humain de ce lycée de toute façon.

- Alors, me lança-t-il, tu as ce que je t'ai demandé ?

Ah oui c'était lui, le coupable. En effet, j'avais en ma possession les magnifiques preuves d'un vol récemment survenus dans une salle de cours, et celles-ci montraient clairement le coupable ; pour résumer, mon interlocuteur était loin d'être sage.

Je fis non de la tête, ce qui le déstabilisa. Mon regard le fixait, impassible ; même avec ses trente centimètres et quarante kilos de plus, je restai calme. La raison était qu'il avait plus à craindre de moi que je n'avais à craindre de lui.

Ce fut une voix amusée, que je reconnus aussitôt, qui me fit tressaillir ; je me maudissais. Comment avais-je fait pour ne pas l'avoir vu venir ?

- Calme-toi, dit-il, tu veux qu'elle te rappelle ce qui est arrivé la dernière fois à ton bras ?

- On ne t'a pas causé, Owl ! répliqua monsieur le géant.

Les trois mondes 1 : HealsiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant